Stéphane Boujnah : «Borsa Italiana dispose d’actifs très précieux pour Euronext»

Le président du directoire d’Euronext explique à L’Agefi l’intérêt de l’achat de la Bourse de Milan auprès du LSE pour un montant de 4,33 milliards d’euros.
Sylvie Guyony et Franck Joselin
Euronext entrée cotation bourse light
Euronext deviendra le premier marché actions d'Europe grâce à l’acquisition de Borsa Italiana.  -  Photo Euronext.

L’Agefi : Qu’apporte l’acquisition de Borsa Italiana à Euronext ?

Stéphane Boujnah : cette transaction est transformante pour Euronext à plusieurs égards. Notre raison d’être est de construire la plus grande place de circulation de marchés de capitaux en Europe. Nous avons comme objectif d’étendre notre modèle fédéral et cette opération avec Borsa Italiana constitue une étape majeure. Certainement la plus importante dans le développement d’Euronext depuis que la société est à nouveau indépendante, c’est-à-dire en 2014.

Ensuite, le rachat de Borsa Italiana diversifie notre base de revenus. Non seulement nous rachetons l’infrastructure de marché de la troisième économie européenne, mais Borsa italiana dispose aussi de trois actifs très rares et très précieux stratégiquement.

En premier lieu, la chambre de compensation italienne CC&G : depuis 2003 et la vente de Clearnet à LCH, Euronext est la seule bourse de taille significative qui ne disposait pas de chambre de compensation intégrée. En 2017, les négociations avec LCH SA – qui appartient à la Bourse de Londres - pour nouer un accord sur la compensation de nos produits dérivés a été très difficile. Cet accord court jusqu’en 2027, mais, il n’empêche, en acquérant CC&G, nous recouvrons une souveraineté sur la compensation.

Ensuite, la plateforme obligataire MTS est promise à une forte croissance. La conjoncture est aujourd’hui très favorable aux emprunts d’Etats, or MTS est leader sur ce marché en Europe.

Enfin, avec Monte Titoli, nous atteignons une taille beaucoup significative dans le domaine de la conservation, qui procure des revenus qui sont décorrélés des volumes de transactions.

La présence au conseil d’administration de l’Etat italien, via la CDP était-elle une condition indispensable à la réalisation de l’opération ?

Lors du vote du Brexit, l’Etat italien a commencé à engager une réflexion sur l’avenir de la Bourse italienne. Celle-ci aurait été amenée à devenir filiale d’une entreprise hors de l’Union européenne. Sur ce point, les autorités italiennes ont explicitement exprimé leur souhait que la Bourse italienne reste dans un pays profondément enraciné dans l’Union européenne et la zone euro. L’Italie a donc profité de la cession de Borsa Italiana par le LSE pour reprendre une forme de contrôle de leur infrastructure de marché, sans avoir à la nationaliser et en faire une place isolée.

La structure publique italienne Cassa depositi e prestiti (CDP), injectera aux côtés d’Intesa Sanpaolo 700 millions d’euros au capital d’Euronext. Elle détiendra, après dilution, exactement le même niveau de participation que la Caisse des dépôts en France (CDC), soit environ 7,3% du capital de l’entreprise. La CDP sera donc présente au conseil d’administration, au même titre que la CDC. Ce qui ne sera pas le cas d’Intesa Sanpaolo dont la participation, après dilution, sera plus modeste, à 1,3% du capital de l’entreprise. Ces changements sont, pour nous, très simples car notre système de gouvernance fédérale a été conçu pour accueillir de nouveaux membres.

Pouvez-vous envisager de nouvelles opérations hors des frontières européennes ?

Pour des actifs comme des plates-formes de services ou des infrastructures technologiques, sans aucun doute. Nous pouvons nous intéresser à des entreprises hors de nos frontières européennes.

En revanche, notre croissance géographique concernant les Bourses et les infrastructures de marché ne se fera qu’en Europe. Notre capacité à rendre ces infrastructures plus efficaces n’est réelle et prouvée que dans l’environnement de marché et règlementaire de l’Union européenne ou du moins européen. Les infrastructures de marché sont des entreprises extrêmement régulées. Le corollaire de cela est que nous ne pouvons investir, pour développer nos infrastructures de marché, que dans des pays où l’Etat de droit, l’indépendance de la justice, la possibilité de poursuivre les autorités de supervision si elles n’ont pas appliqué les règles, sont garantis.

Mais en Europe, nous avons la volonté de construire un ensemble avec une plate-forme et technologie unique, en amenant une culture de la performance opérationnelle dans tous les actifs que nous acquérons. Nous voulons constituer la colonne vertébrale de l’Union des marchés de capitaux.

Quand cette opération sera-t-elle finalisée ?

L’opération doit d’abord être votée par deux assemblées générales, chez le LSE et chez Euronext, à la fin du mois de novembre. Ensuite, la Commission européenne doit donner son aval au rachat de Refinitiv par le London Stock Exchange - qui conditionne la vente par le LSE de la Bourse de Milan. Cela pourrait avoir lieu courant décembre. Enfin, les régulateurs des différents pays concernés devront donner leur autorisation au rachat de Borsa Italiana par Euronext, ce qui pourrait conduire à une finalisation de l’opération à la fin du premier trimestre 2021.

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