
Nouvelles mobilités : les assureurs dans la course

Le rapport à la voiture change, de nouveaux véhicules apparaissent, en ville émergent de « nouvelles mobilités » en attendant la « mobilité comme service » (Mobility-as-a-service, Maas). Dans son premier Livre blanc sur le sujet, Novamétrie constate que plus de la moitié des Européens (57 %) attendent une offre complète et modulaire de transports, accessible à travers un seul outil numérique. Et 70 % des plus jeunes voudraient pouvoir régler toutes leurs dépenses de mobilité (parcmètre, transports en commun, vélo, etc.) à partir d’une seule appli qui intègre aussi leurs abonnements et réductions, sans parler d’informations en temps réel. Plusieurs transporteurs y travaillent, notamment la SNCF ou Transdev. Constructeurs et équipementiers ont également bien conscience des enjeux. Et le bouleversement sera au moins aussi important pour les assureurs. Allianz France vient d’ailleurs d’annoncer un partenariat avec Toyota Tsusho Europe pour accélérer des projets de start-up sur les nouvelles mobilités.
Dans ce domaine est déjà apparue une nouvelle matière assurable : les « engins de déplacements personnels », souvent des NVEI (nouveaux véhicules électriques individuels) tels que l’hoverboard, le mono-roue, le gyropode ou le skate et la trottinette électriques, qui soulèvent des questions sur les risques et leurs couvertures. Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, mais certains de ces engins sont déjà disponibles en location libre-service, notamment en free-floating (sans borne), préfigurant la mobilité de demain. Une enquête Prévention routière et Allianz France montre qu’un tiers des Français ont déjà testé un NVEI et 57 % envisagent de s’en servir à l’avenir. Les assureurs communiquent aisément sur ce phénomène : l’électrique est favorable au climat, le déplacement individuel est bon pour la santé et les NVEI donnent une image « dans le vent ». Ainsi, AG2R La Mondiale, qui encourage le grand public à pédaler, a construit une offre qui combine la location longue durée (LLD) d’un vélo à un ensemble de services d’assistance et d’assurance, mais aussi d’accessoires (casque, GPS, antivol, etc.). De son côté, Allianz France lance sa nouvelle campagne de communication : « Les mobilités de A à Z ». Z pour Zipline : la start-up californienne, qui conçoit des drones, s’est fait connaître par la livraison de médicaments et de poches de sang dans les hôpitaux en Afrique. V pour vélo, A pour automobile…
Sécurité des données
Lorsque la Société Générale a introduit ALD Automotive, sa filiale de LLD, en Bourse au printemps 2017, elle évoquait la possibilité de « défricher de nouveaux usages » : véhicules sans chauffeur, autopartage, flottes mises à disposition par les villes, solutions multimodales, etc. Aujourd’hui, le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), en cours de consultation au Conseil d’Etat, doit préparer le terrain de la Maas telle qu’elle a été déclinée au sommet européen de la mobilité urbaine, Autonomy (18-20 octobre). Pour les assureurs, ce contexte nouveau a de multiples conséquences.
La première tient à la perte d’une partie de leur activité, notamment en IARD (incendie, accidents et risques divers). « Sur le marché des particuliers, la proportion des automobilistes ayant recours à une solution locative pour financer un véhicule neuf est passée depuis 2010 de 8 % à près de 30 % », explique la Matmut. Tandis que celle-ci annonce une offre de LLD auto pour ses sociétaires, en partenariat avec Arval (filiale spécialisée de BNP Paribas), la Macif lance aussi, avec LeasePlan, « un service de LLD tout compris » : une bonne façon de fournir assurance, assistance et entretien dans les réseaux partenaires en même temps que la location d’un véhicule neuf. Tous les assureurs veulent rester dans la course : plus de 40 % des adeptes de la LLD ont entre 25 et 34 ans. La Matmut estime ainsi « confirmer sa volonté d’accompagner au mieux les évolutions sociétales, notamment la bascule progressive de la propriété du bien automobile vers son usage ». A cet égard, la Maif propose, elle, une assurance auto « à la minute » : un boîtier Bluetooth placé dans la voiture détecte les trajets et communique les données à un smartphone.
