Les citoyens européens veulent de nouveaux moyens d’action contre les Etats sur le climat

La Cour européenne des droits de l’homme a accepté de se prononcer sur des requêtes individuelles visant à contraindre les Etats à intensifier leurs actions de lutte contre le changement climatique.
Audience de la Grande Chambre le 29 mars 2023
Audience de la Grande Chambre de la CEDH dans l'affaire Carême vs France  -  Crédit photo Candice Imbert

Pour la première fois depuis sa création en 1950, la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme), se penche sur des requêtes climatiques. Deux dossiers, visant la Suisse et la France, ont été examinés mercredi 29 mars en audience publique par la Grande Chambre de l’institution, signe de l’importance accordée au sujet. Une association de droit suisse de lutte contre le changement climatique, d’une part, et l’eurodéputé français Damien Carême (EELV) d’autre part, ont soumis leurs requêtes à la Cour après avoir été déboutés par leurs juridictions nationales respectives.

Dans les documents rattachés à ces procédures, la CEDH prend soin de rappeler que la Convention européenne des droits de l’homme ne consacre pas en tant que tel un droit à l’environnement, mais qu’elle a été amenée à développer une jurisprudence dans le domaine de l’environnement «en raison du fait que l’exercice de certains des droits garantis par la Convention peut être compromis par la dégradation de l’environnement et l’exposition à des risques environnementaux».

La requête de Damien Carême, défendue par Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement dans le gouvernement de Jacques Chirac (1995-1997) et avocate spécialisée en droit de l’environnement et en droit public, s’appuie précisément sur cette jurisprudence. «Il rattache son recours à son droit à la vie, protégé par l’article 2 de la convention ainsi qu'à l’article 8, qui protège le droit au respect de la vie privée et familiale. À titre d’exemple, la Cour a déjà jugé qu’une pollution sonore pouvait, sous certaines conditions, permettre de mobiliser l’article 8 de la convention», analyse Clément Dupoirier, avocat associé chez Herbert Smith Freehills. Diego Colas, directeur des affaires juridiques au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et agissant en tant que défenseur du gouvernement français, a attaqué la recevabilité de la requête. «Faire droit à cette requête pourrait aboutir à un arrêt dont l’exécution serait impossible, et en somme, de déstabiliser la structure conventionnelle existante», a-t-il argumenté. Alain Chablais, le défenseur de la Confédération helvète, a avancé que les politiques de lutte contre le changement climatique ne se décrétaient pas par une décision de justice, mais relevaient de l’exercice «politique et démocratique».

Interprétation attendue

C’est là tout l’enjeu des décisions à venir : déterminer si des citoyens peuvent contraindre les Etats à agir pour le climat. «A la faveur de ces procédures, la CEDH va se pencher sur l’opportunité d’une interprétation extensive des droits reconnus par la convention pour prendre en compte ce que les demandeurs appellent l’inaction climatique des États, et le cas échéant reconnaître un droit d’action direct des individus contre les États signataires sur le fondement de la convention», résume Clément Dupoirier. En cas de décision favorable de la CEDH, la jurisprudence ouvrirait un nouveau champ d’action aux citoyens suisses, français, mais également à l’ensemble des citoyens des pays membres du Conseil de l’Europe, qui compte 46 Etats.

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