
Le décalage de liquidité des fonds ouverts s’est amplifié, selon le FSB

Le décalage entre la liquidité des actifs détenus dans les fonds d’investissement ouverts - par extension la façon de pouvoir les céder - et celle que ces fonds sont supposés être en mesure de déployer pour financer les demandes de rachats des investisseurs continue d’inquiéter. Après les alertes du FMI et de l’AMF en octobre, la sortie du Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board ou FSB) sur le sujet était guettée. L’organisme, lié au Groupe des 20, est chargé de surveiller et de faire des recommandations concernant le système financier mondial. Des recommandations, le FSB en a fait en 2017 sur les vulnérabilités des fonds d’investissement ouverts découlant de leur asymétrie de liquidité (liquidity mismatch). Depuis, la situation a évolué mais pas vraiment dans le sens espéré, selon son dernier rapport sur les institutions financières non bancaires publié ce jeudi. La crise Covid-19 est passée par les marchés en mars 2020 et avait exposé la détention limitée d’actifs très liquides de certaines catégories de fonds ouverts pour faire face aux vagues massives et soudaines de demandes de rachats des investisseurs. Malgré tout, en 2020, le secteur des fonds ouverts a su se montrer, dans l’ensemble, suffisamment résilient grâce à la mise en place d’outils de gestion de liquidité pour éviter un bis repetita de 2008. Plus récemment, la crise des fonds de pension britanniques a aussi illustré l’importance du sujet de la liquidité des fonds ouverts, en particulier les fonds immobiliers locaux. Les recommandations de 2017 semblent «toujours appropriées de manière générale» mais davantage de clarté et de précisions sur ce que le FSB tente d’accomplir pourraient les rendre plus efficaces, indique l’institution.«Globalement, l’analyse des données disponibles suggère qu’il n’y a pas eu de réduction significative du degré de décalage structurel de liquidité des fonds depuis nos dernières recommandations. Alors que le secteur des fonds ouverts a grandi en termes absolus, reflétant l’importance grandissante de la finance de marché, l’impact potentiel des vulnérabilités pouvant émerger de cette asymétrie structurelle de liquidité des fonds ouverts s’est accru lui aussi », avertit le FSB. Disparités de règles entre pays Autrement dit, les régulateurs ont beau eu mettre à disposition des outils de gestion de liquidité, appliquer plus strictement les règles en matière de liquidité des fonds ouverts, le risque lié au décalage de liquidité des fonds, pouvant peser sur la stabilité financière, s’est aggravé. Dans le même temps, le sujet d’un cadre macro-prudentiel pour les fonds ouverts a continué de diviser dans le monde de la régulation financière. Le FSB pointe des disparités entre pays dans les attentes réglementaires vis-à-vis de l’adéquation entre les actifs d’un fonds ouvert et sa stratégie d’investissement ainsi que les conditions et outils utilisés pour le rachat des parts du fonds.Si plusieurs pays ont par exemple rehaussé les critères de reporting réglementaire depuis 2017, des différences subsistent quant à l’étendue, la fréquence et le contenu de ces publications périodiques. L’organisation, elle-même, reconnaît avoir eu du mal à obtenir et analyser la data nécessaire à l’évaluation de l’efficacité de ses recommandations. Elle note que la plupart des juridictions évaluées dans le cadre de son rapport demandent aux entités concernées de conduire des évaluations de liquidité permanentes au niveau des fonds selon différents scénarios. Des sortes de stress tests sur les fonds ont par ailleurs été menés dans plusieurs juridictions. Le FSB entend, dans ses futures recommandations, proposer d’améliorer la mesure et la surveillance de la liquidité des fonds. Il veut par ailleurs promouvoir une plus grande introduction et utilisation des outils de gestion de liquidité (swing pricing, anti-dilution, etc) dans les fonds ouverts. En France, selon l’Autorité des marchés financiers,«seuls 9% des classes de parts représentant 11% des encours des OPC français disposaient dans leur documentation réglementaire de la possibilité d’activer des gates». La proportion de gestionnaires ayant intégré la possibilité d’avoir recours au «swing pricing» est relativement similaire. Aussi le FSB souhaite-t-il clarifier les rôles des gérants de fonds et des régulateurs dans la mise en œuvre de ses recommandations. Les conditions des rachats de parts de fonds, basés sur la liquidité des actifs détenus en portefeuille par les fonds, doivent gagner en clarté. Révisions attendues en 2023 Le calendrier des révisions des recommandations sur la gestion du risque de liquidité dans les fonds a été dévoilé dans le rapport. En concertation avec l’Organisation internationale des commissions de valeur (OICV-Iosco), le FSB publiera un rapport consultatif mi-2023 avant de dévoiler un rapport final fin 2023. Recommandations et bonnes pratiques concernant le développement de lignes directrices sur les outils de gestion de la liquidité dans les fonds ouverts feront également l’objet d’un premier rapport intermédiaire mi-2023 puis d’un rapport final fin 2023. « Cela inclura d’identifier les facteurs que les gestionnaires devraient prendre en compte dans l’utilisation d’outils de gestion de liquidité comme le mécanisme d’anti-dilution pour imposer les coûts explicites et implicites des rachats aux investisseurs qui rachètent dans des conditions de marché normales et difficiles», précise le FSB. Avec l’aide de l’OICV, il va aussi initier, l’année prochaine, un programme pilote visant à pallier les manques de données relatifs à l’asymétrie de liquidité des fonds ouverts, à l’utilisation des outils de gestion de la liquidité et des risques de stabilité financière attenants. Ce travail se poursuivra jusqu’en 2024. Enfin, les deux institutions prévoient d’organiser un workshop sur les retours d’expérience des régulateurs des marchés financiers à travers le monde sur la conception et l’utilisation de stress tests pour les fonds ouverts. Celui-ci se tiendrait soit fin 2023 soit début 2024.
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