Le pari gagnant d’UBS sur Credit Suisse laisse les actionnaires de marbre

UBS va réaliser un gain comptable de 34,8 milliards de dollars sur le rachat de sa rivale. L’intégration de Credit Suisse lui permet de faire croître son fonds de commerce à bas prix. Le cours de Bourse n’arrive cependant pas à décoller.
Les sièges de Credit Suisse et UBS photo: Bloomberg
Le rachat de Credit Suisse va doper les comptes de UBS mais laisse des questions en suspens à moyen terme  -  photo Bloomberg

Le rachat de Credit Suisse va bien profiter à UBS. Dans un document d’enregistrement publié dans la nuit du mardi 16 au mercredi 17 mai, la banque suisse a livré ses premières estimations concernant l’impact de l’acquisition de sa rivale sur ses comptes. Décidé en un week-end, sous la pression du gouvernement fédéral suisse et de l’autorité financière helvète la Finma, le sauvetage express de Credit Suisse a d’emblée été perçu comme une bonne affaire pour UBS qui s’offre un fonds de commerce attractif, particulièrement en gestion de fortune, pour la modique somme de 3 milliards de dollars.

Le rachat, qui doit être finalisé dans les prochaines semaines - «probablement en mai», avait indiqué UBS lors de la publication de ses résultats trimestriels – va permettre à la banque de faire croître sa valeur comptable de 66%. Sur la base des capitaux propres attribuables aux actionnaires au 31 décembre 2022, le nouvel ensemble combiné totalisera 96,4 milliards de dollars, contre 56,9 milliards pour UBS seule aujourd’hui.

A court terme, le numéro un de la gestion de fortune va surtout profiter d’un gain comptable considérable de 34,8 milliards de dollars grâce à l’écart d’acquisition négatif (goodwill) sur l’opération, qui va gonfler ses comptes après la finalisation et «soutenir le capital du groupe», met-il en avant dans une présentation détaillée. Ces estimations sont «préliminaires», avertit la banque, UBS pouvant encore prendre des provisions de restructuration après le bouclage du rachat.

Des incertitudes sur l’intégration de Credit Suisse

S’il est positif pour le résultat de la banque, ce tour de passe-passe comptable ne renseigne pas pour autant sur la solidité du modèle d’affaires du nouvel ensemble, qui formera un mastodonte too big to fail. Des incertitudes demeurent sur les synergies entre les deux banques, qui continueront de fonctionner «de manière séparée» pendant l’intégration de Credit Suisse qui pourrait prendre «trois à quatre ans» selon la direction d’UBS.

Cette dernière devra s’atteler à réduire la voilure sur la banque d’investissement et s’assurer de retenir clients et talents sur son activité cœur, la gestion de fortune. L’avenir de la banque commerciale domestique de Credit Suisse, particulièrement lucrative, reste également incertain. UBS a déclaré étudier «toutes les options possibles», y compris une scission et une introduction en Bourse.

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Pour l’heure, la prudence est donc de mise, d’autant que le groupe n’a disposé que de quatre jours pour effectuer les vérifications préalables au rachat de Credit Suisse, rappelle-t-il. L’opération est tout de même perçue comme «positive» par les analystes de JPMorgan, qui estiment que UBS devrait dégager une rentabilité sur ses fonds propres (ROTE) de 11% en 2027 en devenant une «super puissance de la gestion de fortune ».

Un impact neutre sur le capital du groupe

L’acquisition de Credit Suisse sera, par ailleurs, neutre sur le ratio de capital CET 1 du groupe, indique UBS. Pour parvenir à cette estimation, la banque tient compte dès à présent d’un coût de 4 milliards de dollars lié aux éventuelles conséquences réglementaires et aux litiges dont elle pourrait hériter du sulfureux passé de Credit Suisse. S’il est «peu probable» qu’elle se réalise, cette projection est saluée par les analystes qui la jugent comme un signal «rassurant» en termes de gestion du nouvel ensemble. A ce coût, s’ajouterait un impact négatif de 13 milliards de dollars lié à des ajustements en fair value (juste valeur) sur les actifs et les passifs.

La facture du rachat de sa rivale, estimée à 17 milliards de dollars, serait toutefois intégralement compensée par le gain réalisé en écrasant la dette subordonnée AT1 de Credit Suisse ainsi que sur la cession de son portefeuille de produits titrisés (SPG) au fonds Apollo. Au total, le nouvel ensemble combiné devrait afficher un ratio CET 1 de 13,8%. Au premier trimestre 2023, celui d’UBS s’élevait à 13,9%.

Jugée positivement par les analystes, cette communication financière n’a toutefois pas donné le coup de fouet attendu à l’action d’UBS, qui cédait même 0,8% à l’ouverture le 17 mai, avant de repasser dans le vert dans la matinée. Passé l’effet d’annonce du rachat, qui avait redonné des couleurs au titre de la banque et à l’ensemble du secteur le 14 mars, le cours d’UBS a retrouvé son niveau de janvier 2023. Dans le même temps, l’indice Euro Stoxx des banques européennes a gagné plus de 9% depuis le début de l’année.

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