Le nouveau «plan de résilience» teste la solidarité européenne

La question des ressources propres du budget européen, qui n’a pas avancé depuis 2020, devrait refaire surface dans les prochains jours.
Antonia Przybyslawski, à Bruxelles
Europe Ukraine drapeaux
Le plan de résilience, fondé sur un deuxième emprunt commun, doit permettre au Vingt-Sept d’absorber les effets immédiats de la guerre russe en Ukraine.  -  Crédit European Union

Alors que la Russie entame sa troisième semaine d’attaques envers l’Ukraine, l’Union européenne (UE) doit faire face aux conséquences immédiates de sa dépendance au gaz russe, de la hausse des prix de l’énergie, de l’accueil de plusieurs millions de réfugiés et aux coûts des sanctions et contre-sanctions.

Dressant ce constat, la France, qui accueille jeudi et vendredi un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE à Versailles, a pris les choses en main. Son objectif : mettre en place un « plan de résilience et d’investissement » fondé sur un deuxième emprunt commun, après celui sur lequel se sont accordés les chefs d’Etat et de gouvernement en 2020. L’idée, a priori soutenue par les pays d’Europe centrale, se heurte pourtant déjà à l’opposition de l’Allemagne et des Pays-Bas, qui estiment que les 750 milliards du plan de relance et les instruments budgétaires déjà existants peuvent suffire à faire face.

Si la Commission multiplie déjà les transferts de budget pour permettre aux Etats membres d’avoir les coudées franches, la flexibilité est limitée, comme le note Andreas Eisl, chercheur à l’Institut Jacques Delors : « Le budget européen est assez rigide, et le cadre du fonds de relance l’est encore plus. Il est contraignant pour les Etats membres, qui se sont fixés des objectifs nationaux dans leurs plans de relance et de résilience l’année dernière ». Plus encore, la Hongrie et la Pologne, en première ligne face à l’invasion russe, ne bénéficient pas des subsides du plan de relance, ce qui invalide encore une fois l’argument des pays du Nord.

200 milliards d’euros

Un nouvel endettement commun, qui pourrait être de 200 milliards d’euros, semble donc nécessaire, comme le confirme Jean Pisani-Ferry, dans une note publiée mercredi par le think tank Bruegel : « Rien qu’en 2022, l’impact budgétaire direct des décisions correspondantes pourrait s'élever entre 1,1 et 4% du PIB, voire plus. À long terme, l’UE est confrontée à la nécessité d’augmenter les dépenses de défense en réponse à l’aggravation des menaces sécuritaires et de repenser son système énergétique ».

Mardi, la Commission européenne a en effet dévoilé un plan visant à rendre l’Union européenne indépendante des énergies fossiles russes « bien avant 2030 » et réduire de deux tiers la dépendance au gaz d’ici un an, en renforçant la diversification des fournisseurs de gaz, l’augmentation rapide de la part des énergies renouvelables dans les mix des Etats membres et celle de l’efficacité énergétique, tout en envisageant un plafonnement des prix de l’énergie à plus court terme. Les Etats membres affichent par ailleurs leurs ambitions dans le secteur de la défense, où des augmentations substantielles de budget ont déjà été annoncées.

Mise en œuvre à définir

Pour que tout le monde puisse s’aligner sur cette volonté commune, la solidarité européenne paraît incontournable. Encore faudra-t-il définir sa forme. Pour amortir les chocs à court terme, l’option des prêts à taux réduits accordés aux Etats membres semble être la plus efficace et la plus simple à mettre en place politiquement, comme l’a montré le mécanisme de refinancement des mesures de chômage partiel Sure en 2020. Mais pour réaliser les coûteux investissements nécessaires pour réaliser les rapides transitions ambitionnées, l’option des subventions accordées aux Etats sur le même modèle du plan de relance semble la meilleure, dans la mesure où elle donne à la Commission la légitimité d’orienter les investissements et incite les Etats à les réaliser.

Cette option se heurte toutefois à un obstacle de taille : la question du remboursement. « Les Européens ne se sont toujours pas mis d’accord sur les nouvelles ressources propres censées permettre de couvrir le premier emprunt. Il paraît difficile de lever les inquiétudes des pays du Nord sans régler cette question » analyse Andreas Eisl. Les discussions sur la taxe numérique, sur les transactions financières, ou la possibilité de capitaliser sur l’accord sur la taxation fiscale des multinationales, pourraient ainsi refaire surface dans les prochains jours.

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