
DIVERSITÉ DANS LA GESTION D’ACTIFS - La guerre des talents fait rage

La 4e édition du Gender Diversity Index (GDI) dans la gestion d’actifs, élaboré par L’Agefi en partenariat avec Ethics & Boards, témoigne de la progression régulière de la part des femmes dans les conseils d’administration et les comités exécutifs (lire ‘La Parole à...’). « Nos actions visant à améliorer la représentation des femmes dans les effectifs commencent à porter leurs fruits, en augmentation constante depuis 2017, à tous les niveaux hiérarchiques, ce qui est très positif, sachant que le marché est très concurrentiel », se félicite Marine Palies, responsable groupe de l’inclusion et de la diversité chez Allianz GI.
Les enjeux sont tout aussi sociétaux et éthiques que stratégiques. « Nous parvenons à un point d’inflexion, où il nous faut expliquer aux lignes de métier que si nous ne recrutons pas davantage de femmes et, plus globalement, de personnes issues de la diversité, nous risquons de passer à côté d’un certain nombre d’opportunités de développement », indique Frédéric Clément, directeur des ressources humaines (DRH) d’Axa IM.
Dans un secteur historiquement masculin, la pénurie de profils se fait particulièrement sentir dans la population des « Top 100 » des cadres dirigeants. Les femmes composent entre 28 % et 35 % de ces effectifs pour les sociétés interrogées, en progression certes rapide. « Nous avions 15 % de femmes en 2017 dans nos ‘senior management positions’, et nous en avons 33 % à fin 2021 », déclare Marion Azuelos, DRH chez BNPP AM. Invesco, qui a déjà atteint la barre des 35 % fin 2021, vise 40 % de femmes dans son Top 100 à la fin de l’année 2022. « Nous nous sommes fixé un objectif de 33 % de femmes dans notre top management d’ici à 2025, nous en avons 29 % aujourd’hui. Ce n’est pas chose aisée car nous assistons à une vraie guerre des talents, assortie d’une inflation dans les salaires, en particulier aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Ce phénomène est un peu moins visible en France, qui n’a pas connu la grande vague de démissions », explique Frédéric Clément. Cette inflation semble toutefois relative, l’écart moyen des salaires entre les femmes et les hommes reste élevé, aux alentours de 26 %.
Bien qu’en nette progression depuis la première édition du GDI, l’amélioration de la part des femmes dans les recrutements reste un objectif prioritaire dans l’ensemble des sociétés interrogées, notamment dans les métiers de la gestion et des technologies de l’information. Selon une étude menée par Allianz GI, les femmes représentent 24 % des professionnels de la gestion de portefeuille inscrits sur LinkedIn. « En 2021, nous sommes parvenus à recruter un peu plus de 40 % de femmes dans ce métier. Pour reprendre un terme propre à notre métier, nous avons battu notre benchmark ! », plaisante Marine Palies. BNPP AM évolue aussi dans ces ordres de grandeur. « En 2021, nous avons recruté 44 % de femmes au sein de BNPP AM, dont 40 % de femmes dans les métiers de l’investissement », explique Marion Azuelos.
Influence américaine
La crise sanitaire et la diffusion des thèmes propres à l’ESG (environnement, social, gouvernance) ont conduit toutes les sociétés à élargir leurs politiques de diversité au thème de l’inclusion. Beaucoup se sont engagées à améliorer la représentation des minorités, visibles ou invisibles. Aux Etats-Unis, le meurtre de George Floyd a eu une forte résonance dans les politiques RH : dans le rapport qu’elle a publié en décembre 2021, la commission services financiers de la Chambre des représentants a relevé que 71 % des sociétés de gestion interrogées avaient pris des engagements en faveur de la diversité ethnique et sociale à la suite de ce drame. « En 2021, nous avons travaillé très dur pour mettre en place des partenariats nous permettant de cibler des communautés ou des profils de candidats très précis : par exemple, avec MyGwork.com, un réseau professionnel de la communauté LGBTQ, ou encore Bright Network, qui accompagne les étudiants et les jeunes diplômés en mettant l’accent sur la diversité des genres, des origines ethniques et de mobilité sociale. Nous nous assurons ainsi que pour chaque ouverture de poste, nous nous efforçons d’avoir une majorité de candidats issus de la diversité. Fin 2021, cette part était de 73 %, notre objectif étant d’atteindre les 95 % », confie Devvya Sharma, responsable de la diversité et de l’inclusion RH, Emea chez Invesco.
