
Les gendarmes de la finance recrutent
Une cinquantaine de postes sont pourvus chaque année à l’Autorité des marchés financiers (AMF), dont 90 % par des candidats venant du privé, du secteur financier principalement. « La majorité des candidats ont entre 8 et 15 ans d’expérience, note la DRH Anne-Sophie Fior. Nous proposons également des postes de début de carrière – 10 % de nos recrutements – accessibles aux jeunes diplômés, ainsi qu’une soixantaine de stages de fin d’études. » Les profils les plus recherchés actuellement ? Ceux de candidats ayant une expérience à l’international ou dotés d’une double, voire triple formation, en droit, finance, ingénierie financière, ou encore en sciences politiques. « En ce moment, nous avons aussi particulièrement besoin d’auditeurs pour travailler au sein des directions au contact des acteurs de la place, ainsi que de collaborateurs issus de services d’inspection générale de grandes banques », complète Anne-Sophie Fior.
Du côté de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), adossée à la Banque de France (BdF), 80 recrutements ont été effectués en 2018, un nombre qui devrait significativement augmenter en 2019. « Pour couvrir nos besoins dans le contrôle bancaire mais aussi assurantiel, nous recrutons des scientifiques (écoles d’ingénieurs), des actuaires, mais aussi des profils plus généralistes (type IEP et écoles de commerce), ainsi que des juristes ou des économistes », explique Vincent Teurcq, directeur adjoint du recrutement et des carrières. L’ACPR recrute une moitié de ses effectifs par concours qui visent essentiellement les jeunes diplômés. L’autre moitié est constituée de contractuels, plus expérimentés.
Une mission d’intérêt général
Ces opportunités d’embauches à un haut niveau de responsabilité ne sont pas négligeables sur la place parisienne. « J’ai fait une belle carrière au sein d’une banque, notamment à l’Inspection, puis à la direction des risques », témoigne Anne de Tricornot-Aubouin, 46 ans. Après la crise de 2008 cependant, celle-ci cherche un nouveau poste. « Rejoindre l’ACPR m’a permis de trouver un poste enrichissant, mais surtout d’œuvrer à une mission d’intérêt général en veillant à l’équilibre financier des banques. » La crise des crédits subprime et ses conséquences ont entraîné une véritable prise de conscience. En 2011, elle est donc recrutée par l’institution comme contrôleuse et devient, au bout de deux ans, adjointe au chef de service de contrôle de deux groupes mutualistes. Elle prend ensuite la responsabilité du service, puis celle du contrôle des pratiques commerciales pour les intermédiaires trois ans plus tard.
Alexandre Neyret, 41 ans, a rejoint l’AMF après avoir, lui aussi, commencé sa carrière dans la banque. Ce diplômé de Centrale Paris, titulaire d’un master de mathématiques appliquées suivi en Chine, a débuté au sein de l’inspection générale de Calyon en tant que spécialiste des marchés financiers. Il a continué comme structureur de produits dérivés actions, puis a rejoint, après la crise financière de 2008, Axa Investment Managers pour gérer le portefeuille de dérivés d’Axa au Japon, avant d’être recruté par la Compagnie Financière Edmond de Rothschild à Shanghai. « Après toutes ces expériences, j’avais envie de prendre de la hauteur et de rentrer en France, explique le financier. J’ai découvert une annonce de l’AMF et j’ai été séduit par le prestige de l’institution. » Mais au-delà de l’image, ce sont bel et bien les missions qui le motivent quand il intègre l’AMF en 2013 (lire le Témoignage ci-dessus). Il commence à la direction des contrôles auprès des prestataires de services d’investissement. Au bout de deux ans, il rejoint, au sein de la direction des enquêtes, la cellule quantitative mise en place en 2010-2011 pour analyser des données de transactions toujours plus nombreuses et détecter d’éventuels manquements dans des marchés de plus en plus automatisés. Enfin, il prend un poste de management et vient d’être nommé récemment adjoint à la direction des enquêtes.
