Le contrôle des subventions étrangères comble un angle mort de la politique de concurrence

Jérémie Marthan et Jean-Luc Champy, avocats associés chez White & Case
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Jean-Luc Champy, avocats associés chez White & Case

Alors que le droit de l’Union européenne dispose d’un système sophistiqué de contrôle des aides d’Etat, aucun dispositif ne permettait de contrôler les subventions accordées par des pays tiers et donc de remédier aux distorsions de concurrence qu’elles étaient susceptibles de créer.

En adoptant le règlement relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur, qui entrera en vigueur le 12 juillet 2023, cet angle mort de la politique de concurrence est désormais comblé. Le texte adopte une définition large de la notion de subvention étrangère. Celle-ci est définie comme toute contribution financière octroyée par un pays tiers qui confère un avantage à une entreprise exerçant une activité économique dans le marché intérieur et qui est limitée à une ou plusieurs entreprises ou secteurs. Ainsi par exemple, des garanties de prêt ou même l’achat de biens ou services peuvent être qualifiés de subventions étrangères, et donc fausser le marché intérieur.

En pratique, la Commission se dote de plusieurs outils qui vont avoir un impact considérable sur les opérations de fusions-acquisitions (M&A) et sur les procédures de passation des marchés publics ou des concessions de taille importante en Europe.

A l’instar des règles relatives au contrôle des concentrations, des aides d’Etat ou des investissements étrangers, le règlement ajoute un nouveau mécanisme de notification préalable – et suspensif – de certaines opérations de M&A. Tel sera notamment le cas lorsque (i) la cible de l’opération génère un chiffre d’affaires total de 500 millions d’euros et que (ii) l’acquéreur a reçu des contributions financières d’un montant total de 50 millions d’euros au cours des trois dernières années.

Ensuite, le règlement prévoit des seuils de notification préalables applicables aux procédures de passation de marchés publics ou de concession. C’est le cas notamment lorsque la valeur du marché ou de la concession excède 250 millions d’euros et que les subventions étrangères dépassent 4 millions d’euros par pays tiers au cours des trois dernières années. Le champ d’application de cette obligation est large puisqu’il s’applique non seulement aux entreprises candidates et à leurs groupements, mais aussi à leurs principaux sous-traitants et fournisseurs, lorsque leur participation porte sur des éléments clés de l’exécution du marché ou de la concession.

Enfin, la Commission européenne se dote d’un pouvoir général d’enquête permettant d’examiner toutes les autres situations de marché, ainsi que les opérations de M&A et marchés publics ou concessions de plus faible valeur. Dans le cadre de son examen, la Commission pourra notamment procéder à des demandes de renseignements ou encore mener des inspections. Elle pourra surtout imposer des mesures réparatrices pour remédier aux distorsions causées par une subvention étrangère. Ainsi, elle pourra par exemple refuser d’autoriser toute opération de concentration ou d’attribution d’un marché public ou d’une concession. Elle pourra également imposer des remèdes tels que la cession de certains actifs ou le remboursement de la subvention.

Les procédures de passation des marchés publics et des concessions vont se trouver directement affectées par ce nouveau règlement. Celui-ci impose tout d’abord aux candidats bénéficiant de subventions étrangères, ou dont les principaux prestataires bénéficient de telles subventions, de notifier au pouvoir adjudicateur les subventions concernées, ou de déclarer les subventions étrangères non soumises à notification. L’enquête menée par la Commission pourra conduire à suspendre les procédures d’attribution d’un marché ou d’une concession, voire à interdire son attribution.

Identifier et calculer toutes les contributions financières que les entreprises et les personnes publiques ont reçues d’Etats tiers est un lourd travail de collecte qui doit être mené dès à présent, puisqu’il s’appliquera aux subventions étrangères perçues jusqu’à cinq ans avant l’entrée en vigueur du règlement. S’ajoutera ensuite la nécessité de notifier les subventions reçues, ce qui pourrait avoir des conséquences sur la réalisation d’opérations de M&A et sur les procédures de passation des marchés publics ou des concessions. Plusieurs textes d’application sont attendus d’ici à juillet 2023 pour préciser la portée de ce texte dont les effets concrets devraient être importants.

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