
AnaCrédit, une nouvelle logique de reporting réglementaire pour les banques

Laurent Rousseau

et Julie Ballada, consultants, Julhiet Sterwen
AnaCredit ! Vous avez certainement déjà entendu parler de ce nouveau reporting, mais sans doute pas plus. Son importance a été négligée, noyée dans la constante escalade des exigences réglementaires des banques centrales, éclipsée par la mise en place des nouvelles normes comptables (IFRS 9, IFR15, IFRS 16). Pourtant, il s’agit là d’une réelle rupture, voire d’une révolution dans le monde du reporting réglementaire.
AnaCredit (Analytical Credit Dataset) a été lancé en 2011 par la Banque centrale européenne (BCE), dans le cadre du Mécanisme de supervision unique (MSU), en collaboration avec les banques centrales de la zone euro. Le but : constituer une base de données détaillée de référence sur les prêts bancaires.
Jamais un tel volume et une telle granularité des données n’ont été exigés : niveau de détail au contrat, à la contrepartie et à la protection. La déclaration portera sur les emprunteurs dont le total d’encours est supérieur à 25.000 euros (1 euro en cas de défaut). Il faudra fournir plus de 90 attributs (data points) dont les définitions et valeurs attendues seront répertoriées dans un dictionnaire de données unique.
L’intérêt du régulateur se retrouve dans la finesse, le volume des données et la périodicité des remontées. C’est un outil précieux pour la BCE, qui lui permettra de produire des analyses statistiques plus détaillées, de tenir son rôle de superviseur et de prévoir au mieux les aléas économiques et monétaires dans la zone euro. Cette nouvelle logique de récolte des données semble pouvoir répondre de façon plus pérenne au besoin d’harmonisation et de comparabilité des données à l’échelle européenne.
Ce reporting sera-t-il également source de valeur ajoutée pour les banques ? Difficile de percevoir un avantage quand il s’agit de contraintes réglementaires. Pourtant, elles peuvent être sources d’opportunités…
Avec BCBS239 ou encore IFRS9, on comprend aisément que l’aspect gestion et contrôle de la donnée au sein des établissements de crédit revêt un caractère stratégique (des données claires et exhaustives permettent de prendre de meilleures décisions). AnaCredit offre ainsi aux banques un outil stratégique précieux en imposant la mise en place d’un énorme hub de données sur le crédit, harmonisé au niveau des groupes financiers.
Les producteurs des déclarations réglementaires n’auront plus à reporter des calculs ou des super agrégats de données, souvent sources d’erreurs dans les méthodes de calcul et les interprétations. Il faudra transmettre directement la base exhaustive de données comptables et financières qui contient l’information non transformée. A partir de cette base, le régulateur exploitera et analysera les données en fonction de ses besoins. Cela permettra de réduire les sollicitations multiples des déclarants par ce dernier (missions d’IG, audit, demandes de justification de calculs, etc.).
En parallèle, des enjeux importants seront à relever par les banques. AnaCredit, c’est en effet 2 templates, 10 databases et plus de 90 attributs. Le système d’information devra être en capacité de créer, héberger et sécuriser la base de données et d’informations sur le crédit. Le retraitement et l’exploitation des données existantes dans les systèmes de gestion et de comptabilité pour répondre aux demandes de calculs ou de présentation exigée par le régulateur ne suffiront plus. Néanmoins, ces enjeux valent la peine d’être relevés car AnaCredit est précurseur d’une nouvelle dynamique de déclarations réglementaires basées sur la donnée.
AnaCredit est donc un reporting réglementaire qui s’inscrit en rupture avec les déclarations actuelles et oriente l’avenir vers des déclarations de données exhaustives et unifiées au régulateur qui reprend à sa charge les aspects d’agrégation et de transformation des données à des fins d’analyses. Preuve qu’AnaCredit est tourné vers l’avenir, ce nouveau reporting est le premier à s’inscrire en projet expérimental pour de futures initiatives de la BCE visant à muter les reportings actuels basés sur l’agrégat en reporting de données élémentaires : on peut citer à ce titre le projet BIRD (Banks’ Integrated Reporting) ou l’ERF (European Reporting Framework). Certains pays en Europe pratiquent déjà un reporting unifié : en Autriche, les banques envoient au régulateur l’ensemble des données détaillées pour traitement des états réglementaires sous forme de série de cubes à un centre de services mutualisés.
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