« Cette progression n’est pas rare et illustre le fait que nos collaborateurs restent chez nous neuf ans en moyenne, rappelle Anne-Sophie Fior. Nous offrons de belles carrières grâce à une structure à taille humaine – 500 collaborateurs – qui permet aussi les mobilités. » Certes, certains professionnels venant des salles de marché ou de banques internationales doivent souvent faire des concessions salariales. Mais le tremplin que représente l’AMF peut vite devenir un pari gagnant. Les cadres y sont en effet régulièrement « chassés ». L’AMF accepte volontiers ces départs, les voyant comme autant d’opportunités de diffuser la culture réglementaire dans le secteur privé.
L’ACPR n’a pas la même philosophie. Le but est de conserver les talents le plus longtemps possible. « Nous investissons beaucoup dans la formation de nos collaborateurs, qui doivent s’adapter à une réglementation changeante et complexe, en dispensant environ 50.000 heures de cours par an, pour environ 1.000 personnes, note Jean-Marc Serrot, adjoint au directeur des ressources humaines et des moyens de l’institution. Nous souhaitons aussi fidéliser nos salariés, et leur offrons des perspectives d’évolution variées au sein de la Banque de France ou à l’international, au sein de la BCE (Banque centrale européenne) à Francfort, au Conseil de résolution unique à Bruxelles, ou dans de nombreux autres organismes. »
Les plus jeunes profils, à l’instar de Pauline Chadenet, 32 ans, avocate, sont clairement attirés par cette possibilité de partir à l’étranger. Mais pas seulement : « J’ai commencé à exercer dans un cabinet d’affaires américain sur des conseils de gouvernance, des introductions en Bourse, des offres publiques d’échange. J’appréciais beaucoup l’aspect international de mon travail mais je cherchais aussi plus de sens », se souvient-elle. L’AMF répondait à ces deux aspirations. Cette diplômée d’Assas, d’Oxford et de HEC devient donc chargée de mission au sein de la direction de régulation et des affaires internationales, spécialisée dans les sociétés cotées. « J’aime, en amont, le fait de devoir être à l’écoute de la place pour identifier les problématiques, formuler des propositions de régulation adaptées et les défendre, commente Pauline Chadenet. Et j’apprécie aussi, en aval, d’être force de proposition – et de négociation ! – sur les mesures d’application à mettre en œuvre concernant les directives et règlements européens. » Elle travaille sur des dossiers d’actualité comme les règlements PME (à venir), prospectus (voté en 2017, en vigueur en 2019) et financement participatif. « Mon métier est unique », se réjouit-elle.
A l’ACPR, l’avantage des concours est aussi de mener de jeunes recrues qui se prédestinaient à la fonction publique dans le secteur de la finance, telle Marion Aubert, 27 ans : « Après mes études à Sciences Po Paris, je cherchais à allier le sens du service public avec mon intérêt pour les sujets économiques et financiers. Je pensais au Trésor, à Bercy ou à la Banque de France. » Elle a finalement passé le concours de la BdF et a rejoint l’une des directions du contrôle bancaire de l’ACPR. Contrôleur sur pièce, elle travaille notamment sur les sujets ayant trait à la gouvernance et à la solvabilité d’établissement bancaire dans le cadre du mécanisme de surveillance unique (MSU). « Au départ, c’était vraiment technique, mais je suis très satisfaite de ce choix, poursuit-elle. Aujourd’hui, j’ai beaucoup d’autonomie dans le cadre de mes fonctions et bénéficie d’un parcours enrichi par une mission sur place et des travaux sur des thématiques transversales telles que la finance verte et des sujets de compétence nationale dont la lutte contre le blanchiment » Après cette expérience de trois ans au sein d’une Joint Supervisory Team*, elle envisage, par la suite, de rejoindre la BCE. Mais l’institution étant aujourd’hui dans un rythme de croisière, les places sont chères...
* La BCE s’appuie pour la supervision des établissements « importants » sur les compétences des autorités nationales à travers les Joint Supervisory Teams ou équipes de surveillance conjointes.
