
Le dollar anticipe les mouvements de la Fed

La publication de chiffres solides sur le marché de l’emploi américain en juillet continue de distiller ses conséquences sur les marchés financiers. Le dollar bénéficie de cette bonne tenue de l’économie américaine, et de la perspective d’un tapering (réduction des achats d’actifs) de la Réserve fédérale (Fed). Mardi, le billet vert a poursuivi son rebond face à un panier de devises. L’indice DXY a progressé pour le troisième jour consécutif (+1% cumulé) à un plus haut de près de trois semaines, à 93,11 (plus haut cette année de 93,297 en avril). Face à l’euro, la devise américaine atteint un plus haut de quatre mois à 1,172 (soit une progression de 1,4% depuis début août après s’être déjà appréciée de 2,8% en juin).
«Les paris baissiers sur les obligations américaines, et haussiers sur le dollar, ont fait leur retour sur le devant de la scène», relève Kit Juckes, stratégiste chez Société Générale CIB. Les meilleurs chiffres de l’emploi en juillet, et la plus forte baisse du taux de chômage, confortés par l’annonce lundi d’un nombre record d’ouvertures de postes en juillet, ont relancé les anticipations de tapering plus tôt cette année aux Etats-Unis.
Nette hausse des taux longs
Sur les marchés de taux, les rendements des emprunts à long terme ont fortement rebondi également, soutenant la fermeté du dollar. Le taux 10 ans américain a progressé de plus de 20 points de base (pb) en une semaine, à 1,34%. «Sur la base des prix de marché, les investisseurs semblent anticiper l’annonce d’un ‘tapering’ dès la réunion de la Fed (FOMC) de septembre, entraînant une hausse des taux et du dollar», note Matthew Ryan, stratégiste chez Ebury.
«Les investisseurs surveilleront les commentaires des responsables de la Fed encore plus attentivement qu’à l’accoutumée à court terme afin d’identifier tout signe d’une accélération du resserrement de sa politique monétaire», observe Lee Hardmann, stratégiste chez MUFG. De fait, lundi, après ceux des présidents de la Fed d’Atlanta, Raphael Bostic, et de Boston, Eric Rosengren, suggérant un tapering possible dès cet automne, le billet vert a accentué sa hausse. «Les derniers commentaires du président de la Fed d’Atlanta continuent de le désigner comme l’un des responsables les plus ‘hawkish’ de la Fed et ne sont pas surprenants, mais ils contribuent à renforcer le sentiment haussier envers le dollar américain à court terme», estime le stratégiste de MUFG.
Prudence à court terme
Le soutien technique devrait toutefois être moins puissant qu’il ne l’a été ces derniers mois alors qu’une part importante des positions vendeuses (short) sur le dollar ont été bouclées ces dernières semaines (réduites de moitié par rapport à leur pic). Les stratégistes de Goldman Sachs se veulent plus prudents que le marché, estimant que le dollar pourrait marquer une pause après son rallye récent. Le positionnement très acheteur du marché les pousse aussi à la prudence d’autant que l’appréciation du billet pourrait prendre fin avec le ralentissement à venir de la croissance américaine et un prolongement de la politique accommodante de la Fed. Les investisseurs pourraient d’ailleurs «vendre la nouvelle» du tapering et stopper l’appréciation du dollar. Pour ING, la période après le tapering devrait être plutôt neutre pour la devise américaine avant que celle-ci ne reprenne son appréciation mais pas avant les premières anticipations de hausse des taux par la Fed. Hausse qui n’est pas prévue avant 2023 voire fin 2022.
En attendant, les investisseurs se focaliseront ce mercredi sur les chiffres de l’inflation en juillet aux Etats-Unis. Les économistes anticipent une légère baisse à 5,3% après 5,4% en juin. Cette donnée fournira en tout cas l’occasion aux membres de la Fed de réagir et d’indiquer de nouvelles pistes sur la future direction de sa politique monétaire et donc du dollar.
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