
Les conditions de souscription en réassurance se tendent
Dans le contexte de pandémie, c’est une édition particulière des Rendez-Vous de la Réassurance de septembre qui se déroule, cette année, loin de Monaco. « Il s’agit de l’un des événements les plus importants du secteur, où foisonnent débats d’idées, rencontres, négociations. Sa réalisation en mode Covid, sous format réduit et exclusivement virtuel, rend les choses moins fluides », introduit Michaël Donio, associé chez Sia Partners France. Pourtant, les échanges sont aujourd’hui d’autant plus importants que le secteur fait face à une période inédite, combinant crise sanitaire, crise économique et accroissement des risques climatiques. En outre, alors que l’assurance et la réassurance reposent sur la mutualisation des risques par nature ou par zone géographique, « le Covid-19, qui touche l’ensemble des continents, met à mal ce principe », ajoute Michaël Donio.
Le secteur s’attend dans ce contexte à un durcissement des tarifs lors du renouvellement des traités de réassurance. Selon un sondage réalisé par Moody’s, plus de 90 % des assureurs misent sur ce scénario en 2021 (contre moins de 50 % un an plus tôt), la hausse étant estimée à plus de 5 % pour 80 % du panel. « La pandémie de Covid-19 et la faiblesse des taux d’intérêt (qui pèse sur la rentabilité, NDLR) devraient agir comme des catalyseurs », estime le réassureur Scor. Pour répondre durablement aux besoins croissants de protection en assurance, « des hausses tarifaires additionnelles à travers l’ensemble des lignes d’activité sont clairement nécessaires », appuie Moses Ojeisekhoba, CEO réassurance chez Swiss Re. « La tendance tarifaire est à la hausse. Mais sera-t-elle généralisée ou concentrée, comme ces dernières années, sur les régions et activités touchées par une sinistralité plus importante ? Il est encore trop tôt pour le dire », s’interroge Marc-Philippe Juilliard, directeur chez S&P Global Ratings, citant, parmi les lignes les plus affectées aujourd’hui, les annulations d’événements, les crédits hypothécaires et les suspensions d’activité.
Discipline
Dès lors, « il y a un bras de fer entre assureurs et réassureurs pour savoir qui va être le plus exposé et à quel prix. Si les réassureurs n’arrivent pas à augmenter leurs prix, ils prennent des risques significatifs au niveau de leurs marges et de leur solvabilité », prévient Michaël Donio. Moody’s a ainsi dégradé ce mois-ci la perspective de la réassurance de stable à négative en raison d’un affaiblissement de la rentabilité. S&P, qui affiche une perspective similaire sur le secteur depuis mai, anticipe pour les vingt plus grands réassureurs mondiaux un rendement sur capitaux (RoE) compris entre 0 et 3 % cette année (contre 9,2 % en 2019) et un ratio combiné se dégradant de 101 % à 103-108 %.
Pour faire face à cette situation, les réassureurs devraient également se montrer plus sélectifs en réduisant le périmètre des risques qu’ils réassurent. « Ainsi, la recherche de couverture adéquate pourrait devenir plus difficile pour un assureur, notamment sur les risques de pointe », projette Michaël Donio. Ces risques, très peu fréquents mais dont les dommages sont potentiellement colossaux, sont par exemple les risques climatiques et les couvertures de perte d’exploitation ou de prévoyance en cas de pandémie.
Les réassureurs sont par ailleurs appelés à renforcer encore davantage leur discipline en matière de souscription. Face à la situation inédite du Covid-19 et aux conséquences judiciaires qu’ont connues plusieurs assureurs tels qu’Axa sur certains contrats, qui les ont engagés à couvrir des pertes d’exploitation de clients, y compris dans un contexte de pandémie, « les assureurs et réassureurs risquent d’être beaucoup plus vigilants cette année. Cela se matérialisera dans la rédaction de leur contrat, avec l’apport des précisions nécessaires au niveau des exclusions », prévoit Michaël Donio. « Les fondamentaux tels que le coût et la sélection des risques, le pilotage du portefeuille, et les libellés des contrats seront essentiels dans les futures souscriptions », confirme Swiss Re.

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