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Le Royaume-Uni déroule le tapis rouge pour la visite d’Etat de Donald Trump
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Budget 2026 : Sébastien Lecornu consulte l’opposition avant une journée sociale sous tension
Paris - Sébastien Lecornu reçoit mercredi ses opposants politiques, à la veille d’une journée importante de mobilisation sociale, sans grande marge de manœuvre pour discuter, au vu des lignes rouges qu’ils posent et des menaces de censure. Tous les dirigeants de gauche - à l’exception de La France insoumise qui a refusé l’invitation - ainsi que ceux du Rassemblement national vont défiler dans le bureau du nouveau Premier ministre, à commencer par les socialistes à 09H30. Sébastien Lecornu a déjà échangé la semaine dernière avec les responsables du «socle commun» de la droite et du centre, ainsi que les syndicats et le patronat. «Le premier qui doit bouger, c’est le gouvernement», a estimé pour sa part le président du groupe des députés Liot Laurent Panifous, reçu mardi, ajoutant que «le sujet des retraites ne peut pas être renvoyé uniquement à 2027". François Bayrou avait obtenu la mansuétude du PS sur le budget 2025 en ouvrant un «conclave» sur la réforme des retraites, qui s’est soldé par un échec. Puis il a présenté à la mi-juillet un sévère plan de redressement des finances publiques qui a fait hurler toutes les oppositions. Mercredi, «ça va être un round d’observation. La veille des grosses manifs, on sera dur, exigeant. Ce qui se joue ce n’est pas au premier chef un sujet budgétaire», mais un «sujet démocratique» car ce sont les «battus qui gouvernent», anticipe un responsable socialiste. Gestes Ces entretiens ont lieu sous la pression de la rue, alors qu’une mobilisation massive est attendue jeudi, de l’ordre de celles contre la réforme des retraites en 2023. Les syndicats contestent notamment les mesures budgétaires «brutales» de François Bayrou. Avant d’entamer les discussions, Sébastien Lecornu a fait plusieurs gestes en direction de la gauche et de l’opinion: retrait de la proposition impopulaire de supprimer deux jours fériés, et promesse de ne pas rouvrir le conclave sur les retraites. Il a aussi consacré son premier déplacement samedi à l’accès aux soins, avant d’annoncer la suppression très symbolique, dès l’an prochain, des avantages restants octroyés aux ex-Premiers ministres. Les socialistes ont eux posé leurs conditions dès dimanche face aux offres appuyées de dialogue du Premier ministre. Ils considèrent que le plan Bayrou «ne doit pas servir de base de discussion», alors que Sébastien Lecornu a l’intention d’en faire un point de départ, puis de mettre les parlementaires devant leur responsabilité pour l’amender. «Rupture» Mercredi, les socialistes viendront avec en main un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS. Parmi elles, la création d’une taxe de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros - la fameuse taxe Zucman, qui enflamme ce débat budgétaire - à laquelle 86% des sondés sont favorables, dont 92% des sympathisants Renaissance et 89% des sympathisants LR. Le Premier ministre a cependant déjà fermé la porte à cette taxe, tout en reconnaissant que se posaient «des questions de justice fiscale». La taxe Zucman, «c’est une connerie, mais ils vont la faire quand même parce que ça permet d’obtenir un accord de non-censure» avec la gauche, a de son côté prédit mardi Marine Le Pen, sans pour autant fermer la porte à une mise à contribution des plus fortunés. «Si la rupture consiste à un retour aux sources socialistes du macronisme, c’est contraire à l’aspiration majoritaire du pays», a également mis en garde la cheffe des députés RN, attendue à 16H00 à Matignon avec Jordan Bardella. Un avertissement auquel le patron des députés LR Laurent Wauquiez a fait écho mardi en dénonçant «la pression du PS», craignant qu’il «n’y ait plus rien sur l’immigration, la sécurité ou l’assistanat» dans le budget. Autre point au cœur des discussions, le niveau de freinage des dépenses. La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a appelé dimanche à chercher un accord autour «de 35 à 36 milliards» d’euros d'économies, soit moins que les 44 milliards initialement prévus par François Bayrou, mais plus que les 21,7 milliards du PS. «Les socialistes donnent l’air d'être déterminés et de poser des conditions mais c’est un moyen de rentrer dans les négociations», estime Manuel Bompard, coordinateur de LFI, grinçant sur la politique des «petits pas» du PS, au détriment des «grands soirs». Anne RENAUT © Agence France-Presse