
Le coût du risque s’envole dans les banques européennes

Les craintes se concrétisent pour les banques européennes. HSBC, Santander et UBS ont toutes trois, à des degrés divers, fait état d’une forte hausse de leur coût du risque liée aux effets économiques du coronavirus, à l’occasion de la publication de leurs résultats du premier trimestre mardi. Elles ont aussi montré à quel point le confinement déformait leur activité, et engendrerait une pression sur leur revenus dans les mois à venir.
Très exposée à l’Asie, la britannique HSBC a senti avant les autres les effets du confinement dans la région. Ses provisions pour créances douteuses ont plus que quintuplé sur un an à 3 milliards de dollars (2,76 milliards d’euros). En Asie, une bonne part de la hausse provient de son exposition «à une entreprise à Singapour», que HSBC ne cite pas. Plusieurs courtiers en matières premières de la ville-Etat ont été touchés de plein fouet par la chute des prix, notamment Hin Leong, soupçonné d’avoir dissimulé des centaines de millions de dollars de pertes, et auquel d’autres banques, comme la Société Générale, sont exposées.
Ce n’est qu’un début. Le total des provisions sur l’exercice 2020 pourrait atteindre entre 7 et 11 milliards de dollars, a précisé la banque, alors que le consensus des analystes en attend 7,5 milliards. «Seul le temps dira où nous atterrirons dans cette fourchette, a précisé son nouveau directeur général Noel Quinn. Personne ne sait vraiment comment le coronavirus va se développer dans les trois à six mois et quels scénarios se matérialiseront. Le plus important pour nous est d'être préparés à tous les scénarios.»
Santander prend les devants
Tournée vers l’Europe et les Amériques, l’espagnole Santander devrait pour sa part sentir les pleins effets du confinement au deuxième trimestre. Son coût du risque n’a augmenté que de 12% sur un an à taux de change constant (+22% en Europe). Mais le numéro un espagnol a préféré prendre les devants en comptabilisant une provision générale de 1,6 milliard d’euros pour encaisser le choc prévisible du Covid-19.
UBS, dont la structure de bilan fait davantage place aux activités de marché et à la clientèle fortunée, n’a en comparaison passé «que» 268 millions de dollars de provisions. Un montant néanmoins multiplié par 13 en un an, et dont un tiers s’explique par l’exposition de la banque suisse au secteur de l'énergie.
La semaine dernière, UniCredit et Credit Suisse avaient annoncé mettre en réserve 900 millions d’euros et 585 millions de francs (555 millions d’euros) pour faire face à la remontée des risques. En quelques jours, les premières banques européennes à publier leurs résultats ont donc passé plus de 6 milliards d’euros de provisions pour risque de crédit. En comparaison, leurs concurrentes américaines ont mis de côté 25 milliards de dollars au premier trimestre.
Le secteur n’a pas la partie facile en Europe. La Commission européenne a donné hier plus de souplesse aux banques pour interpréter la norme comptable IFRS 9, et lisser ainsi le coût du risque afin d'éviter un rationnement du crédit. Mais celles qui adopteront une approche moins stricte dans ce domaine encourront le reproche de fermer les yeux sur la réalité du risque, une critique fréquemment adressée au secteur bancaire européen après la crise de 2008.
Début avril, les analystes de JPMorgan estimaient que le coût du risque des banques européennes devrait tripler cette année, à 104 points de base rapporté aux encours, avant un retour à la normale en 2022. Ils ont abaissé de deux tiers leur prévision de bénéfice par action du secteur en 2020.
Marges laminées
Outre la flambée du coût du risque, la baisse des marges menace aussi les établissements de crédit européens. L’impact des taux bas devrait amputer cette année de 3 milliards de dollars la marge nette d’intérêt, a prévenu hier HSBC, contre une estimation initiale d’un milliard. Et cet effet se cumulera dans la durée.
Santander, de son côté, a donné un bon aperçu de l’activité d’une grande banque en temps de confinement. Sa production quotidienne de crédits aux PME et aux grandes entreprises a fait plus que quadrupler entre février et avril en Europe, mais il s’agit là avant tout de prêts consentis avec la garantie des Etats, et donc très peu rémunérateurs. A l’inverse, toujours en Europe, le montant des crédits immobiliers et des crédits à la consommation accordés par le groupe a chuté de 62% et 54% respectivement. Tout l’enjeu est de connaître l’ampleur de la reprise.
