L’imposition minimum des entreprises tourne au bras de fer entre Paris et Varsovie

La France a fait tout son possible pour obtenir un accord à vingt-sept sur la mise en œuvre en Europe de l’accord conclu à l’OCDE. Dernier obstacle, le veto polonais s’annonce difficile à lever. Explications.
Clément Solal, à Bruxelles
Bras de fer Pologne/Union européenne (drapeaux)
L’opposition de la Pologne est à relier aux discussions en cours à Bruxelles sur son plan de relance, dont la Commission européenne bloque les fonds au motif d’atteintes aux principes de l’Etat de droit.  -  AdobeStock

La patience est l’une des premières vertus nécessaires à la réussite d’une présidence du Conseil de l’Union européenne (UE). Celle de la présidence française est en ce moment mise à rude épreuve par le gouvernement polonais. A la table des Vingt-Sept, la Pologne est le dernier Etat à apposer son veto à la mise en œuvre dans l’UE de l’accord conclu à l’OCDE sur l’imposition minimales des grandes entreprises, de 15%, l’un des engagements emblématiques du mandat de la France. Le sujet a été placé tout en haut à l’ordre du jour de la réunion des ministres des Finances européens qui se tiendra mardi à Bruxelles.

Peu de chances néanmoins qu’un accord y soit conclu. «L’espoir est plutôt d’obtenir un accord lors de la prochaine réunion des ministres, mi-juin. Pour les Français, l’intérêt d’en parler mardi est surtout d’exercer une pression politique maximale sur la Pologne. Paris commence à s’agacer de ce blocage…», glisse un diplomate européen. La frustration française est d’autant plus compréhensible que ladite réunion en juin sera l’une des dernières occasions pour Paris d’accrocher ce trophée au tableau de chasse de sa présidence du Conseil. Il n’est en outre pas acquis que la prochaine présidence, tchèque – en fonctions à compter du 1er juillet –, fasse preuve du même volontarisme politique sur le dossier.

La France s’est en effet démenée ces derniers mois pour conclure un accord. Sur le plan technique, les réticences exprimées par certains pays ont chacune à leur tour été levées. Exemple : la Suède et la Hongrie, qui s’inquiétaient de démarches administratives et juridiques trop lourdes, ont obtenu de retarder la mise en œuvre de la directive à fin 2023. «Tout a été fait pour prendre en compte les préoccupations de chacun des Etats membres, y compris celles de la Pologne», s’exaspère une autre source diplomatique. Mais de quelle nature sont dès lors les objections de Varsovie ?

Officiellement, la Pologne demande que cet impôt minimum de 15% soit lié de manière contraignante au premier pilier de l’accord de l’OCDE. Celui-ci vise à répartir une part marginale des droits d’imposition sur les surprofits des multinationales, du secteur numérique notamment, dans les pays de marché. Hors de question, pour la France, d’ainsi retarder l’ensemble du processus. La mise en œuvre du pilier 1 passera par un traité international, soumis à la ratification des parlements nationaux.

«La Pologne sait que cette demande ne sera pas satisfaite. La vérité est qu’elle cherche un prétexte, car ses motifs ne sont pas techniques, mais politiques», estime le premier diplomate cité, pour qui ce blocage est à mettre en lien avec les discussions en cours à Bruxelles autour du plan de relance polonais. Bloquée depuis plus d’un an par la Commission européenne en raison des multiples atteintes de Varsovie aux principes de l’Etat de droit, cette enveloppe de 36 milliards d’euros pourrait finalement être validée dans les prochaines heures par l’exécutif communautaire, selon les informations de L’Agefi.

Problème, pour le gouvernement polonais : un éventuel accord avec Bruxelles – qui inclurait des engagements concrets sur l’Etat de droit, sur l’indépendance de la justice en particulier – devrait être confirmé par les Etats membres, à travers un vote à la majorité qualifiée au Conseil. Dans cette perspective, le veto polonais sur l’imposition minimum des entreprises constitue un levier de négociation bien trop précieux pour être sacrifié. Du moins aux yeux de Varsovie.

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