
La dislocation des cours du nickel alerte sur l’état du marché

Les experts qui avaient prévu une année 2022 plus volatile sont servis. Les mouvements extrêmes se sont multipliés ces dernières semaines alors qu’au resserrement monétaire s’est ajouté le conflit ukrainien et de nouvelles craintes sur l’inflation et la croissance mondiale. Aucun marché n’y échappe : taux, actions et désormais les matières premières, dont les évolutions font craindre un choc similaire à celui des années 1970. Le cours du nickel a quadruplé en quelques séances obligeant le London Metal Exchange (LME) à suspendre les cotations pour donner un coup d’arrêt à une hausse mettant en difficulté certains intervenants ayant des positions vendeuses.
Les marchés de taux ont été les premiers à s’ajuster en début d’année avec le resserrement généralisé des politiques monétaires. Le rendement du Bund 10 ans est passé de -0,11% à +0,32% en quelques jours, avant de rebasculer en territoire négatif avec la guerre en Ukraine. Il reprenait près de 10 points de base (pb) mardi alors que les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont imposé un embargo au pétrole et au gaz russes. «Nous avons eu cette année un réajustement très violent sur les courbes euro après que la BCE a ouvert la voie à une hausse des taux», indique Florent Pochon, stratégiste chez Natixis, qui note également un certain degré de dislocation sur les marchés actions et de crédit, même s’ils sont moins extrêmes. «Nos indicateurs d’illiquidité nous montrent une forte dégradation pour les actions, ils n’atteignent pas ceux de mars 2020, mais sont proches de ceux de fin 2018», affirme le stratégiste de Natixis. «Le conflit en Ukraine est arrivé à un moment où la liquidité dans le marché était déjà faible, y compris sur des indices extrêmement liquides comme le S&P 500», relève Benjamin Melman, directeur des gestions chez Edmond de Rothschild AM. Les marchés actions, notamment européens, ont connu des évolutions extrêmes, rebondissant ou rechutant en pleine séance depuis des points extrêmes.
Deleveraging
«Nous sommes dans un phénomène classique de ‘deleveraging’ des portefeuilles en raison de la hausse de la volatilité qui oblige les investisseurs à réduire leurs positions. Le problème est que dans les gros chocs de marché tout le monde est dans le même sens. Cela crée des dislocations dans le marché qui s’accentuent nettement», affirme Florent Pochon. Et ce dans un contexte de très faible liquidité car personne ne veut prendre position à l’heure d’une conjonction d’événements géopolitiques que les investisseurs ne maîtrisent pas (avec des risques extrêmes type accident nucléaire et embrasement du conflit) et d’un environnement très inflationniste. L’activité de prime brokerage de Goldman Sachs note que la désensibilisation aux actions américaines n’a jamais été aussi élevée depuis un an, les hedge funds cherchant à couper leurs expositions en actions et à couvrir leurs positions vendeuses.
Si l’on exclut les extrêmes sur les marchés russes (obligataire, actions) et sur le rouble (nouveau plus bas historique de 143 face au dollar mardi), cohérents avec la situation actuelle, les dislocations les plus frappantes s’observent sur les matières premières. Jim Reid, stratégiste chez Deutsche Bank, note que la hausse de 13% de l’indice matières premières la semaine passée est la plus importante jamais enregistrée, y compris pendant les années 1970. Avec le bond des derniers jours sur le pétrole, le gaz et les métaux, il n’y a plus de comparables.
Short squeeze
Le bond du nickel (la Russie est l’un des principaux producteurs) lundi et mardi, qui l’a propulsé à plus de 100.000 dollars après avoir été multiplié par près de quatre, est le phénomène le plus extrême. Une fois encore la faible liquidité est à l’origine d’un short squeeze (débouclement forcé de positions vendeuses) massif, qui a provoqué l’envolée des prix, et une spirale infernale pour certains intervenants qui ont vu leurs appels de marge s’envoler. Le LME a été contraint de suspendre les cotations mardi. Il a aussi été décidé d’annuler les transactions réalisées ce même jour et de décaler les livraisons physiques prévues ce mercredi, au vu du contexte.
Le producteur chinois Tsingshan, l’un des premiers mondiaux, qui détenait de grosses positions vendeuses à découvert au LME, serait à l’origine de ce short squeeze. Son courtier, une entité de China Construction Bank, n’a pu honorer les appels de marge de plusieurs centaines de millions de dollars réclamés après le bond des cours. «En voulant couper leurs positions vendeuses, les vendeurs à découvert, provoquent une spirale de hausse des prix, dans un marché très illiquide», indique Bernard Dahdah, analyste matières premières chez Natixis. Vu le niveau des prix, peu d’intervenants sont acheteurs. De plus, la demande est réduite par le régime d’auto-sanction que se sont imposées les entreprises occidentales, qui ne veulent plus acheter de matières premières russes.
«Ces positions vendeuses s’expliquent par le fait que les producteurs vendent leur production à terme, ce qui leur permet de fixer un prix et d’encaisser le cash immédiatement pour l’investir», observe Bernard Dahdah. Mais la forte hausse des prix les a piégés. L’appel de marge est un pourcentage du prix qui peut, en outre, être ajusté à la hausse. Rapidement, avec la flambée des cours, ces intervenants n’ont plus été capables de répondre à leurs appels de marge. Pour déboucler leurs positions, ils ont aussi acheté dans le marché, faisant davantage grimper les cours. La situation est suffisamment grave pour que les régulateurs chinois exhortent les grands groupes financiers et les entreprises publiques (SOE) à communiquer leurs expositions sur les marchés dérivés sur l’énergie et les matières premières, ainsi que les éventuelles pertes potentielles.
«Si localement on peut voir des mouvements extrêmes, il n’y a pas de signe de dislocation majeure sur les grands marchés mondiaux», nuance Benjamin Melman, responsable de la gestion chez Edmond de Rothschild AM. Selon cet expert, le marché n’a pas encore capitulé car il reste trop d’incertitudes.
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