Les investisseurs qualifiés ont les mêmes droits que les particuliers en cas de prospectus erroné

Dans un jugement sur l’affaire Bankia, la Cour de justice de l’UE estime qu’ils peuvent entamer une action en responsabilité même si le document d’information était destiné aux particuliers.
Adrien Paredes-Vanheule

Dix ans après, les turbulences survenues lors de la cotation de Bankia à la Bourse de Madrid refont surface. Dans un jugement rendu jeudi 3 juin, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a tranché l’affaire opposant Bankia à un investisseur institutionnel espagnol, Unión Mutua Asistencial de Seguros (Umas). Le dossier lui avait été soumis par le tribunal suprême espagnol en décembre 2019.

Cet investisseur avait acheté environ 160.000 actions Bankia au moment de la cotation de la banque en 2011 pour une valeur totale de 600.000 euros. Il s’était retourné ensuite judiciairement contre Bankia à la suite d’une chute de la valeur de l’action Bankia survenue en raison d’inexactitudes sur la santé financière du groupe espagnol à l’époque. Les comptes annuels de la banque pour 2010 et 2011 qui étaient évoqués dans le prospectus de cotation étaient erronés, ce qui avait provoqué temporairement la suspension de la cotation de Bankia.

La CJEU a donc validé les poursuites judiciaires engagées par Umas pour réclamer réparation auprès de Bankia. «Dans le cas d’une offre publique de souscription adressée tant à des investisseurs de détail qu’à des investisseurs qualifiés, l’action en responsabilité du fait des informations fournies dans le prospectus peut être exercée non seulement par les investisseurs de détail, mais également par les investisseurs qualifiés», indique la cour dans son jugement.

Un prospectus pour tous

La CJUE retient le fait que les investisseurs, peu importe leur statut, ont à leur disposition le prospectus de cotation d’un émetteur, même si ce dernier n’a obligation de le publier que pour les investisseurs de détail. La cour estime que ce document, de fait accessible à tous, est censé contenir des informations complètes et fiables sur lesquels les investisseurs peuvent légitimement s’appuyer. La CJUE ajoute que les dérogations à l’obligation de publication d’un prospectus inscrites dans la réglementation européenne «n’interdisent pas la publication volontaire d’un tel document à l’intention de l’ensemble des investisseurs».

Des jugements avaient été précédemment rendus en faveur d’investisseurs de détail par le tribunal suprême espagnol qui avaient demandé des compensations à Bankia. Mais la plainte d’Umas a, elle, été émaillée de rebondissements tout au long de son parcours judiciaire. En cause, le fait qu’Umas était un investisseur qualifié et pouvait potentiellement avoir accès à des informations sur la situation financière de Bankia à l’époque par d’autres moyens que le prospectus réservé aux investisseurs de détail.

La CJUE a répondu sur ce point. Ainsi, la loi européenne ne s’oppose pas à des dispositions de droit national qui, dans le cadre d’une action en responsabilité intentée par un investisseur qualifié du fait des informations fournies dans le prospectus, «permettent, voire imposent, au juge de prendre en considération le fait que cet investisseur avait ou devait avoir connaissance de la situation économique de l’émetteur de l’offre publique de souscription». Néanmoins, la cour précise que ces dispositions «ne doivent pas rendre impossible ou excessivement difficile» le fait de mener une telle action.

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