
Euribor, un défi en perspective pour les entreprises
Jonathan Lewis, associé au sein du cabinet d’avocats Clifford Chance.
Muriel Nahmias, senior director au cabinet Redbridge.
Cyril Merkel, président de la commission placements de l’AFTE.
Alors que le taux de référence britannique Libor, critiqué pour son manque de fiabilité et entaché par des scandales de manipulation, sera supprimé d’ici à 2021, son homologue européen, l’Euribor, pourrait subir le même sort. Une situation qui ne serait pas sans conséquences pour les entreprises, dont les contrats de financement reposent aujourd’hui sur ces indices.
« Si un indice de remplacement du Libor (ou de l’Euribor) n’est pas acté officiellement par les pouvoirs publics, c’est la clause du coût des fonds qui risque de s’appliquer », avertit Muriel Nahmias, senior director au cabinet Redbridge, ce qui pourrait se révéler « très problématique » pour les entreprises. « Ce coût correspond en effet à la moyenne pondérée des taux de refinancement transmis par chaque prêteur, à l’agent dans le cas d’un crédit syndiqué. Ce système est opaque et risque d’aboutir à des taux plus élevés pour l’emprunteur, en raison de l’hétérogénéité entre banques », développe la professionnelle, qui ajoute que chaque emprunteur devra négocier avec ses banques, avec là encore des disparités. Un poids lourd du CAC 40 devrait en effet avoir plus de poids dans les discussions qu’une petite entreprise.
Concrètement, un contrat stipule généralement qu’en cas d’impossibilité d’obtention d’un taux Libor ou Euribor (suite au changement de l’administrateur du système de cotation par exemple), des banques de référence sélectionnées par les parties fournissent le taux qu’elles pratiquent dans le marché pour la période en question. Si cela n’est pas possible, s’applique alors la clause du coût des fonds. « Mais ces mesures ont à l’origine une vocation temporaire, et se révèlent plus difficilement tenables sur la durée », explique Jonathan Lewis, associé au sein du cabinet d’avocats Clifford Chance. Le nouveau taux risque en effet de modifier l’équilibre économique négocié entre les parties à l’origine du crédit.
Prise de connaissance
Or les premières pistes avancées pour un indice de remplacement sont discutables. « Si un taux repo peut constituer une bonne alternative aux Etats-Unis, où le marché est profond, tel n’est pas complètement le cas en Europe », juge Muriel Nahmias. En outre, l’Euribor +, qui se base sur des transactions réelles et non sur une base uniquement déclarative comme l’Euribor, pâtit d’un marché interbancaire trop peu actif pour être fiable. Quant aux indices jour le jour, ils ne règlent pas la question des échéances. « Comment les écarts vont-ils être répercutés dans le spread ? Là encore, le coût des fonds risque d’être invoqué », alerte Muriel Nahmias, qui appelle à la mobilisation, au-delà de celle des banques, des entreprises et des régulateurs pour préparer 2021.
Or « les entreprises commencent juste à prendre connaissance du sujet », perçoit Jonathan Lewis. « Les interrogations sur l’avenir de l’Euribor commencent à préoccuper certains trésoriers, observe Cyril Merkel, président de la commission placements de l’AFTE (Association française des trésoriers d’entreprise). Sans s’alarmer, il faut être vigilant sur le sujet. Un groupe de travail dédié au sein de l’AFTE pourrait dès lors être créé prochainement ».
Alors que l’Union européenne impose aux banques de préparer dès 2018 leur plan d’action face à un remplacement éventuel du taux de référence actuel, un consensus de marché devrait progressivement émerger. « En attendant, il faut que les nouveaux contrats de crédit incluent des clauses pour anticiper ces changements », prévient Jonathan Lewis. Ainsi, si l’unanimité des banques prêteuses est normalement requise pour modifier le prix du crédit, la règle de la majorité qualifiée (fixée à un certain seuil par emprunteur et créditeurs) est préconisée. Pour les contrats en cours, « des avenants seront insérés à l’approche de 2021 », indique Jonathan Lewis, qui souligne que cela représentera un coût et du temps à consacrer à la renégociation des termes pour les entreprises.
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