
Les Bourses européennes sont vent debout contre la réforme des données post-marché
La Fédération européenne des bourses (FESE) a réagi durement au rapport du cabinet Market Structure Partners (MSP) qui avait rendu, début octobre, sa proposition à la Commission européenne (CE) pour la création d’une base consolidée d’enregistrement pour les données de marché post-trade («consolidated tape», CT) dans le cadre de la révision de MIF 2. «L'étude du MSP est imparfaite. Elle brosse un tableau incroyablement sombre des marchés financiers européens, ne reconnaît pas suffisamment le lien entre des données de haute qualité et l’objectif de politique de règles garantissant une structure de marché fonctionnelle, transparente, stable, juste et compétitive, et ne démontre pas un modèle de rentabilisation valable pour la CT proposée», indique un communiqué publié mercredi.
La réglementation MIF 2 entrée en vigueur en 2018 prévoit que les Bourses et plates-formes de négociation (TV) - ou un intermédiaire agréé (APA) pour les opérations de gré à gré - doivent publier gratuitement,15 minutes après l’exécution, les données sur les transactions auprès des brokers, des fournisseurs de données et d’éventuels fournisseurs de CT (CTP). L’objectif : permettre à l’investisseur final d’évaluer la «best execution» promise par ses intermédiaires et plus largement la liquidité. Le législateur comptait sur l’émergence de CTP privés, pourtant impossible. Après avoir listé des réformes nécessaires, MSP a donc proposé la création d’une base publique (comme prévu par MIF 2) gérée par un CTP privé (mais sans but lucratif) exclusif et permanent, agréé pour établir et appliquer des normes de fonctionnement et d’harmonisation des données. Les 450 TV/APA seraient obligatoirement à la fois membres-payeurs, pour en financer le fonctionnement et la technologie, membres-contributeurs, pour lui envoyer leurs données en temps réel, avec un mécanisme de partage des revenus issus de la vente avant le delai de 15 minutes.
Transparence…
Les Bourses reprochent au cabinet de ne pas regarder d’assez près la faible qualité des données fournies par les acteurs OTC (les banques/entreprises d’investissement, EI). Elles relancent le débat ancien et jamais résolu sur la normalisation des données (le flagging). MSP négligerait aussi leur travail de minimisation du coût des données face à la concurrence, «moins de 0,5% des dépenses côté buy-side, et 10% des dépenses en données côté sell-side». Sur le premier point, «une action urgente est requise de la part des décideurs pour s’assurer que la législation est appliquée» dans la logique recherchée d’une véritable Union des marchés de capitaux (CMU), rappelle la FESE en dénonçant à nouveau les problèmes de transparence. Elle estime qu’une approche «au coup par coup» - sans revoir la structure du marché - ne ferait qu’augmenter la complexité et profiter aux grandes EI, et qu’il vaut mieux se concentrer sur une base consolidée post-trade couvrant 100% des transactions, plus facile et moins coûteuse, que sur une approche «temps réel» ne tenant pas compte des différences de latence entre les centres financiers.
… et coût des données
«Les intérêts opposés d’une poignée d’intermédiaires puissants répartis en deux groupes - actuellement les seuls à profiter de l’absence de base consolidée et de l’asymétrie autour des données et dont aucun n’a plus le fondement moral pour émettre un avis - ne devraient pas dominer ce débat», répond Niki Beattie, la directrice générale de MSP.
La réglementation MIF 1, voulue par les banques parce que les Bourses traditionnelles avaient des situations nationales de monopoles privés, a instauré la concurrence entre les marchés d’actions dès 2007. Les banques ont saisi l’opportunité de cette fragmentation pour recréer le «pont» entre les marchés via des solutions technologiques à haute fréquence (HFT) et/ou des plates-formes non transparentes (dark pools). Mais elles ont pour cela besoin des données, que les Bourses historiques leur vendent de plus en plus cher pour compenser leur perte de parts de marché, dans le cadre d’une situation devenue inextricable, aux dépens des investisseurs et des émetteurs.
«Il est dans l’intérêt de la FESE de corriger le problème qui permettrait d’acheminer les flux vers les marchés transparents et d’améliorer la formation des prix. Mais si le problème du coût n’est pas résolu, alors ce flux ne sera acheminé que vers les marchés primaires, et non vers l’ensemble des plates-formes pouvant offrir le meilleur prix ou la meilleure liquidité, car les investisseurs n’auront pas tous les moyens de rassembler l’ensemble des données, ce qui nuira à des marchés équitables, transparents et compétitifs», conclut Niki Beattie.
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