Les marchés actions ont l’amour du risque

Wall Street est revenu à son plus haut et les places européennes ne sont pas très loin, malgré l’accumulation de préoccupations et la hausse des taux.
Xavier Diaz
Wall street bourse de New York cotation actions Nyse Dow Jones
Wall Street a dépassé les niveaux records établis cet été.  -  AdobeStock

La correction de septembre n’est plus qu’un lointain souvenir. Les places boursières sont revenues proches de leurs niveaux records établis cet été, voire les ont dépassés pour certaines comme à Wall Street. L’indice S&P 500 a enregistré jeudi un nouveau record avant de perdre un peu de terrain pour terminer la semaine. L’indice Nasdaq est à 2% de son record absolu de début septembre. De même pour les actions européennes, à l’exception de la Bourse de Milan qui est à son plus haut historique.

De nombreux risques

Les marchés actions semblent ignorer l’accumulation des risques. Les anticipations d’inflation n’ont cessé d’augmenter alors que les investisseurs s’interrogent sur le caractère transitoire de l’inflation et le risque d’une erreur de politique monétaire. Les taux longs ont augmenté en parallèle à quelques encablures de leurs plus hauts de cette année, en mars. Le retrait du soutien monétaire et budgétaire, même s’il est envisagé comme progressif, est également un risque pour des marchés stimulés par des liquidités abondantes. Un ralentissement de la croissance, confirmé par les indices flash PMI pour octobre, en raison des goulots d’étranglement et de la hausse des prix, se profile tandis que la résurgence du Covid-19 en Europe et en Asie peut inquiéter à l’approche de l’hiver.

En Europe, c’est en Grande-Bretagne, où un nouveau variant Delta Plus a été détecté, que la progression est la plus forte avec 50.000 cas quotidiens (mais le pays mène une stratégie de tests massifs), soit le double en un mois. En Allemagne, le nombre de contaminations a doublé en 24 heures à plus de 19.000 vendredi. Les Länder réfléchissent à prolonger certaines mesures de distanciation sociale. Alors que Melbourne sort du plus long confinement cumulé au monde, la Chine doit mettre en place de nouvelles restrictions dans certaines villes ou provinces face à une nouvelle hausse des contaminations.

Dans les pays développés, le Covid-19 ne semble plus être un sujet de préoccupation pour les marchés. «A ce stade, nous maintenons l’hypothèse que la montée des contagions n’aura pas d’effet marqué sur l’activité, juge Sebastian Paris Horvitz, stratégiste chez La Banque Postale AM. La raison essentielle est le nombre limité de cas graves et surtout de décès dans les populations où les taux de vaccination sont élevés, comme c’est le cas en Europe.» Néanmoins, ce dernier craint qu’à l’arrivée de l’hiver la situation sanitaire ne se détériore à nouveau et cette inquiétude pourrait peser sur le marché alors que l’activité économique est en train de décélérer.

Volatilité écrasée

La bonne tenue de la Bourse est d’autant plus marquante qu’elle s’accompagne d’une baisse de la volatilité. L’indice Vix, de volatilité implicite de l’indice S&P 500, est passé de près de 25 en septembre, en pleines inquiétudes au sujet des conséquences d’une défaillance du chinois Evergrande et après le changement de ton surprise de la Fed et de la Banque d’Angleterre, à 15, un plus bas depuis février 2020. L’indice VStoxx (volatilité de l’indice Euro Stoxx 50) est passé de 26 à 16 sur la même période.

«La dynamique du marché a suivi celle des révisions en hausse des résultats», constate Michel Menigoz, gérant chez Sanso IS. La récente hausse a été confortée par les premières publications de résultats du troisième trimestre qui a entraîné la semaine passée (données sur une semaine glissante au 20 octobre) un flux d’achat vers les fonds d’actions de 24,5 milliards de dollars, ayant principalement profité aux actions américaines (15,7 milliards), selon EPFR.

«Les premières impressions sont positives avec plus de 80% des entreprises enregistrant des résultats supérieurs aux attentes aux Etats-Unis, chiffre au-dessus de la moyenne historique. Cela a soutenu les actions américaines», affirment les gérants d’Edmond de Rothschild AM. Même si le niveau à dépasser n’était pas si élevé, «ces résultats meilleurs qu’attendu ont aidé les actions à surmonter la hausse des taux dans un contexte d’inquiétude grandissante autour de l’inflation», ajoute Emmanuel Cau, stratégiste chez Barclays. A ce stade (15% de publications), les bénéfices ont progressé de 32% en Europe et de 39% aux Etats-Unis.

Alertes sur les marges

Néanmoins, de nombreuses entreprises ont alerté sur les conséquences de la hausse des coûts sur leurs marges. Cela a été le cas de Danoneet plus largement dans l’industrie, notamment automobile, mais aussi aux Etats-Unis le fabricant de semi-conducteur Intel. De fait, d’un point de vue sectoriel, les bons résultats concernent les banques, la technologie ou la consommation discrétionnaire mais pas l’industrie et les matériaux, notamment en Europe, constate le stratégiste de Barclays. De plus, les mauvaises surprises sont durement sanctionnées.

Car les valorisations restent excessives malgré le net rebond des résultats cette année et les prévisions de croissance toujours soutenues pour 2022. «C’est une crise inédite où tout est allé très vite et aujourd’hui on se trouve avec une économie en début de cycle mais des valorisations de marché de fin de cycle», note Raphaël Thuin, directeur capital markets strategies chez Tikehau Capital.

Valorisations extrêmes

Un marché avant tout caractérisé par une forte dispersion entre gagnants et perdants de la crise. L’écart de valorisation entre les titres les plus chers et les moins chers du marché n’a jamais été aussi élevé. «Il y a 90% de divergence entre les pires et les meilleurs secteurs», observe Michel Menigoz. Quel que soit l’indicateur, les valorisations sont extrêmes. A 22 fois les bénéfices attendus sur douze mois glissants, l’indice S&P 500 n’a pas été aussi cher depuis la bulle technologique du début des années 2000. «La dynamique de reprise économique combinée à des politiques monétaires qui restent accommodantes expliquent ces valorisations», poursuit Raphaël Thuin, ainsi que les taux bas. «Vu le niveau actuel des taux, le marché peut tolérer des valorisations plus élevées sur les actifs risqués mais le risque est celui de la hausse des taux avec l’inflation», souligne le gérant de Sanso IS. Un scénario qui pourrait rendre la fin d’année chaotique sur les marchés.

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles du même thème

ETF à la Une

Contenu de nos partenaires

A lire sur ...