
Colette Neuville demande la transparence sur les accords Arnault-Lagardère
Lagardère a-t-il changé de contrôle ? La question est posée par Colette Neuville, présidente de l’Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam), à la suite de l’entrée surprise de Bernard Arnault au capital de Lagardère Capital & Management (LCM), la holding d’Arnaud Lagardère.
A l’issue d’une augmentation de capital et de l’achat de titres, Groupe Arnault détiendra «environ» un quart du capital de LCM, qui regroupera la détention de la société Arjil Commanditée-Arco, gérant commandité de Lagardère SCA, et la participation de 7,26% dans Lagardère SCA, précisait le communiqué du 25 mai des deux partenaires, ajoutant que les groupes familiaux de Bernard Arnault et d’Arnaud Lagardère agiront de concert vis-à-vis de Lagardère SCA. Cette opération «va permettre de renforcer la structure et les capacités financières de LCM», note le communiqué. Autrement dit cette arrivée opportune permettra de désendetter LCM, et libérera ainsi Arnaud Lagardère de l'étau des appels de marge. Au moment de la réalisation des opérations envisagées, les parties ont précisé qu’elles feraient les déclarations requises auprès de l’AMF. Ce devrait être au début de l'été, confie un proche du dossier. Contactées par L’Agefi, les deux parties n’ont pas souhaité donner plus d'éléments à ce stade.
Toutefois, affirme Colette Neuville, l’absence de transparence sur la forme du renforcement de la structure et sur les modalités financières «est incompatible avec un bon fonctionnement du marché comme en témoigne l’extrême volatilité des cours» depuis le 25 mai, faute d’informations «sur les éléments de valorisation retenus dans la négociation et sur le projet stratégique du nouveau concert».
Aussi, la présidente de l’Adam rappelle dans un courrier au secrétaire général de l’AMF les dispositions de l’article 223-6 du règlement général de l’AMF, qui stipule : «Toute personne qui prépare, pour son compte, une opération financière susceptible d’avoir une incidence significative sur le cours d’un instrument financier ou sur la situation et les droits des porteurs de cet instrument financier doit, dès que possible, porter à la connaissance du public les caractéristiques de cette opération. Si la confidentialité est momentanément nécessaire à la réalisation de l’opération et si elle est en mesure de préserver cette confidentialité, la personne mentionnée au premier alinéa peut prendre la responsabilité d’en différer la publication.»
De plus cette opération influera sur les droits des actionnaires de Lagardère SCA puisqu’elle va «transformer en contrôle conjoint le contrôle jusque-là exclusif d’Arnaud Lagardère sur LCM et, par voie de conséquence, sur Arjil Commanditée-Arco, et conduire à un partage du pouvoir (sinon à un changement de contrôle) sur Lagardère SCA vis-à-vis de qui les deux familles déclarent agir de concert», poursuit Colette Neuville.
S'étonnant que cette opération ait été annoncée quelques jours après l’assemblée générale du 5 mai, privant les actionnaires de la possibilité de poser des questions sur cet accord, Colette Neuville demande à l’AMF de veiller à ce que soient connus la date de début de préparation de cette opération (art. 223-6 du RG de l’AMF), les éléments de valorisation utilisés pour fixer les modalités financières de l’accord, les dispositions relatives à l’exercice du pouvoir dans les différentes sociétés (LCM, Arjil Commanditée-Arco, et Lagardère SCA), et l’incidence de cet accord sur la stratégie à long terme de l’entreprise.
En particulier les conditions financières interrogent. Selon des indiscrétions de presse, Bernard Arnault aurait investi de 80 à 100 millions d’euros pour 25% du capital de LCM. Un prix qui valoriserait le titre très au-dessus des cours de Bourse «laissant à penser que le prix payé inclut une prime de contrôle», note Colette Neuville.
Quelle gouvernance dans les holdings ?
Mais surtout, l’ensemble de la chaîne de pouvoirs chez Lagardère semble modifiée avec l’arrivée de Bernard Arnault. D’une part, comment va fonctionner LCM, présidé par Arnaud Lagardère, après l’arrivée de Bernard Arnault ? Les statuts de cette SAS vont-ils être modifiés ? Des membres de la famille Arnault vont-ils devenir mandataires sociaux de LCM ou siéger au conseil ?
D’autre part, en vertu de l’article L. 233-10 II 4° du Code de commerce, Arjil Commanditée-Arco – gérant commandité de Lagardère SCA – se trouvera désormais sous contrôle conjoint des familles Arnault et Lagardère agissant de concert. Or, les statuts de Lagardère SCA prévoient que tout changement d’actionnaires d’Arco nécessite l’agrément préalable du conseil de surveillance, et que toute cession d’actions Arco pouvant modifier son contrôle nécessite l’accord du conseil sous peine de perdre sa qualité d’associé commandité. En l’espèce, le changement de contrôle d’Arjil Commanditée-Arco nécessite donc l’agrément du conseil de surveillance de Lagardère SCA, conclut Colette Neuville, se demandant s’il a été consulté.
Par ailleurs, la présidente de l’Adam s’interroge sur l'évolution de la gouvernance d’Arjil Commanditée-Arco, dont Arnaud Lagardère est l’actuel PDG, avec Thierry Funck-Brentano et Pierre Leroy comme directeurs généraux délégués et administrateurs. La famille Arnault compte-t-elle rejoindre le conseil ?
En réalité, l’arrivée de Bernard Arnault constitue «un changement de contrôle sur les associés commandités de Lagardère SCA, c’est-à-dire sur le pouvoir qui sera désormais exercé de concert par les familles Lagardère et Arnault, conclut Colette Neuville. En l'état actuel du droit français [contrairement au droit européen, ndlr], ce changement de pouvoir n’est pas suffisant pour entraîner le dépôt obligatoire d’une offre publique tant que le concert ne franchit pas le seuil de 30% du capital et des droits de vote. Mais s’ils n’ont pas droit à une sortie, du moins les actionnaires ont-il le droit d'être informés sur les projets stratégiques du concert qui prend les rênes du pouvoir». Bernard Arnault n’a pas dévoilé ses intentions pour le groupe Lagardère et sur sa pérennité.
Ce qui fait dire au défenseur des minoritaires que ce dossier «illustre de manière parfaite le peu de protection dont bénéficient les actionnaires des sociétés en commandite lorsqu’un changement de pouvoir intervient sans franchissement de seuil sur le capital».
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