Aujourd’hui, tout propriétaire d’un véhicule terrestre à moteur a l’obligation de l’assurer pour pouvoir le faire circuler. Demain, la voiture sera partagée et même sans chauffeur ! Comment les assureurs pourront-ils positionner des couvertures adaptées ? Lors du Mondial de l’Automobile, Axa a passé un partenariat avec Navya, spécialiste des « nouvelles solutions de mobilité intelligente et partagée ». Grâce à leurs données, « Axa approfondira sa connaissance des véhicules autonomes, notamment dans le but de proposer des solutions d’assurance toujours plus adaptées à cette nouvelle forme de mobilité » et de devenir « référent des nouvelles formes de mobilité ». Les assureurs estiment avoir tous les atouts pour devenir des tiers de confiance, comme les banquiers notamment.
La Fédération française de l’assurance (FFA) et le Comité des constructeurs français d’automobiles ont décidé de travaux communs pour répondre « aux défis sans précédent de la transformation digitale et des nouveaux modes de mobilités », ont expliqué leurs représentants. L’objet : l’accès aux données et leur « mise à disposition » au secteur de l’assurance pour la gestion des sinistres et l’indemnisation des victimes, « tout en garantissant l’objectif général de sécurité des données du véhicule ». Tout reste à faire, mais il s’agit d’avancer vite car les initiatives sont multiples.
Bosch, spécialiste du moteur électrique, qui propose déjà des scooters en libre-service à Paris, a un partenariat avec Daimler pour tester des voitures autonomes. Pour développer des véhicules électriques, connectés et autonomes, la ville de Paris a pour sa part décidé de collaborer avec le groupe Renault qui se définit aussi comme « un acteur des services de mobilité ». La loi Pacte, quant à elle (article 43), entend instaurer un cadre propice aux expérimentations des véhicules autonomes ou d’« engins de livraison urbaine automatisés » afin « d’arrêter les régimes de responsabilité en l’absence de conducteur ». Thierry Derez, PDG de Covéa, en est certain : « A une vitesse encore inconnue, nous allons vers les véhicules autonomes. » Il n’est pas le seul à faire ce constat.
Jacques Richier, le PDG d’Allianz France, distingue cinq enjeux liés à la mobilité : « Favoriser le développement des transports multimodaux dans les villes » ; « considérer le cyberrisque comme l’enjeu clé des nouvelles mobilités », en prenant des mesures contre le risque d’accident en série et le risque de piratage des véhicules autonomes (hors parcs fermés) comparables à celles en vigueur pour la sécurité informatique des avions ; « trancher la question de la propriété et de l’utilisation des données relatives aux déplacements et aux véhicules individuels » ; « développer les infrastructures de la nouvelle mobilité » ; et « sortir les nouveaux véhicules urbains du flou juridique concernant leur classification et les responsabilités associées » afin d’indemniser correctement les victimes d’accidents. Ces objectifs remplis, quelle place les assureurs auront-ils sur le marché de la Maas ?
« Le changement du rapport des Français à la voiture et la montée en puissance des véhicules autonomes vont conduire à la création d’un service complet de mobilité incluant aussi bien le wifi que l’entretien du véhicule. Constructeurs automobiles, banques et assurances ou opérateurs téléphoniques proposeront ce service sous forme d’abonnements aux particuliers », décrit Thierry Derez. Et de dérouler son argumentaire sur la distinction marquée entre risques de fréquence et risques d’intensité. « Pour les risques de fréquence de type réparations, explique le PDG de Covéa, l’opérateur n’aura pas toujours besoin d’un assureur : il pourra s’auto-assurer. En revanche, il ne conservera pas les risques d’intensité : des événements aléatoires comme les risques cyber ou climatiques. Ceux-là seront couverts et, in fine, cédés à des réassureurs. »
Cet impact profond de la Maas sur l’activité d’assurance est rarement mis en avant. Il pourrait pourtant engendrer des mouvements inédits sur le marché de l’assurance/réassurance.


