
Le couple Siemens Alstom repose sur des déséquilibres

Joe Kaeser, le président du directoire de Siemens, a eu beau marteler hier que le projet de rapprochement avec Alstom dans le ferroviaire constitue une «fusion entre égaux», les faits peinent à confirmer son affirmation.
Au niveau du capital, le contrôle de Siemens est avéré. C’est même écrit noir sur blanc dans la présentation faite à ses investisseurs. Le groupe allemand aura 50,67% du capital de la nouvelle société. Des bons de souscription d’actions lui permettront d’acquérir, à des conditions encore non définies, 2% du capital supplémentaire, ce qui «sécurise sa majorité», indique la présentation.
Cette prise de contrôle ne demandera aucune sortie de cash à Siemens. Les 50% au capital seront obtenus en échange de l’apport de ses actifs ferroviaires. Qui plus est, la prime de contrôle de 4 euros par action versée aux actionnaires d’Alstom, soit 900 millions au total, sera «économiquement supportée» par Siemens, indique le groupe allemand dans sa présentation, avant d’expliquer quelques lignes plus tard qu’elle sera «financée avec les liquidités d’Alstom».
Ce déséquilibre se retrouve aussi au conseil d’administration. «Fusion entre égaux» ne rime pas avec répartition équitable des sièges. Avec 6 des 11 administrateurs, le groupe allemand n’aura pas la majorité absolue mais son poids sera autrement plus important que celui des 3 administrateurs indépendants venant d’Alstom. En tant que directeur général, Henri-Poupart Lafarge aura un siège au conseil d’administration et, hier, Joe Kaeser l’a assuré publiquement du «soutien total de Siemens». Mais aucun mécanisme ne garantit le maintien d’Henri Poupart-Lafarge à la direction générale ni que son successeur soit français ou issu des rangs d’Alstom. «Ne soyons pas obsédés par les nationalités, cela devient un peu embarrassant», a répondu un brin agacé, Henri Poupart-Lafarge.
Equipe à composer
Il faudra également proposer une «responsabilité importante dans la nouvelle entité» à Jochen Eickholt, l’actuel directeur général de Siemens Mobility, insistent les deux groupes. Or, dans ces «fusions entre égaux» la nomination des personnes aux postes clés est souvent source de tensions. Elle avait eu raison du projet de rapprochement entre Publicis et Omnicom et a longtemps empoisonné les relations chez LafargeHolcim avant que le camp suisse ne prenne totalement la main sur le groupe. «La manière dont nous allons composer la nouvelle équipe dirigeante consistera à choisir les meilleures personnes pour les différents postes, et nous n’allons pas commencer à tenir les comptes», a expliqué Henri Poupart-Lafarge.
Pour compenser le poids de Siemens au conseil d’administration, certaines décisions, comme la nomination du directeur général ou la localisation du siège social, ne pourront être approuvées qu’à une majorité qualifiée, c’est-à-dire avec l’avis favorable d’au moins 2 des 3 administrateurs indépendants. Mais avec la majorité du capital et des droits de vote de la future entité, Siemens aura la main sur la nomination en assemblée générale des administrateurs indépendants. Dans ce contexte, la future constitution des différents comités du conseil d’administration s’annonce cruciale.
Face à ces déséquilibres, Henri Poupart-Lafarge rétorque qu’il faut voir l’opération comme une «fusion entre égaux industrielle». Mais là encore, en attendant les projets communs que les deux groupes pourront initier, la balance penche côté allemand, avec la localisation outre-Rhin du siège des solutions de mobilité (signalisation…), l’activité à plus forte valeur ajoutée et moins soumise à la concurrence du constructeur chinois CRRC. La France aura le siège du matériel roulant.
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