
Les directions financières s’adaptent pour attirer les talents

Conséquence de la crise sanitaire qui dure depuis deux ans, les entreprises doivent continuer à se réinventer. Les directions financières tiennent un rôle majeur dans cette transformation et se fixent trois enjeux à relever, selon une étude du cabinet d’audit et de conseil EY dévoilée aujourd’hui, réalisée auprès de 200 directeurs financiers. D’une part, 58% d’entre eux pensent qu’il faut intégrer la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) dans leurs décisions stratégiques, et 54% souhaitent investir dans la digitalisation de leurs processus : 36% estiment que le recrutement de nouvelles compétences est l’un des enjeux majeurs des années à venir.
Manque d’attractivité
D’autre part, la gestion des talents est devenue la deuxième priorité des directions financières derrière la stratégie de long terme et devant le pilotage de la performance. En effet, plus des deux tiers des directeurs financiers interrogés reconnaissent avoir des difficultés à recruter. Or c’est un défi majeur pour rester compétitif. Les deux tiers des directions financières relèvent l’inadéquation des profils aux besoins des entreprises, qui recherchent notamment des spécialistes de la donnée (data scientist) et des chefs de projet. Un tiers souligne le manque d’attractivité des métiers traditionnels du secteur. Comment moderniser ces métiers et les rendre plus attractifs ?
«Grâce auxnouvelles technologies, les chefs comptables contribuent aux activités les plus valorisantes de l’entreprise comme coacher des non-financiers sur des sujets financiers ou piloter l’amélioration de processus. De même, les contrôleurs de gestion deviennent les propriétaires de la data, et par conséquent d’importants catalyseurs de la transformation de leur entreprise, précise Maryse Lecutier, associée EY Consulting. A court terme, les recrutements seront difficiles, mais après les transformations opérées, la filière deviendra encore plus attractive, avec plus de travail d’équipe, de pilotage de projets, et de polyvalence».
EY invite aussi les directions financières à développer les compétences internes par l’upskilling (perfectionnement des connaissances) et le reskilling (acquisition de nouvelles compétences). «Il est nécessaire de se projeter dans un environnement plus incertain, en passant d’une culture de contrôle de l’exactitude à une culture d’exploration, de prise d’initiatives et de confrontation rapide au marché, explique Maryse Lecutier. Cela s’accompagnera de nouveaux modes de travail, plus transversaux et collaboratifs».
Un pilotage en continu…
Dans un environnement où les incertitudes restent nombreuses, comment piloter la performance ? La crise sanitaire a conduit les deux tiers des directeurs financiers à opérer des ruptures en innovant et en optimisant leurs reportings, avec l’accent mis sur des informations en temps réel fiable (22% des répondants), le pilotage du cash (15%) et l’intégration de données externes (15%). Adopter des méthodes d'élaboration budgétaire plus agiles, pour permettre un pilotage en temps réel est devenu leur credo.
«Au lieu de suivre un processus annuel, comme avant, ils réalisent des projections en continu sur différents indicateurs, comme les coûts, le cash, les investissements, etc. et réallouent en permanence les ressources là où elles sont nécessaires, en fonction de différents scénarios, pessimiste, neutre ou optimiste, poursuit Maryse Lecutier. Le pilotage agile mis en place dans l’urgence doit maintenant être pérennisé. Les comptes de résultat, bilans et flux de trésorerie laissent la place à des indicateurs clés (KPI) spécifiques à l’entreprise».
La gestion du cash, primordiale pendant la crise Covid, a conduit les directeurs financiers à la revoir, afin de trouver un équilibre entre réactivité à court terme et investissements pour l’avenir. Ils mettent en place de nouveaux outils de prévision de trésorerie, ou de collecte de cash. Des transformations qui nécessitent des investissements technologiques. «Si les solutions ne sont généralement pas complexes à mettre en place, l’intégration des solutions entre elles peut s’avérer plus ardue», prévient Maryse Lecutier.
… avec des indicateurs extra-financiers
Dans un monde où la RSE est perçue comme un moteur d’innovation et de croissance, le directeur financier devient de plus en plus un «sustainable business partner». Avec les nouvelles réglementations et les exigences de transparence des parties prenantes, de nouveaux indicateurs s’imposent. EY propose notamment d’intégrer la valeur client (satisfaction, transparence de l’activité…), la valeur humaine (leadership, diversité, santé…) et la valeur sociétale (durabilité, empreinte carbone, éthique…). «La croissance des années à venir passera par la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux. Si on ne fait rien, la compétitivité de l’entreprise en pâtira, rappelle Maryse Lecutier. La révolution va s’amorcer avec un pilotage de la performance à partir de ces nouveaux indicateurs extra-financiers en cours de déploiement dans les entreprises».
Enfin, avec la crise, la maîtrise des risques est devenue un enjeu pour toutes les entreprises. «Si les PME et ETI étaient plus démunies, désormais, les risques, notamment cyber, sont devenus un sujet de discussion quotidien au sein du comité de direction, avec une généralisation d’une gouvernance et de dispositifs de défense», constate Maryse Lecutier.
Cette transformation de la direction financière passe par l’intégration de la RSE dans la stratégie, par la gestion des talents, par la digitalisation des processus, et par le suivi en temps réel de la performance. Le directeur financier devient ainsi «une boussole de l’entreprise pour allouer le capital en fonction des enjeux de compétitivité», conclut Maryse Lecutier.
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