Fiscalité des entreprises, haro sur le baudet!

Thierry Morgant, avocat associé, Tax Management Consulting chez Deloitte Taj
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Thierry Morgant, avocat associé, Tax Management Consulting chez Deloitte Taj

La raison d’être des Piliers 1 et 2 du cadre inclusif proposé par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est simple : empêcher les pays en développement et quelques micro-Etats d’attirer les bénéfices et les capitaux des entreprises des pays les plus industrialisés au moyen de politiques fiscales avantageuses. Les cibles sont connues et nombreuses, même au sein de l’Union européenne (UE) : Irlande, Luxembourg, Chypre, Malte, Estonie, îles anglo-normandes, etc. Tous ces Etats ont finalement soutenu cette mesure. Alors pourquoi ne pas avoir tout simplement trouvé un accord au niveau européen pour obtenir un taux d’imposition minimal dans tous les Etats concernés en prévoyant des sanctions pour les Etats hors UE qui persistent dans leurs errements ?

Sans doute parce « nemo auditur » ne s’applique tout simplement pas aux Etats. Ils ont pourtant, délibérément et ouvertement, créé les règles législatives et l’ordre fiscal mondial qui s’appliquent aux entreprises. Bien sûr les règles anti-abus sont nombreuses, mais les entreprises restent encore et toujours suspectes. Elles doivent exhiber des certificats de bonne citoyenneté fiscale délivrés par ces mêmes Etats qui les accusent de bénéficier des règles qu’ils ont instaurées.

Et comme les Etats ne peuvent ni se faire confiance ni se déjuger, les entreprises vont supporter le poids, fiscal certes, ce qui était inéluctable dans le nouvel ordre fiscal mondial, mais surtout opérationnel de ces nouvelles mesures.

La complexité des règles reprises par l’UE dans son projet de directive est extrême. Nouvelle base comptable jamais utilisée à des fins fiscales, prise en compte systématique des impôts différés pour le calcul de l’impôt complémentaire, gestion de périmètres et sous-périmètres pour le calcul de l’impôt et pour sa liquidation, annulation des écritures comptables liées aux business combinations, reversement automatique des impôts différés passifs âgés de cinq ans...

Le rendement maximal attendu par la France ne devrait pas dépasser les 3,3 milliards d’euros. Un montant à mettre en regard des coûts de gestion pour les entreprises qui, eux, sont a minima autour de 0,4 milliard d’euros rien que pour le pilier 2, sans compter les coûts de mise en œuvre initiale, qui seront bien plus lourds. Au mieux, un rendement une fois le coût de départ absorbé de 9 pour 1 pour ce nouvel impôt, contre plus de 500 pour 1 pour notre impôt sur les sociétés nationales.

L’efficacité budgétaire très relative de cette mesure montre bien que sa finalité est à chercher ailleurs que dans l’équité fiscale.

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