Les chantiers réglementaires des banques restent entiers

L’industrie attend l’avis des ministres de l’Union européenne sur la transposition finale de Bâle 3.
Fabrice Anselmi

L’Union européenne (UE) prend son temps pour boucler la réglementation internationale Bâle 3, souvent appelée Bâle 4, et décidée en décembre 2017. Profitant du report, en mars 2020 par le Comité de Bâle, de la date limite de mise en application de 2022 à 2023, la Commission européenne a formulé sa proposition (CRD6-CRR3) en octobre 2021, pour un accord entre les 27 Etats attendu cet été avant la fin du trilogue avec le Parlement cet automne.

D’autres juridictions prennent aussi leur temps : le Royaume-Uni, qui lance des consultations sectorielles pour une application en 2025, et les Etats-Unis sur la partie risques de marché que l’UE a intégrée dès 2021 avec FRTB.

«La Commission européenne avait engagé un certain nombre de discussions préalables avec l’industrie, et a prévu de nombreuses mesures transitoires pour en tenir compte. La mesure transitoire pour le plancher de production (‘output floor’), introduite sur les expositions mesurées en notations internes, qui passera d’ici à 2029 de 50% à 72,5% de la pondération standard des actifs risqués (RWA), est pénalisante pour les expositions non notées (facteur de 100%). Un mécanisme temporaire permettra de considérer une pondération plus favorable (65%) pour les expositions de bonne qualité selon l’analyse interne, le temps que des notations de crédit externes deviennent disponibles», rappelle Thomas Verdin, directeur associé du pôle Banques chez BM&A. D’autres adaptations sont prévues, notamment pour les financements intragroupes, la pondération du risque particulière pour les PME ou le crédit immobilier, si bien que la multiplication des dérogations, à développer de façon temporaire, pourrait devenir source de difficultés.

Quelle qualité des données ?

La Commission a ajouté dans ses textes des contraintes liées aux réglementations ESG européennes, souvent au-delà de ce que le Comité de Bâle a simplement suggéré mi-juin. «Pour les banques, qui sont en phase de préparation, la difficulté reste de mettre tout cela en musique : en optimisant leur capital et en adaptant leurs produits tant aux contraintes prudentielles qu’aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), et à la remontée des taux simultanée, poursuit Thomas Verdin. Le système d’information finance-risque est au cœur de la question et pose le problème de la granularité des données, au moment où les régulateurs parlent de reporting intégré. Heureusement, les deux autorités de supersivion, dont on pouvait craindre qu’elles ne se coordonnent pas, font converger leurs projets de reporting intégré [Iref pour la Banque centrale européenne ; IRS pour l’Autorité bancaire européenne, EBA], dans l’esprit comme en termes de technologies, projets et définitions.»

Pour rappel, l’idée est de cibler des reportings détaillés jusqu’au niveau du contrat, donc beaucoup plus fins que les reportings agrégés Corep et Finrep utilisés aujourd’hui, pour alimenter tant les bases statistiques que les données de suivi prudentiel. «Cela implique un ‘dictionnaire’ , comme avec Anacredit sur les prêts, mais étendu à tout le bilan : les titres, les dépôts, les devises, etc. Après, les calculs spécifiques de séries statistiques et d’exigences de fonds propres ou autres ratios s’appliqueront à un même jeu de données», ajoute le consultant spécialisé. Il existe depuis longtemps un tel modèle de données standard pour la supervision comptable et les statistiques monétaires (Bafi-Surfi-Ruba), mais pas encore pour les aspects prudentiels malgré l’entrée en vigueur depuis 2016 de la norme bâloise BCBS239 sur les principes d’agrégation des données sur les risques.

«Les banques ont commencé à intégrer toutes les données finance-risque selon cette norme, mais elles doivent anticiper l’ajout d’informations nécessaires aux pondérations CRD6, en transitoire et en cible, et vont rapidement être confrontées au même problème concernant les données extra-financières. D’autant que le ‘green asset ratio’ [GAR] prévu par l’UE reste assez binaire : les actifs financés sont soit verts, soit bruns. L’effet induit sur les fonds propres, alors que la Commission européenne souhaite mandater l’EBA pour lier l’ESG aux exigences prudentielles, aurait un impact crucial sur les activités. Tout cela peut faire peur si on ne prépare pas les données et indicateurs pour naviguer parmi ces exigences», conclut Thomas Verdin.

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