En 2050, selon Mazars, les recettes mondiales (en milliards de dollars) découlant de
Mobility-as-a-Service : 7.000
Voitures autonomes : 200
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Népal: Sushila Karki, la nouvelle Première ministre, s'affiche au chevet des victimes des émeutes
Katmandou - La Première ministre du Népal Sushila Karki a réservé samedi sa première sortie aux blessés des émeutes meurtrières du début de semaine, au lendemain de sa nomination à la tête d’un gouvernement chargé d’organiser des élections en mars prochain. Dans une capitale Katmandou où la vie revient lentement à la normale, Mme Karki a visité plusieurs hôpitaux, au chevet des victimes de la répression ordonnée par son prédécesseur KP Sharma Oli, contraint à la démission. Au moins 51 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessés lors de ses troubles, les plus graves depuis l’abolition de la monarchie en 2008. Nommée vendredi soir après trois journées de tractations, l’ex-cheffe de la Cour suprême a entamé au pas de charge son mandat à la tête d’un gouvernement provisoire. Sitôt investie, le président Ramchandra Paudrel a ordonné la dissolution du Parlement et convoqué le 5 mars 2026 des élections législatives, une des revendications des jeunes contestataires réunis sous la bannière de la «Génération Z». L’agenda de la première femme chargée de diriger le Népal s’annonce chargé et sa mission difficile, tant sont nombreuses les revendications des jeunes qui ont mis à bas l’ancien régime. Sa nomination a été accueillie comme un soulagement par de nombreux Népalais. «Ce gouvernement provisoire est une bonne chose», s’est réjouie Durga Magar, une commerçante de 23 ans. «On ne sait pas ce qu’il va se passer à l’avenir mais on est satisfaits (...) et on espère que la situation va maintenant se calmer». «La priorité, c’est de s’attaquer à la corruption», a poursuivi la jeune femme. «On se moque de savoir si c’est la Génération Z ou des politiciens plus âgés qui s’en occupent, il faut juste que ça cesse». «Je pense que cette femme Première ministre va (...) faire avancer la bonne gouvernance», a pour sa part estimé Suraj Bhattarai, un travailleur social de 51 ans. Partie lundi de la colère suscitée par le blocage des réseaux sociaux, la fronde a débordé en révolte politique contre un gouvernement jugé corrompu et incapable de répondre à ses aspirations, notamment en matière d’emploi et de niveau de vie. Couvre-feu allégé Plus de 20% des jeunes népalais de 15 à 24 ans sont au chômage, selon les estimations de la Banque mondiale, et le produit intérieur brut (PIB) annuel par habitant frôle les 1.450 dollars. La répression meurtrière des cortèges de protestataires a précipité les événements. Mardi, les manifestants ont déferlé dans les rues de Katmandou et systématiquement incendié ou mis à sac tous les symboles du pouvoir: Parlement, bâtiments ministériels, résidences d'élus... Incarnation des élites, le Premier ministre KP Sharma Oli, 73 ans, quatre fois Premier ministre depuis 2015, n’a eu d’autre choix que de démissionner. Le chef du Parti communiste (maoïste) menait depuis 2024 une coalition avec un parti de centre gauche. Quelques heures après la prestation de serment de la nouvelle Première ministre, l’armée a allégé samedi matin le couvre-feu en vigueur dans la capitale et les autres villes du pays. A Katmandou, chars et blindés se sont faits plus discrets, les commerces et marchés ont retrouvé leurs clients et les temples leurs fidèles. Sushila Karki a travaillé samedi à la composition de son gouvernement, selon son entourage. Plusieurs ONG de défense des droits humains, dont Amnesty International ou Human Rights Watch, l’ont appelée samedi à mettre un terme à la culture de «l’impunité du passé». L’une de ses tâches immédiates sera aussi d’assurer le retour à l’ordre dans tout le pays. A commencer par remettre la main sur 12.500 détenus qui ont profité des troubles pour s'évader de leurs prisons et étaient toujours en cavale samedi. Paavan MATHEMA et Bhuvan BAGGA © Agence France-Presse -
