
L’affaire Orpea remet en cause la pertinence des notations ESG

Deuxième journée noire pour le secteur des maisons de retraite. En deux séances, Korian a chuté de plus de 18% et Orpea a perdu près d’un tiers de sa valeur après la publication de quelques pages du livre Les Fossoyeurs (du journaliste Victor Castanet, éditions Fayard), dénonçant certaines pratiques dans les maisons de retraite d’Orpea. Le démenti du groupe n’a pas calmé la tempête. D’autant que le gouvernement réfléchit désormais à diligenter une enquête de l’inspection générale sur l’ensemble du périmètre Orpea.
« La coupe est pleine, a déclaré Michel Saugné, directeur de la gestion chez Tocqueville Finance, lors d’un point presse. On n’a pas vocation à rester dans des sociétés où les controverses sont si marquées, et quand elles s’inscrivent dans la durée, comme c’est le cas chez Orpea. On a déjà cédé la moitié de notre position ». La chute du titre « s’explique vraisemblablement par les algorithmes, plus que par des sorties de fonds ISR, les gérants attendant plutôt des éclaircissements des agences de notation extra-financière avant d’agir », indique Vincent Auriac, président du cabinet de conseil Axylia.
Des risques de gouvernance pèsent sur le secteur
« Ce ‘social warning’ n’a été ni anticipé par le marché, ni ‘pricé’ par les agences de notation extra-financière, qui attribuent des bons scores à Orpea et à Korian », poursuit Vincent Auriac. En matière de performance extra-financière, Orpea est noté 69 par Gaïa, contre 76 pour Korian et 51 pour le secteur ; et 25 (la note la plus faible est la meilleure) par Sustainalytics, contre 28 pour Korian, selon leur document d’enregistrement universel 2020. Les deux groupes sont notés C par ISS ESG et A par MSCI ESG. Cette notation ESG (environnementale, sociale et de gouvernance) est-elle donc inutile ? EthiFinance rappelle à L’Agefi que sa notation ESG Gaïa ne tient pas compte des controverses. Toutefois, depuis le début de l’année 2022, l’agence de notation extra-financière propose un outil de détection, d’évaluation et de suivi des controverses ESG.
Avec les informations parues depuis lundi sur Orpea, « la nouveauté concerne les sujets de gouvernance qui amène aussi à se poser des interrogations sur les autres opérateurs du secteur », prévient Jean-Philippe Desmartin, directeur de l’investissement responsable chez Edmond de Rothschild AM. Les liens entre Orpea et Xavier Bertrand quand il était ministre de la Santé, sont mis en avant dans Les Fossoyeurs, précise Le Monde.
Le secteur des Ehpad « est par définition exposé aux risques de réputation, rappelle Jean-Luc Lepreux, analyste crédit chez Arkea. Notamment, beaucoup de plaintes ont été déposées à la suite de décès du Covid contre ces groupes et nous ne savons pas comment ces plaintes vont prospérer ». Korian précise que la plupart des plaintes sont déposées contre X. « Le contexte social de ce secteur (conditions de travail, risques de maltraitance…) n’est malheureusement pas nouveau, confie Jean-Philippe Desmartin. C’est pour cela qu’Orpea fait partie des entreprises avec qui nous avons un dialogue/engagement sur les sujets sociaux et que nous sommes parties prenantes au niveau mondial à une initiative collective sur les métiers des services à la santé ». Mais, « penser que le groupe ait pu décider de maltraiter sciemment des patients pour des raisons économiques, nous semble totalement infondé », note Bryan Garnier, jugeant «réels» les engagements RSE du groupe.
Un secteur structurellement très endetté
Le modèle économique du secteur reste difficile. « En France, le chiffre d’affaires du secteur est très contraint. D’une part, la création de lits supplémentaires dépend d’agréments délivrés par les autorités de tutelle. D’autre part les prix sont en partie encadrés, précise Jean-Luc Lepreux. Aussi, pour rentabiliser ce modèle, les opérateurs doivent jouer sur la structure de coûts ». Pour ce secteur, « nous avons travaillé sur deux indicateurs, les salaires et le prix des repas, poursuit Vincent Auriac. Alors qu’il enregistre le plus fort taux d’accidents du travail, nous avons constaté que le secteur est très sensible à ces indicateurs dont la revalorisation mettrait les sociétés en perte ».
En outre, ces groupes de maisons de retraite « sont structurellement très endettés, avec un niveau d’incorporels très élevés, supérieur aux fonds propres, souligne Jean-Luc Lepreux. Néanmoins, les structures financières restent plutôt solides. Si Orpea et Korian n’ont pas sollicité de notations de crédit, ils émettent à des niveaux de spreads qui semblent indicatifs d’un rating ‘BB’».
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