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Munich - Acheter une voiture chinoise sur les Terres de Volkswagen, BMW et Mercedes? «Et pourquoi pas?», sourit la designeuse allemande Tayo Osobu, 59 ans, déambulant dans la vieille ville de Munich, devenue vitrine géante du salon automobile. Venue de Francfort, elle découvre les plus de 700 exposants, dont 14 constructeurs chinois contre 10 européens, qui tentent de séduire le public avec des modèles high-tech dans toutes les gammes de prix. Sur la Ludwigstrasse, deux mondes se font face. D’un côté, le géant chinois BYD, dont les ventes en Europe ont bondi de 250% au premier semestre, expose ses modèles phares, dont l’un, une citadine électrique, se vend à partir de 20.000 euros. De l’autre, Volkswagen, numéro 1 européen en crise, tente de défendre son territoire malgré la chute des livraisons et un plan social historique. Tayo est impressionnée par les finitions des coutures à l’intérieur d’une voiture BYD. Sur la sécurité, aucun doute: «si elles sont vendues ici, c’est qu’elles respectent les normes européennes», répond-t-elle sans hésiter. Qualité au «même niveau» Les marques chinoises maîtrisent une grande partie de leur chaîne de valeur, des batteries électriques aux logiciels embarqués. De plus, elles bénéficient d’une main d'œuvre moins chère et d’économies d'échelle grâce au marché chinois gigantesque. Et fini la réputation de la mauvaise qualité. «Ce qui a changé en cinq ans, c’est qu'à prix inférieur, les Chinois sont désormais au même niveau sur la technologie et la qualité à bien des égards», résume l’expert du secteur Stefan Bratzel. Pour contenir cette offensive, la Commission européenne a ajouté l’an dernier une surtaxe pouvant atteindre 35% sur certaines marques chinoises, en plus des 10% de droits de douane existants. Objectifs visés: protéger l’emploi sur le Vieux continent, limiter la dépendance technologique et préserver l’image des constructeurs européens. Mais BYD contournera bientôt la mesure: sa première usine européenne en Hongrie doit démarrer sa production dès cet hiver. Il est encore «trop tôt» pour parler d’invasion, estime M. Bratzel. Les marques chinoises doivent encore établir «une relation de confiance» avec le public européen, développer des réseaux de concessionnaires et de service après-vente, explique-t-il. Des acheteurs potentiels le disent aussi: «Si on conduit une voiture chinoise, dans quel garage va-t-on en cas de problème?», s’interroge Pamina Lohrmann, allemande de 22 ans, devant le stand Volkswagen où est exposé un ancien modèle de l’iconique Polo. «J’ai grandi avec les marques allemandes, elles me parlent plus», confie cette jeune propriétaire d’une Opel décapotable, dont la famille roule plutôt en «BMW, Porsche ou Mercedes». «Image de marque» L’image des véhicules reste un point faible, mais déjà une certaine clientèle, jeune et technophile, se montre plus ouverte. Cette dernière est convoitée par la marque premium XPeng, lancée en Chine en 2014 : «Nous visons la première vague d’enthousiastes de la technologie», explique son président Brian Gu sur le salon. Loin de baisser les bras, les constructeurs allemands continuent de «renforcer leur image de marque européenne» avec «un héritage» échappant encore aux entrants chinois, explique Matthias Schmidt, un autre expert. Volkswagen a ainsi rebaptisé son futur modèle électrique d’entrée de gamme «ID.Polo», attendu en 2026 autour de 25.000 euros, pour capitaliser sur la notoriété de sa citadine. Et les Européens imitent les Chinois sur l’intégration du numérique, comme le nouveau système d’affichage par projecteur de BMW, et dans la course à la recharge rapide. Ils adoptent aussi les batteries lithium-fer-phosphate (LFP), moins coûteuses, et intègrent de plus en plus de pièces standards chinoises, afin de réduire les coûts et de combler l'écart technologique, note M. Schmidt. «Ce qui compte, c’est que les fonctionnalités et le prix soient convaincants», note Martin Koppenborg, consultant automobile de 65 ans, bravant la pluie sur un stand de BYD, visiblement séduit. Léa PERNELLE © Agence France-Presse