Les géants du cloud font main basse sur la donnée financière

Microsoft va acquérir 4% du London Stock Exchange dans le cadre d’un contrat de 10 ans dans le cloud. AWS et Google ont ouvert la voie avec le Nasdaq et le CME.
Capucine Cousin
London stock Exchange LSE Bourse de Londres
L’action LSE progresse de 11% depuis le début de l’année.  -  Crédit European Union.

Microsoft montre ses ambitions dans les services financiers. Le géant de l’informatique va entrer au capital du London Stock Exchange (LSE), a annoncé l’entreprise britannique lundi. Cela s’inscrit dans le cadre d’un accord commercial de 10 ans. Il prévoit que la plateforme de données (Workplace) et d’autres infrastructures technologiques-clés de l’opérateur boursier migreront vers Azure, le service de stockage dématérialisé de données (cloud) de Microsoft. Chez les régulateurs, cet accord marque un nouveau signe de brouillage des frontières entre les Big Tech et les sociétés financières.

En réaction à cette annonce, le titre LSE clôturait en hausse de plus de 3% lundi à la Bourse de Londres, et Microsoft grimpait de près de 2% à Wall Street.

Dans le cadre de cet accord, qui devrait être formellement achevé au premier trimestre 2023, Microsoft acquerra une participation d’environ 4% dans LSE auprès du consortium Blackstone/Thomson Reuters, pour un montant non dévoilé – mais évalué à environ 2 milliards de dollars au cours de clôture vendredi. Microsoft deviendra le septième actionnaire du LSE, sur la base des données de Refinitiv. A cette occasion, Microsoft obtiendra aussi un siège d’administrateur pour Scott Guthrie, vice-président exécutif du groupe Cloud et IA de la firme de Redmond. Sur la durée du contrat, LSE s’est engagé à un minimum de dépenses liées au cloud de 2,8 milliards de dollars (2,66 milliards d’euros) auprès de Microsoft.

Course au gigantisme

Ce nouveau deal XXL traduit la course au gigantisme engagée par les grandes sociétés financières, avec pour partenaires obligés des géants technologiques. Le LSE n’est pas en reste, lui qui a bouclé en janvier 2021 le rachat de Refinitiv pour 27 milliards de dollars auprès de Blackstone et Thomson Reuters. Il est ainsi devenu la deuxième plus grande société de données financières après Bloomberg, bien au-delà de ses activités historiques de négociation boursière.

Avec ce partenariat, l’infrastructure technologique et les plateformes de données et d’analyse du LSE migreront donc vers le cloud de Microsoft. Cet accord englobe aussi les plateformes Refinitiv - qui alimentent quelque « 40.000 institutions financières dans 190 pays avec des données, des analyses et des informations sur des millions de bases de données de séries chronologiques actives, des évaluations quotidiennes, des transactions boursières et des produits dérivés, des cotations sur actions et des recherches importantes sur les entreprises publiques et privées », précise Microsoft dans un communiqué.

La tarification sera « basée sur la consommation ». Les coûts différentiels totaliseront 250 à 300 millions de livres sterling (290 à 350 millions d’euros) sur la période 2023 à 2025, avec un impact de 50 à 100 points de base sur la marge d’Ebitda au cours de cette période de deux ans, assure le LSE. Microsoft y voit un partenariat hautement rentable. Il dit s’attendre à générer 5 milliards de dollars durant la prochaine décennie avec ce partenariat.

Concurrence à Bloomberg

L’opération est vue d’un bon œil par les analystes. Elle augmentera « significativement la crédibilité du LSE en matière de gestion de données », note l’analyste de Morgan Stanley, Bruce Hamilton. « En retour, cela pourrait se traduire par une augmentation significative de la croissance des revenus au fil du temps » même si les coûts à court terme pourraient peser sur les marges.

Le courtier RBC, lui, souligne que «cela aidera également à répondre aux préoccupations des investisseurs concernant l'écart de fonctionnalité avec la plateforme Workspace, qui pourrait désormais être plus largement acceptée en tant que concurrent crédible de Bloomberg». Workplace intégrera des fonctions grand public de Microsoft, comme Teams.

Sous l’œil des régulateurs

Les régulateurs, eux, scrutent de plus en plus les liens entre la poignée de filiales cloud de Big Tech, tels Microsoft, Alphabet (Google), Amazon et IBM, et les sociétés financières telles que les banques et les Bourses.

Déjà en novembre 2021, Google a annoncé qu’il investirait un milliard de dollarsdans CME Group, la Bourse de Chicago, pour déplacer les systèmes de négociation de la Bourse américaine des produits dérivés vers le cloud. Le même mois, le Nasdaq américain annonçait un accord similaire avec Amazon Web Services (AWS), la filiale du géant du e-commerce Amazon.

Aux yeux des régulateurs, la dépendance excessive des sociétés financières vis-à-vis d’un trop petit nombre de fournisseurs de cloud pose potentiellement des risques de monopole. Mais aussi des risques de perturbations si un fournisseur desservant de nombreux clients tombait en panne. L’Union européenne vient d’approuver une loi introduisant des garanties sur les fournisseurs de cloud dans les services financiers, appelée Digital Operational Resilience Act (DORA). Et la Grande-Bretagne s’apprête à lui emboîter le pas.

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