
Les arrière-pensées politiques entravent la taxation des multinationales

Six mois après l’accord conclu par les 137 pays de l’OCDE en octobre 2021, l’Union européenne piétine sur la mise en place d’un taux d’imposition minimum de 15 % aux entreprises multinationales. La Présidence française du Conseil de l’UE, qui en a fait l’une des priorités de son mandat, pousse pour que la proposition de directive soit adoptée avant fin juin à l’unanimité, voire lors du Conseil Ecofin de ce mardi, réunissant les ministres européens des Finances. Mais alors que seules quelques réticences sur le plan technique avaient été signalées jusque-là, des sources proches du dossiers évoquent désormais des obstacles politiques qui entraveraient l’adoption du texte. «Nous sommes parvenus à un texte techniquement satisfaisant, admettait ainsi une source de Bercy. Cependant, un accord n’est pas garanti pour mardi, en raison de quelques oppositions politiques qui ne sont pas négligeables».
Selon nos informations, l’accord serait notamment freiné par plusieurs Etats membres qui offrent des traitements fiscaux avantageux aux grandes entreprises américaines et attendent un mouvement des Etats-Unis avant de s’engager. En cas d’adoption du taux minimal de 15%, qui constitue le pilier 2 de l’accord, les Etats-Unis pourraient en effet récupérer unilatéralement la différence avec le taux pratiqué par un pays comme l’Irlande sur les bénéfices des entreprises américaines qui y sont implantées. Les pays récalcitrants expliquent donc qu’ils seraient «désavantagés si l’Union européenne avance trop rapidement sur l’imposition minimale des entreprises», selon les mots d’un fonctionnaire européen.
Etat de droit
En outre, la Pologne, la Hongrie et l’Estonie continuent de demander des garanties pour que les progrès en matière d’impôt minimum dans l’UE soient liés aux progrès du premier pilier de l’accord, lequel vise à répartir une part marginale des bénéfices des multinationales dans les pays de marché. Dans la mesure où le parachèvement du premier pilier doit passer par une procédure distincte, reposant sur les parlements nationaux, la demande apparaît toutefois à certains observateurs comme «une manœuvre dilatoire sans doute liée à l’exclusion de la Pologne et de la Hongrie du fonds de relance pour leurs problèmes d’Etat de droit».
Quelques ajustements concernant la date d’entrée en vigueur de la directive doivent par ailleurs encore être surmontés. La France, qui souhaite une application pour le début de 2023 essaye de trouver un compromis avec plusieurs Etats, dont la Suède et la Hongrie, qui plaident pour retarder la mise en œuvre à fin 2023, afin de surmonter les démarches administratives et juridiques.
«Pour les Etats-Unis, c’était très important d’avoir un accord sur le pilier 2 pour éviter la concurrence fiscale, avant de pouvoir s’engager dans le pilier 1, qui touche surtout les multinationales américaines, explique Eulalia Rubio, chercheuse à l’Institut Jacques Delors. Ces Etats membres ont deja donné leur accord à l’OCDE et les objections levées l’an dernier ont été traités au niveau international. Il est donc possible que certains pays européens utilisent cet argument qui a déjà été traité pour d’autres raisons politiques. Vu le contexte de la guerre en Ukraine et le besoin d’un nouvel endettement commun et donc de nouvelles ressources pour le rembourser, cette fragmentation politique est inquiétante».
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