
Le nouveau «plan de résilience» teste la solidarité européenne

Alors que la Russie entame sa troisième semaine d’attaques envers l’Ukraine, l’Union européenne (UE) doit faire face aux conséquences immédiates de sa dépendance au gaz russe, de la hausse des prix de l’énergie, de l’accueil de plusieurs millions de réfugiés et aux coûts des sanctions et contre-sanctions.
Dressant ce constat, la France, qui accueille jeudi et vendredi un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE à Versailles, a pris les choses en main. Son objectif : mettre en place un « plan de résilience et d’investissement » fondé sur un deuxième emprunt commun, après celui sur lequel se sont accordés les chefs d’Etat et de gouvernement en 2020. L’idée, a priori soutenue par les pays d’Europe centrale, se heurte pourtant déjà à l’opposition de l’Allemagne et des Pays-Bas, qui estiment que les 750 milliards du plan de relance et les instruments budgétaires déjà existants peuvent suffire à faire face.
Si la Commission multiplie déjà les transferts de budget pour permettre aux Etats membres d’avoir les coudées franches, la flexibilité est limitée, comme le note Andreas Eisl, chercheur à l’Institut Jacques Delors : « Le budget européen est assez rigide, et le cadre du fonds de relance l’est encore plus. Il est contraignant pour les Etats membres, qui se sont fixés des objectifs nationaux dans leurs plans de relance et de résilience l’année dernière ». Plus encore, la Hongrie et la Pologne, en première ligne face à l’invasion russe, ne bénéficient pas des subsides du plan de relance, ce qui invalide encore une fois l’argument des pays du Nord.
200 milliards d’euros
Un nouvel endettement commun, qui pourrait être de 200 milliards d’euros, semble donc nécessaire, comme le confirme Jean Pisani-Ferry, dans une note publiée mercredi par le think tank Bruegel : « Rien qu’en 2022, l’impact budgétaire direct des décisions correspondantes pourrait s'élever entre 1,1 et 4% du PIB, voire plus. À long terme, l’UE est confrontée à la nécessité d’augmenter les dépenses de défense en réponse à l’aggravation des menaces sécuritaires et de repenser son système énergétique ».
Mardi, la Commission européenne a en effet dévoilé un plan visant à rendre l’Union européenne indépendante des énergies fossiles russes « bien avant 2030 » et réduire de deux tiers la dépendance au gaz d’ici un an, en renforçant la diversification des fournisseurs de gaz, l’augmentation rapide de la part des énergies renouvelables dans les mix des Etats membres et celle de l’efficacité énergétique, tout en envisageant un plafonnement des prix de l’énergie à plus court terme. Les Etats membres affichent par ailleurs leurs ambitions dans le secteur de la défense, où des augmentations substantielles de budget ont déjà été annoncées.
Mise en œuvre à définir
Pour que tout le monde puisse s’aligner sur cette volonté commune, la solidarité européenne paraît incontournable. Encore faudra-t-il définir sa forme. Pour amortir les chocs à court terme, l’option des prêts à taux réduits accordés aux Etats membres semble être la plus efficace et la plus simple à mettre en place politiquement, comme l’a montré le mécanisme de refinancement des mesures de chômage partiel Sure en 2020. Mais pour réaliser les coûteux investissements nécessaires pour réaliser les rapides transitions ambitionnées, l’option des subventions accordées aux Etats sur le même modèle du plan de relance semble la meilleure, dans la mesure où elle donne à la Commission la légitimité d’orienter les investissements et incite les Etats à les réaliser.
Cette option se heurte toutefois à un obstacle de taille : la question du remboursement. « Les Européens ne se sont toujours pas mis d’accord sur les nouvelles ressources propres censées permettre de couvrir le premier emprunt. Il paraît difficile de lever les inquiétudes des pays du Nord sans régler cette question » analyse Andreas Eisl. Les discussions sur la taxe numérique, sur les transactions financières, ou la possibilité de capitaliser sur l’accord sur la taxation fiscale des multinationales, pourraient ainsi refaire surface dans les prochains jours.
Plus d'articles Economie & Marchés
-
Les banques centrales émergentes s’émancipent de la trajectoire de la Fed
Des taux terminaux plus bas qu’anticipé permettront aux émergents d’affiner leurs politiques monétaires. -
Les marchés actions affichent un soulagement de façade
Les places boursières ont effacé les pertes consécutives aux craintes sur les banques avec une chute de la volatilité. Mais le marché en garde les stigmates. -
Le resserrement monétaire de la Fed touche à sa fin
La banque centrale américaine a augmenté ses taux directeurs de 25 points de base. Elle est prise entre la lutte contre l'inflation et la préservation de la stabilité financière.
Contenu de nos partenaires
Les plus lus de
- La Société Générale présente sa nouvelle direction autour de Slawomir Krupa
- Credit Suisse entraîne le secteur bancaire européen dans sa chute
- Les actions chutent avec les banques américaines
- L’électrochoc SVB met la finance sous tension
- Credit Suisse, trois ans de descente aux enfers
- Les gérants prennent la mesure de la persistance de l’inflation
- Silicon Valley Bank : la chute éclair de la banque des start-up
- Slawomir Krupa sort la Société Générale du brouillard
- Chute de SVB : les Etats-Unis garantissent les dépôts et HSBC rachète les actifs anglais
-
Bras de fer
Automobile: les libéraux allemands font le forcing sur les carburants synthétiques
Le ministre des Transports menace de ne pas voter à Bruxelles l'interdiction du moteur thermique à partir de 2035 -
Tournant
Royaume-Uni: l'accord sur le protocole nord-irlandais marque-t-il la fin de la politique partisane sur le Brexit?
Les compromis consentis par l’Union européenne et le soutien de principe du Labour mettent les « Brexiter » dos au mur -
Edifiant
Politique du logement: 38 milliards pour quels résultats?
Les pouvoirs publics consacrent un budget bien supérieur à celui de la moyenne de l’Union européenne pour aider les Français à mieux se loger. Sans atteindre les effets attendus