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Katmandou - «Il rêvait de mourir en ayant été utile à son pays». Santosh Bishwakarma, 30 ans, a été abattu lundi par les forces de l’ordre dans une rue de Katmandou alors qu’il manifestait contre le gouvernement, et sa femme est inconsolable. Dans sa petite maison de la capitale népalaise encombrée de ses proches venus partager son deuil, Amika Bishwakarma, 30 ans elle aussi, peine à évoquer le souvenir de son mari. «Il avait l’habitude de dire qu’il ne voulait pas mourir comme un chien», lâche-t-elle entre deux sanglots. «Il voulait que le Népal soit reconnu dans le monde, et ne pas mourir avant d’y avoir contribué. Je crois qu’il a réussi». Santosh avait rejoint lundi le cortège de ces jeunes réunis sous la bannière de la «Génération Z» qui dénonçaient le blocage des réseaux sociaux et la corruption des élites du pays. Il est tombé lorsque la police, débordée, a ouvert le feu sur les manifestants. Une vingtaine d’entre eux ont été tués, des centaines d’autres blessés. La répression a nourri la colère de cette «Gen Z», qui est revenue le lendemain dans les rues de la capitale et a incendié ou mis à sac tous les symboles du pouvoir: parlement, bureaux ministériels, tribunaux, jusqu’aux résidences de plusieurs dirigeants. Le Premier ministre KP Sharma Oli n’a eu d’autre choix que de démissionner. Respectée pour son indépendance, l’ex-cheffe de la Cour suprême Sushila Kari, 73 ans, a été nommée vendredi soir à la tête d’un gouvernement provisoire chargé de conduire le pays jusqu'à des élections prévues dans six mois. Son entrée en fonction semble satisfaire de nombreux Népalais mais pas Amika Bishwakarma, désormais toute seule pour élever son fils Ujwal, 10 ans, et sa fille Sonia, 7 ans. «Un peu de justice» «Mon mari aurait tout fait pour leur permettre de réaliser leurs rêves, même au prix de sa vie», assure-t-elle. «Mais comment je vais pouvoir y arriver seule maintenant ? Il a sacrifié sa vie pour le pays, j’espère que le gouvernement va m’aider». Quand il a appris la mort de Santosh, son ami Solan Rai, 42 ans, a accouru au chevet de sa veuve. Après les violences de la semaine, il veut croire à des jours meilleurs pour son pays. «je n’avais jamais vu pareille colère», note-t-il, «j’espère que cette fois, ça va enfin changer». D’autres veulent croire que la mort de leurs proches ne sera pas vaine. Ce vendredi, ils étaient des centaines à se presser dans le temple de Pashupatinath, à Katmandou, pour assister à la crémation d’un fils, d’un frère ou d’un ami tué cette semaine. «J’espère que de tout ça sortira une forme de justice, que notre peuple obtiendra enfin les changements qu’il cherche désespérément depuis si longtemps», espère Ratna Maharjan en pleurant son fils, tué d’une balle tirée par un policier. Sur les marches du temple, au bord du fleuve Bagmati, une femme vêtue de rouge s’accroche désespérément à la dépouille de son fils, qu’elle refuse de voir partir en cendres. Un peu à l'écart, des policiers déposent des gerbes de fleurs sur le cercueil d’un de leurs collègues, mort lui aussi pendant les émeutes. La police a fait état de 3 morts dans ses rangs. Avant de retourner au silence de son deuil, Amika Bishwakarma fait un dernier vœu, plus politique. «On ne demande pas la lune», glisse-t-elle d’une petite voix. «On veut juste un peu plus d'égalité, que les riches ne prospèrent pas pendant que les pauvres continuent à dépérir». Bhuvan BAGGA et Glenda KWEK © Agence France-Presse -
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