Le secteur bancaire, victime collatérale de la baisse générale des marchés

Les banques plongent en Bourse depuis l’annonce de Donald Trump sur les taxes douanières. Les fondamentaux restent bons, mais les actionnaires veulent sécuriser leurs gains. A long terme, le secteur paraît pourtant solide.
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L'action Société Générale, par exemple, l'une des banques les plus sensibles à l'aversion pour le risque, perd 17% en trois séances, mais gagne encore 23% depuis le 1er janvier.  -  RK

C’est un mélange de bonnes et de mauvaises raisons. Depuis que Donald Trump a annoncé la hausse des taxes douanières américaines, le secteur bancaire européen a perdu plus de 15% en Bourse. Ce repli peut paraître logique, tant les déclarations américaines ont jeté un froid sur le commerce mondial. Certains analystes estiment cependant que la baisse relève pour partie d’une prise de bénéfices, après la très bonne performance du secteur depuis le début de l’année.

Deux moteurs de performance attaqués

Les résultats des banques sont traditionnellement sensibles à deux variables : la croissance (le PIB) et le niveau des taux d’intérêt. Or, «les droits de douane, aussi calculés et négociables soient-ils, constituent un choc négatif sur la croissance du PIB pour tous les marchés, ce qui, toutes choses égales par ailleurs, se traduit par une baisse des taux à court terme», expliquent les analystes d’UBS. Moins de croissance signifie moins de revenus pour la banque, et davantage de risques de crédit accordés à ses entreprises clientes. Des taux plus bas, de leur côté, rognent les marges d’intérêts, c’est à dire le gain des banques issus de la différence entre le taux des prêts qu’elles accordent et le coût de leur financement. «Au niveau sectoriel, une baisse de 50 points de base des taux représente 4% des bénéfices et une hausse de 20% des pertes sur prêts - à vie - représente 10%», explique UBS.

Les ventes sur les marchés apparaissent donc justifiées pour les banques les plus sensibles aux taux d’intérêt, comme c’est le cas pour celles d’Espagne, d’Italie, d’Irlande, du Portugal, ou encore des pays nordiques. La «complaisance des marchés» à l'égard des tensions commerciales et géopolitiques «constituait un risque baissier majeur à court terme pour les banques européennes», expliquent les analystes de JPMorgan dans une note publiée le 7 avril.

Maintenant que certains économistes évaluent la probabilité d’une récession américaine à 60%, alors qu’avant les déclarations de Donald Trump, ce risque n’était qu’autour de 35%, la crainte se fait plus forte. Or, depuis la crise financière de 2007, les provisions des banques sont calculées pour partie en fonction des prévisions macroéconomiques. Ces provisions obligatoires pourraient donc être amenées à augmenter.

Fondamentaux solides

Le secteur est-il pour autant fragilisé à long terme ? Pas forcément. La chute des banques européennes dans des proportions encore plus importantes que les indices actions larges correspond à des prises de bénéfices. Après des résultats 2024 records, faisant état de bilans sains et de bonnes perspectives, le secteur avait affiché de meilleures performances que beaucoup d’autres depuis le début de l’année. A court terme, les investisseurs ne veulent pas perdre ce qu’ils avaient gagné. L’action Société Générale, par exemple, l’une des banques les plus sensibles à l’aversion pour le risque, perd 17% en trois séances, mais gagne encore 23% depuis le 1er janvier.

A plus long terme, une fois la panique généralisée sur les marchés digérée, le secteur des banques européennes pourrait même résister. Les analystes d’UBS n’estiment ainsi pas «judicieux» de réduire complètement les allocations au secteur. Un sentiment qui semble partagé par JPMorgan dont l’équipe de recherche souligne que, si leurs clients peuvent effectivement souffrir, «les banques européennes ne sont pas directement touchées par les droits de douane, contrairement à d’autres secteurs industriels». Au contraire, «la réorganisation à long terme des chaînes d’approvisionnement des grandes entreprises et des PME exportatrices pourrait être une opportunité pour les banques», du moins pour certaines d’entre elles.

Par ailleurs, la hausse de la volatilité observée actuellement pourrait avoir un impact positif sur les activités de trading des banques d’investissement. «Les banques d’investissement présentent un risque beaucoup plus faible qu’avant la crise financière mondiale et les avantages d’une activité accrue des clients sont susceptibles de l’emporter», estime JPMorgan.

La chute des cours n’apparaît donc pas justifiée pour toutes les banques. Certains analystes se sont d’ailleurs déclarés «surpris» de la deuxième vague de vente généralisée, le lundi 7 avril. Point positif lié à ce repli, les valorisations des actions bancaires européennes, revenues autour de 7 fois les bénéfices pour le secteur, redeviennent attrayantes à long terme. Un chiffre dont il faut cependant se méfier : cette valorisation est calculée à partir des anticipations de bénéfices pour 2026 qui n’ont pas (encore) été revues à la baisse.

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