Les sociétés de culture européenne ne sont pas en reste. Amundi mise sur le mentorat aux Etats-Unis, à Londres et en Irlande. « En France, nous collaborons avec Télémaque pour accompagner des jeunes issus de milieux fragiles, ou avec le lycée Jean Monnet sur l’intégration de personnes en situation de handicap. En sus de l’ensemble des actions de sensibilisation dans les formations managériales, ce sont autant de ruisseaux qui permettent de renforcer l’intégration de profils diversifiés », explique Isabelle Senéterre, DRH d’Amundi. En France, Natixis IM vient de s’associer à Sciences Po dans le cadre de son programme « Egalité des chances ». « Nous soutenons des programmes similaires aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, ce qui nous permet de nous assurer que notre vivier de talents est alimenté par des profils issus de la diversité », indique Tracey Flaherty, senior vice president, global head of corporate social responsibility and public affairs chez Natixis IM. Axa IM a choisi de s’associer avec le CFA Institute. « Nous sponsorisons trois promotions d’environ 40 jeunes femmes issues d’horizons sociaux différents, en Espagne, en France et au Royaume-Uni. Outre le financement du programme, nous nous engageons à leur proposer des stages rémunérés », précise Frédéric Clément.
La prise en compte du handicap, visible et invisible, progresse également, notamment chez Allianz GI. En 2022, l’analyse des éventuels besoins des salariés sera intégrée dès le processus d’onboarding. « Notre objectif est double : toutes les personnes qui nous rejoignent sauront que le handicap est une thématique qui nous est très chère, et celles qui sont en situation de handicap pourront rapidement bénéficier des équipements et adaptations nécessaires », souligne Marine Palies.
Dans nombre de juridictions, la mise en place de ces politiques se heurte encore à l’écueil de la collecte de données ethniques et sociales, bien que le sujet soit en évolution rapide, même en France. Sur ce sujet éminemment sensible, les avis divergent. Amundi se montre très réservé : « Nous ne nous inscrivons pas dans une logique de collecte de données ethniques, aujourd’hui interdite en France. Cela n’empêche pas l’action. Amundi est une entreprise diverse avec 60 nationalités en France, 78 au niveau du groupe ; nous agissons concrètement pour réunir des cultures différentes autour d’un projet commun et menons aussi des actions visant à améliorer la diversité sociale », argumente Isabelle Senéterre. Prudente également, Marion Azuelos constate cependant que ces informations sont de plus en plus fréquemment demandées dans le cadre d’appels d’offres, dans les pays anglo-saxons. « Nous ne disposons pas de telles données en France, mais nous restons attentifs aux évolutions en la matière car il s’agit d’un sujet clé, tant pour conduire le changement que pour répondre aux attentes de nos clients », explique-t-elle, tout en précisant que 90 % des salariés américains du groupe participent à l’enquête annuelle de l’agence publique américaine Equal Employment Opportunity Commission (EEOC).
Anticiper l'évolution
Pour Axa IM, il apparaît nécessaire d’anticiper cette évolution. « La question n’est pas ‘si’, mais ‘quand ?’. Nous en avons conscience et nous nous y préparons. Nous avons identifié des challenges, le premier étant la nécessité de disposer d’un pourcentage suffisamment élevé de participations au sein de nos salariés au Royaume-Uni. Il faut également développer les outils pour recueillir et traiter ces informations », indique Frédéric Clément. Natixis IM a déjà sauté le pas au Royaume-Uni, et se prépare à aller plus loin. « Nous devons continuer à mesurer. Les données restent un défi, en particulier dans une organisation globale. Au Royaume-Uni, où nous rencontrons les mêmes défis qu’en France pour la collecte des données, nous avons proposé à nos salariés de remplir un questionnaire, sur la base du volontariat. Nous leur avons posé toutes les questions que l’on ne pose pas d’ordinaire, sur l’aide apportée à des proches, leurs orientations sexuelles, leur appartenance ethnique, etc. », relate Tracey Flaherty. Le groupe a obtenu « un taux de réponses de 80 %, ce qui est un signe fort de la confiance que nos salariés nous témoignent. Nous sommes en train d’examiner de quelle manière nous pourrions étendre cette initiative à d’autres pays en Europe, dans le respect des lois existantes et de la culture locale », poursuit la responsable de Natixis IM.
Plus avancé que les autres dans ce domaine, Invesco a, dès octobre 2020, lancé une campagne mondiale de collecte de données ethniques et sociales dans l’ensemble de ses bureaux. « Le taux de réponse est aujourd’hui de 55 % au niveau mondial. Au total, 64 % des salariés de la zone Emea y ont participé – 52 % en France et jusqu’à 78 % en Italie. Nous pensions qu’il nous faudrait quatre à cinq ans pour parvenir à ce taux de réponse, mais la confiance de nos salariés et la compréhension de notre démarche, ont permis d’accélérer le processus, selon Devvya Sharma. Il s’agit d’une collecte librement consentie et facultative, dont les données, anonymisées et agrégées, sont en tout point conformes au règlement général sur la protection des données (RGPD). Nous prévoyons d’en partager les résultats avec nos employés dans les prochains mois », précise-t-elle. Les lignes bougent vite.

Source : GDI AGEFI-Ethics & Boards 2022

Source : GDI AGEFI-Ethics & Boards 2022

Source : GDI AGEFI-Ethics & Boards 2022

Source : GDI AGEFI-Ethics & Boards 2022
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