
La Fed garde le rythme

La Réserve fédérale (Fed) américaine reste sur la brèche. Elle a de nouveau procédé mercredi à une forte hausse de ses taux directeurs afin de lutter contre l’inflation. Elle a aussi prévenu que des relèvements supplémentaires freineraient l’activité économique dans les prochains mois.
La banque centrale a comme prévu relevé le taux des fonds fédéraux de 75 points de base pour la troisième fois en trois mois, alors que les tensions sur les prix n’ont pas donné les signes de ralentissement escomptés cet été aux Etats-Unis. Le taux interbancaire de référence s'établit désormais entre 3% et 3,25%, un niveau inédit depuis 2008, et devrait dépasser les 4% à la fin de l’année, selon les nouvelles projections présentées par la Fed.
«Nous aurons besoin de porter les taux à un niveau restrictif et de les y maintenir un certain temps» pour ramener l’inflation vers l’objectif de 2% de la Fed, a déclaré son président, Jerome Powell, lors de sa traditionnelle conférence de presse. «Nous disposons à la fois des outils et de la détermination nécessaires pour restaurer la stabilité des prix», a-t-il assuré.
La décision de mercredi a été prise à l’unanimité, a indiqué le comité de politique monétaire (FOMC) dans un communiqué. L’ampleur des prochains ajustements sera décidée lors de chaque réunion, a précisé Jerome Powell.
Après les deux relèvements énergiques de juin et juillet, les investisseurs avaient brièvement espéré que la Fed se montrerait plus accommodante pour tenir compte du ralentissement de l'économie et éviter une récession. Certains banquiers centraux avaient alimenté cette hypothèse en pointant les risques d’un resserrement monétaire trop brutal. Ces espoirs ont toutefois été douchés la semaine dernière par l’annonce d’une inflation toujours soutenue en août, qui a ouvert la voie à la décision de mercredi.
Décélération de l'économie
Les membres de la Fed misent désormais en moyenne sur des taux de 4,4% fin 2022 et de 4,6% fin 2023, après les avoir maintenus près de zéro jusqu’en mars dernier pour soutenir la reprise après la pandémie de Covid-19. En juin, ils tablaient encore majoritairement sur des niveaux de moins de 3,5% en fin d’année et de près de 4% l’année prochaine.
Cette politique monétaire plus stricte aura pour conséquence de freiner la croissance et l’emploi. La Fed a acté ce scénario en abaissant sa prévision de croissance pour cette année à 0,2%, alors qu’elle anticipait encore une croissance de 1,7% en juin. Un rebond modeste de 1,2% est prévu pour l’année prochaine.
Depuis le mois de juin, l’inflation est restée proche de ses plus hauts niveaux en 40 ans mais le marché de l’emploi américain a conservé son dynamisme malgré plusieurs signes de ralentissement de la conjoncture. Hors alimentation et énergie, les prix à la consommation ont augmenté de 0,6% en août, soit le double de la hausse de juillet. Sur les 12 derniers mois, l’indice global s’inscrit en hausse de 8,3%, non loin de la poussée historique de 9,1% enregistrée en juin. «Le problème de l’indice des prix (CPI) du mois d’août est qu’il n’a pas adressé les signes d’amélioration» attendus, commente Jonathan Pingle, économiste en chef pour les Etats-Unis d’UBS.
L’emploi fragilisé en 2023
La Fed a également révisé mercredi ses prévisions d’inflation, mais de manière moins marquée que ses projections de croissance.
L’institution a reconnu que la hausse des prix se montrerait plus durable que prévu, l’indice des prix PCE étant attendu en augmentation de 5,4% cette année et de 2,8% l’an prochain. En juin, l’indicateur préféré de la banque centrale en matière d’inflation était attendu en progression de 5,2% en 2022, avant un ralentissement à 2,6% en 2023. La détérioration du marché de l’emploi devrait pour sa part rester limitée à court terme, avec un taux de chômage estimé à 3,8% en fin d’année, au lieu de 3,7% dans les projections du mois de juin. Le chômage pourrait ensuite atteindre 4,4% fin 2023, au lieu des 3,9% anticipés en juin.
Cette dernière révision pourrait alimenter les craintes pour l'économie américaine, une telle augmentation du chômage se produisant habituellement dans les périodes de récession.
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