
Les banques mutualistes françaises remettent leur gouvernance en chantier
La gouvernance est de nouveau le sujet brûlant des banques mutualistes en France. Le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel ont tous deux engagé le renouvellement partiel de leurs instances dirigeantes, et la refonte de leur organe central. BPCE est à l’écart de ces réflexions, mais son président François Pérol reste sous la menace de la justice, en raison des conditions de sa nomination à la tête du groupe.
Au Crédit Mutuel, Michel Lucas abandonne à 75 ans une partie de ses fonctions, comme il l’avait annoncé en interne en juillet. Sa démission des mandats de président de la Caisse fédérale de Crédit Mutuel (CFCM) et de PDG du CIC et de la Banque fédérative (BFCM), bras armé du groupe sur les marchés, a été officialisée vendredi. Mais Michel Lucas, patron tout-puissant de la banque la plus solide de France selon les tests de résistance de la BCE, n’abdique pas. C’est lui qui a proposé ses successeurs, Nicolas Théry et Alain Fradin, comme président et directeur général des trois entités concernées. Et il reste président de la Confédération nationale, l’organe central du Crédit Mutuel, et de la plus importante fédération, celle de Centre-Est Europe à Strasbourg.
Une réforme plus profonde de la gouvernance du groupe est cependant à l’œuvre. En octobre, le Crédit Mutuel Arkéa, qui coiffe trois fédérations dont Brest, a menacé de faire sécession. Il dénonce la mise sous coupe réglée de la Confédération nationale par Strasbourg, avec qui les relations sont notoirement tendues. Arkéa a saisi l’Autorité de la concurrence et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour réclamer la création de deux têtes de réseaux, ce qui constituerait de fait une prise d’indépendance. La BCE, devenue superviseur du groupe début novembre, aura aussi son mot à dire.
De sources bien informées, le superviseur français aurait déjà émis les plus vives réserves. «Cela n’a pas de sens, le Crédit Mutuel Arkéa est trop petit pour être indépendant, et la marque Crédit Mutuel appartient à la Confédération nationale», confirme un observateur. En revanche, indiquent plusieurs sources, le groupe a lancé des travaux sur l’évolution de l’organe central. «Il faut moderniser les statuts, pour le rendre plus indépendant, notamment en faisant rentrer des administrateurs indépendants, et plus puissant. Cela se fera», assure un proche du dossier.
La Confédération nationale pèse peu comparée à Crédit Agricole SA et BPCE SA. Elle joue un rôle marginal dans les flux financiers du groupe, qui s’est construit à partir des deux grands pôles de Brest et Strasbourg. Banque de l’organe central, la Caisse centrale a délégué depuis 2005 ses activités de marché à la BFCM, qui se charge des activités de prêt/emprunt avec les fédérations du groupe. La constitution du CM11-CIC autour de Strasbourg, rassemblant 11 fédérations sur 18, a ainsi marginalisé un peu plus les structures nationales.
Rien à voir, donc, avec l’histoire d’un BPCE créé en 2009: imposé par la crise, le mariage des Banques Populaires et des Caisses d’Epargne a été l’occasion de renforcer les pouvoirs de la tête de réseau. Le Crédit Agricole, lui, s’est bâti dans l’opposition entre un organe central fort, longtemps sous tutelle publique – la CNCA, privatisée en 1988 puis cotée en 2001 pour devenir CASA – et une Fédération qui sert de «parlement» des caisses régionales.
Au Crédit Agricole, le projet ROC, pour réorganisation de l’organe central, doit d’ailleurs remédier à cette structure bicéphale. Relancé en septembre 2013, ce chantier vise à transférer ces fonctions de CASA vers la SAS La Boétie, qui porte la participation de 56% des caisses dans le véhicule coté. Ses promoteurs espèrent ainsi présenter à l’extérieur le visage d’un vrai groupe, avec un point d’entrée unique pour les superviseurs, et des fonctions intégrées (finance, informatique, RH…). La banque verte se rapprocherait donc du modèle BPCE/Natixis, mais avec un véhicule coté beaucoup plus gros et diversifié, qui conserverait son exposition de 25% au résultat des caisses régionales. Là aussi, la question d’une présence d’administrateurs indépendants dans le futur organe central, comme aujourd’hui chez CASA, se poserait.
