Les banques françaises redoublent de prudence pour 2023

La diversification des banques françaises a soutenu leurs résultats en 2022. La hausse des provisions traduit toutefois leur vigilance à l’heure des incertitudes macroéconomiques.
Aurélie Abadie
Banques, banque
Les banques françaises universelles affichent de belles performances.  -  AdobeStock

De bons résultats, voire des résultats records. Au terme d’une année marquée par la guerre en Ukraine et une inflation sans précédent depuis plus de trente ans, les banques françaises ont démontré leur résilience. Tirant parti de sa diversification et des bonnes performances de sa banque de financement et d’investissement, BNP Paribas tire une fois de plus son épingle du jeuavec un bénéfice net de plus 10 milliards d’euros en 2022.

Les autres banques universelles affichent de belles performances. Si on exclut sa perte liée à sa coûteuse sortie de Russie, la Société Générale a publié un résultat sous-jacent record de 5,62 milliards d’euros en 2022. Même chose pour Crédit Agricole SA, la structure cotée du groupe mutualiste, qui, avec 5,44 milliards d’euros, engrange son meilleur bénéfice depuis 2016. Pénalisé notamment par la hausse du coût du refinancement au passif ainsi que par un ajustement des taux plus lent à l’actif, BPCE s’en sort avec un résultat stable à 4 milliards d’euros pour l’année. L’augmentation du taux du Livret A a grevé les revenus du groupe mutualiste de 700 millions d’euros en 2022 et devrait lui coûter 1,3 milliard d’euros en 2023.

Outre le coût de cette épargne réglementée, le modèle de crédit à taux fixe et la réglementation sur le taux d’usure, qui bride l’ajustement des taux sur les crédits, continuent de peser sur les marges nettes d’intérêt des banques hexagonales. Hormis BNP Paribas qui relève ses objectifs pour 2025, tablant sur une croissance du résultat net de 9% sur la période, elles ne promettent donc pas d’étincelles pour les années à venir. La Société Générale maintient ses objectifs financiers pour 2025 annoncés au printemps dernier, notamment un retour sur fonds propres (RoE) de 10%. « Nous avons mis en place des couvertures pour protéger nos marges qui arrivent à échéance en 2024 et en 2025. Elles nous priveront en 2023 d’une partie importante du bénéfice de la hausse des taux, mais nous pourrons pleinement en bénéficier dès 2024 », explique la directrice financière du groupe Claire Dumas.

La diversification pour dynamiser les revenus

La banque de La Défense prévoit de dégager des revenus en croissance de plus de 3% par an en moyenne sur la période 2021-2025. Pour cela, elle allouera davantage de capital aux activités les plus profitables, c’est-à-dire sa banque en ligne Boursorama et sa filiale de leasing ALD Automotive, qui doit se marier avec Leaseplan.

Le Crédit Agricole va lui aussi miser sur les nouveaux métiers : la location longue durée automobile, dans laquelle il compte s’imposer comme un « leader européen » grâce à son partenariat avec Stellantis, les services aux investisseurs (asset servicing) suite au rachat des activités de RBC en Europe, et l’assurance non-vie en Italie où il a conclu un partenariat stratégique avec Banco BPM. Ces nouveaux métiers devraient permettre à CASA de dégager 150 millions d’euros de résultat net supplémentaire d’ici à 2026. Son directeur général Philippe Brassac assume, en revanche, tirer un bénéfice limité de la remontée des taux. « La hausse des taux ne sera pas un ‘game changer’ pour le Crédit Agricole. Certaines banques réajustent leurs prix et anticipent un impact sur le produit net bancaire (PNB), mais elles n’ont pas de visibilité sur le coût du risque», souligne-t-il.

Hausse des provisions sur encours sains

Le coût du risque reste dans l’ensemble limité – en deçà de 30 points de base en 2022 -, et les banques françaises ne constatent pas de dégradation de la qualité de leurs actifs, tant pour les particuliers que pour les entreprises. Bien que le spectre d’une récession en zone euro semble s’éloigner, elles abordent 2023 avec prudence en continuant de mettre en réserve. Crédit Agricole SA a passé 180 millions d’euros de provisions supplémentaires sur encours sains (stages 1 et 2) en 2022, ce qui explique en partie la baisse de 7% de son résultat net publié. Au total, CASA est assis sur un stock de 9,3 milliards d’euros. BPCE a adopté la même « politique prudente » en doublant sa dotation aux provisions sur encours sains. Son coût du risque s’élève à 2 milliards d’euros sur l’année, soit 24 pb. La Société Générale a, quant à elle, passé 1,6 milliard d’euros de provisions en 2022 (28 pb) et s’attend pour l’année à venir à une remontée du coût du risque, entre 30 et 35 pb.

La prudence se traduit également dans les trajectoires de capital, ce qui n’est pas pour déplaire à la Banque centrale européenne (BCE) qui n’a eu de cesse d’inciter les banques à se montrer plus conservatrices dans leurs scénarios en ces temps d’incertitudes. La Société Générale a ainsi choisi de renforcer son ratio de capital CET 1 plutôt que de retourner davantage à ses actionnaires. Son programme de rachat d’actions de 400 millions d’euros fait ainsi pâle figure à côté de ses homologues européennes, et notamment de BNP Paribas dont les 5 milliards d’euros annoncés doivent compenser la dilution du résultat causée par la cession de Bank of the West.

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