La Croatie devient le vingtième membre de la zone euro

Ce pays des Balkans accède à la monnaie unique près de neuf ans après son entrée dans l’Union européenne, saluant ses performances économiques. Mais ce n’est pas sans défis.
Xavier Diaz
La Croatie intègre la zone euro de l’Union européenne
Le taux de conversion de la monnaie croate vers l’euro a été fixé à 7,5345 kunas pour un euro.  -  © European Union

La Croatie va devenir le vingtième membre de la zone euro le 1er janvier 2023. Ce pays des Balkans de près de 4 millions d’habitants intégrera la monnaie unique seulement 906 jours après être entré dans le mécanisme de taux de change européen, qui précède l’adoption de l’euro, en juillet 2020 et huit ans et demi après son accession à l’Union européenne. La Lituanie était le dernier membre à avoir accédé à la monnaie unique il y a sept ans. La Croatie deviendra le même jour le 27e membre des accords de Schengen de libre circulation aux frontières.

«L’introduction de l’euro renforcera notre économie, ce sera un ancrage de stabilité, cela nous rendra plus résistants et nous protégera des chocs et des crises externes et contribuera à l’amélioration du climat d’investissement», a déclaré Marko Primorac, le premier ministre croate devant les députés lors du vote du premier budget en euros du pays fin novembre. Les ministres des finances de l’Union européenne ont donné leur feu vert début juillet, estimant que la Croatie respectait les critères d’entrée dans l’union monétaire, auxquels elle s’était déjà en grande partie pliée dès juillet 2020.

Les lourds déficits publics de plus de 5% du produit intérieur brut (PIB) du milieu des années 2010 ont été drastiquement réduits pour afficher des excédents entre 2017 et 2019. La dette publique est passée de 84% du PIB en 2014 à 71% en 2019. Cette dernière s’élevait à 80% fin 2021 après avoir bondi à 87% en pleine crise du Covid. Le déficit public a été ramené à 2,7% fin 2021 après avoir progressé à 7,3% en 2020. Le gouvernement anticipe une nouvelle baisse à 2,3% en 2023 malgré une croissance en baisse à 0,7%. La dette devrait reculer à 67,9%. La Croatie a dû faire face en 2022 à une envolée de son inflation à 13,5%, en raison de la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation notamment, qui devrait revenir à 5,7% en 2023, selon le gouvernement.

Son ancrage ancien à l’euro a permis au pays de maîtriser son inflation, un point positif pour son accession à la monnaie unique. «En réalité, notre enracinement dans la zone monétaire européenne remonte très loin. Dès les années 1980 et 1990, l'économie croate était fortement liée au deutsche mark, puis à l’euro», a indiqué Boris Vujcic, le gouverneur de la banque centrale croate, dans un entretien au quotidien Les Echos. «Une grande partie des prêts et des dépôts bancaires sont déjà en euros ou en kunas, la monnaie croate, indexés sur l’euro», confirme Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG. Près de 58% des prêts sont libellés ou indexés en euros et plus de 52% des dépôts. Les emprunteurs comme les banques ont un intérêt à cette adhésion.

Ecart de compétitivité

Mais pour le pays, le passage à la monnaie unique sera-t-il favorable, notamment en termes de compétitivité ? Cela pourrait renforcer la croissance de l’une des principales activités du pays, le tourisme (14% du PIB), qui lui permet d’afficher un excédent de sa balance commerciale des services de 16,8% du PIB en 2021 (le quatrième plus important dans l’UE). «La Croatie est très compétitive avec le taux de change qui correspond au taux de conversion de la kuna vers l’euro», affirme Eric Dor. Celui-ci a été fixé à 7,5345 kunas pour un euro. Mais le constat n’est pas identique pour les biens, le pays affichant un déficit de sa balance commerciale de 18,3% en 2021 (13,4% vis-à-vis de la zone euro), le pire de toute l’Union européenne. «Bien sûr, d’autres facteurs que le taux de change affectent la compétitivité de l’industrie», relève l’économiste qui estime que la question est préoccupante. La compétitivité de la Croatie est normalement favorisée par un niveau de salaires très inférieur à la moyenne de la zone euro (salaire minimum de 875,4 euros par mois en standard de pouvoir d’achat, seules la Slovaquie, l’Estonie et la Lettonie sont en dessous).

«Un risque pour la Croatie serait de réitérer l’expérience des pays de la périphérie de la zone euro après leur adhésion», ajoute Eric Dor. A l’époque la faiblesse des taux avait facilité un fort endettement public comme privé et la création de bulles. Les taux de la banque centrale sont proches de celui de la Banque centrale européenne à 2,5% et 3%. Sur les marchés obligataires, les rendements des emprunts d’Etat ont fortement augmenté ces derniers mois mais dans le sillage de ceux de la zone euro. Le taux 10 ans est passé de 2,32% en août à 3,73% jeudi, avec un net resserrement du spread par rapport au Bund, saluant l’entrée dans la monnaie unique et les bonnes performances économiques du pays.

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