Reste que le groupe est aujourd’hui confronté à un «traumatisme», selon le mot d’un dirigeant: Jean-Marie Sander, président de CASA, a été évincé le 4 décembre de ses mandats à la Fédération. Et l’organisation de la succession de Jean-Paul Chifflet, DG de CASA, a pris le pas sur le projet ROC. La SAS La Boétie doit transmettre cette semaine au comité des nominations du véhicule coté les critères de sélection des candidats.
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Castel Boglione - De bonnes vendanges se terminent et les feuilles commencent à jaunir autour d’Asti, dans le nord de l’Italie, mais cette année des raisins resteront dans les rangs: les vignerons ont décidé de produire moins face à la baisse des ventes en Russie et en Amérique. Après deux années compliquées, l’Italie devrait se classer cette année premier producteur mondial de vin, devant la France, selon les estimations publiées début septembre par les vignerons. Mais «c’est une médaille en chocolat», regrette le secrétaire général de l’Union italienne des vins, Paolo Castelletti. «La consommation de vin baisse, surtout sur notre principal marché à l’export, aux Etats-Unis. Les baby boomers, en vieillissant, réduisent leur consommation». Sans compter les droits de douane américains, qui rendent les exportations moins profitables et pourrait porter les vins italiens au-dessus de la «barre psychologique» de 20 dollars la bouteille, selon M. Castelletti. Les vins d’Asti sont aussi particulièrement appréciés en Russie, mais la demande a baissé depuis le début de la guerre contre l’Ukraine. Quelque 17 millions de bouteilles s’y étaient encore écoulées en 2023, puis 12 en 2024, et l’objectif pour 2025 est de surnager à 10 millions. Au total, la demande à l’export pour les vins italiens a ralenti de 4% sur les cinq premiers mois de 2025. Il s’agit alors de miser toujours plus sur la qualité plutôt que sur la quantité, selon M. Castelletti. Mais alors que certains vignobles en France ont décidé d’arracher des vignes, et que la Commission européenne pousse dans ce sens, l’Union italienne des vins milite plutôt pour une production qui s’adapte aux fluctuations du marché, «en accordéon». Vins légers Autour d’Asti (Piémont, nord), les vignerons ont ainsi décidé de produire moins de vin pétillant cette année, passant de 10 à 9 tonnes de muscat blanc par hectare de vigne. Dans son domaine entouré de vignes à perte de vue, la Ca’ dei Mandorli (la maison des amandiers), Stefano Ricagno analyse ses premiers jus avec un oenologue français. Au-dessus de la cave, sous un soleil de plomb, des vendangeurs indiens donnent les derniers coups de sécateur dans les vignes. Les vendanges ne se sont jamais terminées aussi tôt, remarque le viticulteur en baskets blanches: «on pensait produire beaucoup, mais il a fait très chaud. La récolte du muscat est presque en ligne avec nos objectifs (abaissés)». Héritier de six générations de vignerons, Stefano Ricagno, 46 ans, préside l’appellation d’origine contrôlée «Asti», qui couvre près de 10.000 hectares de collines inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco. Asti s’est fait un nom avec des mousseux dorés à faible teneur en alcool, généralement autour de 7% pour l’"Asti» et de 5% pour le «Moscato», dont la quasi-totalité de la production est vendue aux Etats-Unis. Les ventes de l’AOC «Asti», de 100 millions de bouteilles en 2023 et 90 en 2024, devraient tomber à 85 millions en 2025, et les vignerons voient augmenter leurs stocks. «On verra en 2026 si les guerres se terminent, et que les marchés se reprennent», lance Stefano Ricagno. D’autres appellations italiennes comme la Valpolicella en Vénétie ont aussi réduit les volumes cette année face à ce marché incertain. - Artisanaux - D’autres vignerons ne veulent pas entendre parler de ces quotas et appellations. A quelques kilomètres d’Asti, à Nizza Monferrato, Francesco Pozzobon, 35 ans, a repris des vignes abandonnées et les laisse vivre sans produits phytosanitaires, semant entre les rangs des trèfles et des fèves. «On a trop produit et mal produit», regrette le jeune viticulteur. «Avec la baisse de la demande, il y aura un écrémage naturel». Et si le rendement de sa Tenuta Foresto est bien plus irrégulier et faible que celui de ses voisins, à 3 tonnes de l’hectare, il vend cher et jusqu’en Chine ses vins «artisanaux». Pour rebondir, l’appellation Asti veut que ses bulles conquièrent l’apéritif, alors qu’elles sont cantonnées au dessert en Italie, en surfant sur le nouveau goût des clients pour des vins moins forts en alcool, souligne Stefano Ricagno. Taimaz SZIRNIKS © Agence France-Presse