« Il faut s’attendre à une forte demande de consolidation budgétaire »

La parole à... Andreas Eisl, chercheur à l’Institut Jacques Delors
Clément et Mathieu Solal, à Bruxelles

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Andreas Eisl, chercheur à l’Institut Jacques Delors

La réaction actuelle des Etats membres à la crise de l’énergie pose-t-elle un risque pour la soutenabilité de leurs dettes ?

Pas immédiatement. On est très loin de la situation du début des années 2010, avec une crise des liquidités. Les taux d’intérêt avaient explosé et les Etats avaient des difficultés à s’endetter, faute de créancier de dernier ressort. Depuis, la Banque centrale européenne (BCE) a de facto pris ce rôle et, plus généralement, on a développé des outils pour éviter qu’une nouvelle crise se reproduise. Cela dit, la remontée actuelle des taux d’intérêt va progressivement provoquer une augmentation du service de la dette, qui est le meilleur indicateur de la soutenabilité de la dette. Cela met fin à six ans de taux très bas, voire négatifs. Même si l’inflation soulage en partie les Etats membres, qui doivent rembourser en valeur nominale, et que les prévisions ne vont pas non plus vers une explosion du niveau d’endettement par rapport au PIB, la nouvelle situation devrait provoquer à moyen terme une forte demande de consolidation budgétaire, avec une forte pression sur les acteurs politiques.

Faut-il modérer le soutien à l’industrie pour éviter cette situation ?

La question est complexe. D’un côté, si on ne fait rien, l’effet risque d’être catastrophique alors même que l’industrie crée en général une forte valeur ajoutée. Détruire cette valeur, c’est se donner d’autant moins de chances d’avoir des budgets soutenables. D’un autre côté, casser le signal prix, tout soutenir, c’est aussi problématique pour les finances publiques, et cela ne contribue pas non plus à régler la crise. Il faut donc réussir à bien calibrer le soutien, tout en permettant une réduction de la demande d’énergie, qui est la vraie réponse à cette crise. Avoir une réflexion sur ce qu’il faut soutenir en priorité, notamment vis-à-vis de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais faire un tel tri est très loin d’être facile politiquement, car l’avenir est incertain. En résumé, le soutien aux citoyens et aux entreprises doit être construit d’une manière qui ne pense pas uniquement au court terme mais aussi aux défis plus structurels.

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