
Les assureurs plébiscitent les dettes subordonnées
Pression sur les fonds euro offrant un capital garanti, accroissement des provisions en épargne retraite... : l’environnement de taux bas pèse sur la solvabilité des assureurs, qui multiplient les initiatives pour rehausser leurs fonds propres à moindre coût. « 2019 apparaît comme un exercice record en termes d’émissions assurantielles en Europe, avec une montée en puissance des dettes subordonnées, qui constituent un outil privilégié pour répondre aux contraintes de Solvabilité 2 », commente Manuel Arrivé, analyste assurance France chez Fitch Ratings, estimant que cette tendance est appelée à se poursuivre. Selon Dealogic, les dettes subordonnées émises par les assureurs dépassent les 21 milliards de dollars (18,9 milliards d’euros) en 2019, soit 78 % des émissions réalisées par le secteur, contre 17,4 milliards de dollars en 2018 (55 %).
Si les émissions Tier 2, moins risquées et donc moins chères pour l’assureur, restent prédominantes, celles dites de « restricted tier one » (RT1), titres hybrides supersubordonnés à durée indéterminée, prennent une part croissante. « Les assureurs profitent de conditions de marché attractives et se gardent la possibilité d’émettre plus tard du Tier 2, voire du Tier 3, cette dernière catégorie (davantage senior et donc moins onéreuse, NDLR) représentant une porte de secours en cas de retournement des marchés », explique Arnaud Mezrahi, co-responsable conseil et structuration de dette pour les activités primaires chez Société Générale Corporate & Investment Banking. « Les assureurs se montrent opportunistes, profitant de fenêtres de tirs favorables sur le marché du crédit », appuie Manuel Arrivé. Actuellement, « l’assureur privilégiera le Tier 1, fonds propres pouvant être émis avec un ‘step up’ (‘spread’ supplémentaire payé par l’émetteur au-delà d’une date donnée qui va motiver le rachat de la dette à cette date, NDLR), à 10-15 ans, plutôt que du Tier 2, risquant de devoir être remboursé à plus courte échéance », enchaîne Julien Chartier, partner actuarial & financial services chez Optimind.
La multiplication des émissions RT1 devrait se poursuivre. « De nombreux instruments comptabilisés en RT1 émis sous Solvabilité 1 ne seront plus comptabilisés comme du capital à compter de 2026 et devront probablement être refinancés », prévoit Arnaud Mezrahi. Ces émissions, plus rémunératrices, se révèlent par ailleurs bien accueillies par les investisseurs, en quête de rendement dans cet environnement de taux bas.
Chaque assureur agit toutefois en fonction de la répartition de ses fonds propres éligibles au capital requis (SCR) sous Solvabilité 2. La dette RT1 ne peut, par exemple, pas représenter plus de 20 % du Tier 1 total, contre un plafond de 50 % du SCR pour le Tier 2 (voir graphique). Selon une étude réalisée par Optimind, le SCR des assureurs-vie français était composé en 2018 de 5,6 % de dette RT1 (soit 6,4 % du Tier 1 global), 11,3 % de Tier 2 et 1,1 % de Tier 3.
Innovations
Si le marché de la dette subordonnée se révèle relativement standardisé, certaines innovations émergent dans le sillage d’évolutions réglementaires, à l’image des émissions réalisées par Scor (625 millions de dollars émis en 2018, récemment abondés de 125 millions de dollars) et CNP Assurances (500 millions d’euros). « Elles ont été assorties d’une clause permettant de réduire temporairement le nominal de l’instrument. L’objectif est ici pour l’assureur d’améliorer sa marge de Solvabilité 2 sur une période donnée, en cas de coup dur, sans faire appel au mécanisme de conversion qui était jusqu’alors utilisé », commente Arnaud Mezrahi.
Parallèlement, la thématique ISR se développe. « Des émissions subordonnées ‘green’ émergent, couplant une logique de renforcement du capital des assureurs à une volonté d’accroître leurs engagements verts, très plébiscités par les investisseurs », observe Federico Faccio, analyste assurance Europe chez Fitch. Si Generali et CNP Assurances ont ouvert la voie, avec des émissions respectives de 750 millions d’euros l’an passé, « plusieurs projets sont en cours chez d’autres acteurs », précise Arnaud Mezrahi.

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