Natixis paie cher son offensive dans les dérivés actions

Les marchés doutent de la gestion des risques de la filiale de BPCE après ses pertes sur des produits structurés en Asie.
Amélie Laurin
Natixis
Le nouveau directeur général de Natixis dirigeait auparavant les activités du groupe en Asie.  -  Fabrice Vallon

Ses prix de «meilleure banque 2017 sur les produits structurés» en Asie et de «banque d’investissement la plus innovante sur les activités de dérivés actions» lui sont peut-être montés à la tête. Natixis a clôturé hier en recul de 6,3% à la Bourse de Paris après l’annonce, mardi soir, d’un avertissement sur ses revenus du quatrième trimestre lié à des pertes sur des dérivés actions en Asie. La filiale cotée de BPCE a perdu 36,8% de sa capitalisation boursière depuis le début de l’année, revenant ainsi à son niveau le plus bas depuis deux ans.

Touchée par la forte volatilité des marchés actions asiatiques, Natixis a dévoilé que son produit net bancaire chuterait de l’ordre de 10% (soit environ 100 millions d’euros) sur un an sur la période octobre-décembre, à environ 2 milliards d’euros, et qu’elle passerait dans ses comptes une provision de 160 millions d’euros pour couvrir la gestion extinctive des produits problématiques. La charge totale de 260 millions d’euros «représente 35% de notre estimation du bénéfice avant impôt au quatrième trimestre, et 37% [de celui attendu par le] consensus», pointent les analystes de Jefferies.

Cet élément exceptionnel, lié à une stratégie de couverture «déficiente», est principalement imputable à un produit structuré coréen, selon plusieurs sources. Il s’agirait de l’indice Kospi 3, une offre inédite créée l’an dernier en partenariat avec la Bourse de Séoul au bout de «deux ans de collaboration» et vanté dans le rapport annuel de la banque. «C’est un produit autocall très spécifique. Il est réservé à des clients particuliers et de banques privées, mais ceux-ci n’ont subi aucune perte», souligne une source. La vidéo de présentation de ce produit, n’est plus visible sur le site de Natixis.

Un cadre mis à pied

Cédric Dubois, le coresponsable mondial des dérivés actions basé à Hong Kong, a été mis à pied, mais «il est toujours salarié de Natixis», précise une source. «Pour l’instant c’est le seul mis en cause, en attendant la fin des audits», indique un autre bon connaisseur du dossier. Avant les événements de ce trimestre, la banque avait déjà accusé une baisse de revenus dans les dérivés actions en Asie aux deuxième et troisième trimestres. Un revers après la «forte croissance» du métier en 2017, qui s’était traduite par «des gains de productivité et de parts de marché», selon le rapport annuel.

Les déboires de Natixis sont particulièrement malvenus pour son nouveau directeur général François Riahi, qui dirigeait auparavant les activités du groupe en Asie. Ils jettent aussi le doute sur les ambitions de la division de banque d’investissement (BFI) qui devra réaliser fin 2020 plus de 40% de ses revenus dans les zones Amériques et Asie-Pacifique. Dans le passé, l’expansion internationale et les activités de marchés n’ont pas porté chance à Natixis. Particulièrement exposée à la crise des subprimes aux Etats-Unis en 2008, la banque était devenue la bête noire de la finance française et avait dû être recapitalisée par les pouvoirs publics après une perte exceptionnelle. Depuis, elle a largement réduit la taille de sa BFI et mis en avant un profil moins risqué.

Les fantômes du passé expliquent en partie le décrochage boursier d’hier, malgré les assurances données pour l’avenir. Natixis a annoncé mardi soir le maintien des objectifs de son plan stratégique 2020 et d’un dividende exceptionnel de 1,5 milliard d’euros, lié à la cession prochaine de ses services financiers spécialisés à BPCE. «Si l’environnement de marché a été particulièrement difficile au quatrième trimestre, l’ampleur des pertes de couverture suscite des interrogations sur la gestion du risque», estiment les analystes de JPMorgan.

«Nous allons tirer les conséquences de ce qui s’est passé et améliorer nos process», assure une source proche de la banque, sans donner de détails. L’affaire coréenne intervient en pleine réorganisation des activités de marché. «Le projet était dans les tuyaux depuis plusieurs mois. A priori avant les premiers signaux très négatifs d’Asie», affirme une source interne. Suite à la vente du cash equity à Oddo BHF, qui a réduit le périmètre des métiers actions, Natixis a rapproché en mai dernier ses activités de fixed income (taux et change) et de dérivés actions, sous la direction unique de Selim Mehrez. En Asie-Pacifique, cela a débouché sur la création de deux sous-pôles en juillet : les ventes et l’ingénierie financière chapeautées par Nicolas Reille, et le trading emmené par Viet-Linh Ha Thuc.

Au-delà du cas Natixis, «il y a une lecture croisée négative pour les maisons avec de larges books de dérivés actions en Asie, principalement BNP Paribas et la Société Générale», estiment les analystes de Jefferies. La débâcle des marchés asiatiques touche aussi d’autres segments de BFI. L’américain Citi risque de perdre 180 millions de dollars (158 millions d’euros) sur un prêt à un hedge fund asiatique dont les paris sur les taux de change se sont révélés perdants, a dévoilé Bloomberg (lire aussi dans la rubrique L’Essentiel).

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