
Les nouveaux dirigeants doivent allier vision de long terme et adaptabilité aux crises
Crise Covid, guerre en Ukraine, flambée de l’inflation, difficultés d’approvisionnements constituent une série de défis pour les dirigeants. Et pour les chasseurs de tête qui doivent trouver les moutons à cinq pattes. Mais quels profils ? «Les tendances de fond se confirment avec un changement radical de leadership lié aux transformations technologiques, aux enjeux du développement durable et à la féminisation de la gouvernance», confie Paul Jaeger, associé chez Russell Reynolds. «Nos clients nous demandent plus de diversité de genre ou de nationalité dans nos recherches de dirigeants, qui doivent désormais intégrer l’ESG et les sujets extra-financiers et avoir la capacité de mener des transformations digitales», explique Diane Segalen, présidente de Segalen+Associés. Elle constate que les dirigeants actuels ont déjà vécu une série de crises et sont plus adaptables. «Transformation, digitalisation, capacité d’adaptation sont les maîtres-mots demandés aux nouveaux dirigeants, ajoute Caroline Golenko, managing partner chez Boyden. Nous recherchons des profils capables de s’adapter très rapidement aux crises successives majeures que nous traversons. Nous rentrons davantage qu’hier dans une analyse psychologique, afin de mesurer la capacité des candidats à faire face aux situations de stress».
Le leadership évolue. Il ne se limite plus aux seuls objectifs financiers à atteindre, mais concerne également l’extra-financier. Un leader «durable» émerge. Ces nouveaux patrons «doivent avoir une vision de long terme, la capacité d’entraîner toutes les parties prenantes, le sens de l’innovation technologique, et la capacité à penser simultanément plusieurs horizons (national, supranational, régulation...) le fameux ‘multi level thinking’», précise Paul Jaeger. La traversée de la crise Covid hier, et l’adaptation aujourd’hui aux conséquences du conflit russo-ukrainien permettent de mesurer le leadership d’un dirigeant.
A nouvelle ère, nouveau profil. Si les jeunes «sont plus plastiques et plus résistants physiquement, ils manquent d’expérience – et donc perdent du temps – anticipent moins bien toutes les situations, et sont parfois moins persévérants, constate Caroline Golenko. Les femmes sont capables de mener plusieurs agendas de front, font preuve de souplesse, et s’appuient sur leur expérience pour garder le cap. Elles démontrent souvent une intelligence émotionnelle plus forte, mais c’est parfois une arme à double tranchant… ».
Difficiles recrutements de femmes
Dans les shorts lists, la présence d’au-moins une femme est devenue la règle. Mais les femmes sont plus difficiles à convaincre. «Elles ne sont pas toujours en mesure de demander à leurs conjoints de déménager et d’abandonner leurs postes, et plus souvent que les hommes, elles peuvent avoir à s’occuper de leurs parents âgés», constate Paul Jaeger. Choisir une femme permet également de rajeunir l’âge du dirigeant. Mais, «nommer une femme, plus jeune, et n’ayant pas encore l’expérience de direction générale, est aussi une prise de risque», prévient Paul Jaeger. Pour faire monter les femmes à la tête des entreprises, «l’État a joué un rôle de promotion majeur, notamment chez Engie – Catherine MacGregor ou encore avec Christel Heydemann chez Orange, poursuit Diane Segalen. Les entreprises familiales n’hésitent pas aussi à nommer des femmes issues du sérail à leur tête».
Face aux difficultés de recrutement de talents féminins, «il vaut mieux prendre le sujet très en amont et accompagner les sociétés pour faire progresser le vivier féminin en interne, recommande Paul Jaeger. Le secteur bancaire, pourtant largement féminisé, est très en retard en matière d’accompagnement de carrière».
Avec l’instauration en 2019 de l’index Pénicaud sur l’égalité professionnelle, «les sociétés commencent à se mettre au diapason, poursuit Emmanuel Dufour. Attention à ne pas systématiser la nomination de femmes, qui aurait pour effet de décourager les talents masculins. L’égalité professionnelle ne se fait que si le partage des tâches domestiques est aussi équitable, comme l’a montré la crise Covid où l’inégalité a souvent été flagrante». Il faudra encore attendre «au moins cinq ou six ans pour que les entreprises fassent émerger une nouvelle génération de femmes dirigeantes», estime Diane Segalen.
Préférence accordée à l’interne
Le comité de nomination a pour objectif «de trouver le meilleur dirigeant, et de faire en sorte qu’il émerge de l’interne, précise Caroline Golenko. On connaît son parcours, ses atouts et ses faiblesses. Le recours à l’externe est nécessaire si le parcours de succession n’est pas fructueux, ou si le futur dauphin, lassé d’attendre, a quitté l’entreprise».
Les conseils d’administration travaillent souvent en deux temps. Ils font leur recherche en interne, souvent en continu, puis font appel à un chasseur de têtes pour faire une comparaison. En interne, «le candidat peut aussi provenir du conseil d’administration, comme l’ont fait Accor et plus récemment Orange, relève Caroline Golenko. Avoir travaillé auparavant avec le candidat est toujours un plus».
«Les recrutements extérieurs sont des catalyseurs de changement, précise Emmanuel Dufour, Associé chez Segalen+Associés. Il est souvent plus facile d’opérer des changements en interne avec des dirigeants provenant de l’externe, d’autant qu’ils ont tendance à modifier une partie de l’équipe dirigeante». Si la norme pour le choix d’un directeur général «est d’être promu en interne, les comités de nomination des conseils d’administration nous demandent de plus en plus un benchmark extérieur avant de valider le choix du candidat interne», poursuit Diane Segalen. Un profil étranger est parfois le plus adapté, «comme chez Air France-KLM, avec un vrai professionnel de l’aéronautique, alors que le vivier était très réduit en France, ou jugeait le poste beaucoup trop risqué», conclut Caroline Golenko.
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