Les actifs britanniques encaissent le choc sur la livre et les taux

Après la chute de la livre et le bond des taux, au Royaume-Uni, les entreprises font les comptes.
Xavier Diaz
Royaume-uni banner-union jack drapeau britannique
Les entreprises britanniques sont considérablement affectées par l’environnement délétère actuel.  -  Crédit 0fjd125gk87/Pixabay

Le calme est relatif sur les marchés financiers britanniques. Alors que la livre sterling semblait trouver un point d’ancrage momentané mardi, les emprunts d’Etat, les Gilts, ont poursuivi leur chute. Le taux à 10 ans a progressé de 27 points de base (pb), à 4,52%. Et le marché continue de parier sur une poursuite de la baisse de la livre vers la parité face au dollar. Les opérateurs cherchent à définir le point d’équilibre de valorisation qui tiendrait compte de l’énorme déficit à financer et du risque d’une crise de la balance courante.

Les investisseurs visent un taux terminal de la Banque d’Angleterre (BoE) fin 2023 de 6% et le taux 10 ans pourrait rapidement atteindre 5% avec des taux immobiliers au-delà des 6%. Les stratégistes de Credit Suisse estiment qu’en 2023 l’offre de Gilts arrivant sur le marché pourrait représenter 15% du PIB. «La soutenabilité de la dette pourrait désormais devenir un véritable problème», jugent-ils, estimant que 5% du PIB de resserrement budgétaire sont nécessaires pour stabiliser la dette publique britannique par rapport au PIB, ce qui accroît la pression sur la livre et les Gilts.

Cet environnement délétère affecte les entreprises britanniques. Mais qu’en est-il des marchés d’actions et de crédit outre-Manche ? Le bond des rendements des emprunts d’Etat, ainsi que les anticipations de forte hausse des taux de la BoE d’ici sa prochaine réunion de politique monétaire début novembre (plus de 150 pb, même si le chef économiste de la banque Huw Pill a indiqué mardi que le bon moment d’agir était la prochaine réunion), ont un impact direct sur le coût de financement des entreprises. Cela pèse aussi sur les coûts de financement immobiliers pour les particuliers dans un contexte déjà difficile de bond de la facture d’énergie. Si pour les entreprises exportatrices, la baisse de la devise est favorable, pour les entreprises domestiques elle accroît l’inflation importée et donc leurs coûts. Les stratégistes de Credit Suisse estiment que la baisse de 8% de la livre depuis début août ajoute 1,3% de plus à l’inflation.

Ecartement des spreads

Sur le marché du crédit britannique, le segment high yield, où se trouvent les entreprises les plus endettées, est relativement limité, avec un stock de 31 milliards de livres (40 milliards y compris les financières), soit un dixième du marché euro. En revanche, il est plus risqué car un tiers des obligations sont liées au secteur de la consommation, aujourd’hui très vulnérable au risque de récession et de chute du pouvoir d’achat, notamment au Royaume-Uni. Compte tenu d’une prime faible par rapport au marché euro et de l’anticipation d’une poursuite de l’élargissement des spreads de crédit, le marché high yield britannique devrait sous-performer le marché euro et atteindre un pic de spread de 1.000 pb (contre 620 pb actuellement), selon les stratégistes de Barclays.

Sur le segment investment grade, le marché se focalise surtout sur la vente par la BoE de son portefeuille d’obligations d’entreprises, achetées dans le cadre de son programme de quantitative easing, qui a débuté mardi. «Avec le marché du crédit et des Gilts sous pression, la toile de fond pourrait difficilement être pire», notent les stratégistes de Barclays qui s’attendent à ce que l’IG britannique sous-performe de nouveau. Les investisseurs commencent à entrevoir des opportunités aux niveaux de rendements actuels mais ils restent pour la plupart prudents et quand ils sont investis ils le sont dans des entreprises de qualité, avec une duration faible et opérant à l’international.

Valeurs domestiques

Sur les marchés actions, la composante majoritaire d’entreprises exportatrices (plus de 70% des ventes) explique la surperformance relative de l’indice FTSE 100. La plupart des stratégistes actions le surpondèrent d’autant qu’il a une composante value et défensive élevée. Mais il fait également les frais de la perte de confiance des investisseurs dans les actifs britanniques. L’indice affiche désormais une perte de 5,4% depuis le début de l’année (-22,6% pour l’Euro Stoxx 50), dont l’essentiel depuis la désignation de Liz Truss comme Première ministre britannique. Au cours des derniers jours, la Bourse de Londres a perdu 300 milliards de livres de capitalisation (indice FTSE 350 qui regroupe les valeurs de l’indice FTSE 100 et du FTSE 250 valeurs petites et moyennes). «Alors que les Gilts et la livre sont sous pression, nous restons prudents sur les actions domestiques britanniques et privilégions une exposition internationale. Le creux du marché baissier n’a pas encore été atteint malgré les anticipations de hausse des taux d’intérêt et de baisse de l’activité économique», jugent les stratégistes actions de Goldman Sachs.

Les stratégistes de Credit Suisse notent que les valeurs domestiques britanniques ont tendance à être corrélées à la livre, et notamment les secteurs de la distribution et de l’immobilier. Pour Bhanu Baweja, chef stratégiste chez UBS, à 10 fois les bénéfices anticipés, l’indice FTSE 250 intègre déjà une récession modérée avec des indices PMI de l’ordre de 48. L’expert évite le secteur de la consommation discrétionnaire en raison de l’impact de la hausse du coût de la vie sur la consommation. Et le coup de pouce sur la croissance ainsi que les réductions d’impôt du mini-budget présenté par le ministre des Finances britannique Kwasi Kwarteng ne devraient avoir qu’un impact limité sur les entreprises. «Le stimulus sur la croissance est susceptible d'être balayé par une inflation et des taux plus élevés ainsi que par la baisse de la livre, ajoute Emmanuel Cau, stratégiste actions chez Barclays. La hausse du coût du capital pourrait avoir des implications particulières pour les entreprises dont les bilans sont de plus en plus tendus et qui ont besoin d’un refinancement au cours des deux prochaines années.» Le plus dur est à venir.

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