
L’arbitrage, une alternative efficace face aux incertitudes nées du Brexit
Depuis le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni est déchargé de ses obligations découlant du droit de l’Union européenne (UE). Toutefois, cette autonomie résolument revendiquée et retrouvée, se fait au détriment d’atouts juridiques dont seuls bénéficient les Etats membres.
En quittant l’UE, le Royaume-Uni a déserté l’espace judiciaire européen, renonçant ainsi à la coopération renforcée qui existe entre Etats-membres en matière civile et commerciale. Cette « abdication » affecte directement les contentieux internationaux portés devant les juridictions ou impliquant une partie britannique.
Le choix fréquent du droit anglais dans les contrats se comprend par la liberté contractuelle qu’il accorde, la facilité de la langue utilisée et la prévisibilité des solutions. Ces qualités ne sont pas remises en cause par le Brexit.
Ce choix d’appliquer le droit britannique a souvent pour corollaire la volonté des parties de conférer aux juridictions anglaises le soin de régler leurs litiges éventuels. C’est là que le bât blesse : le retrait du Royaume-Uni de l’UE emporte la conséquence importante que le règlement Bruxelles 1 Bis n’est plus applicable, ce qui est source d’incertitudes et d’imprévisibilité.
Le premier atout de ce règlement est qu’il unifiait les règles de conflit de juridiction. Certes, si une clause désignant les juridictions britanniques est stipulée dans le contrat (ce qui est fréquemment le cas), l’impact du Brexit semble limité : la Convention de la Haye de 2005 sur les accords d’élection de for, à laquelle tant l’UE que le Royaume-Uni sont parties, pose le principe du respect de telles clauses – solution que prévoyait également le règlement Bruxelles 1 Bis, reprise par certains droits nationaux. En revanche, en l’absence de clause d’élection de for, le juge compétent est déterminé selon les règles de conflits de chaque Etat, ce qui crée une incertitude pour les parties.
Efficacité garantie
Le second atout du règlement Bruxelles 1 Bis est qu’il prévoyait la reconnaissance automatique des jugements des juridictions des Etats-membres, en vertu du principe de confiance mutuelle. A nouveau, l’accession du Royaume-Uni à la Convention de la Haye pallie dans une certaine mesure l’absence d’application du règlement en présence d’une clause d’élection de for, dès lors qu’elle prévoit la reconnaissance des jugements rendus par les juridictions des parties contractantes. Toutefois, ce principe n’est pas applicable à tout type de décision (notamment, les mesures provisoires et conservatoires en sont exclues). Par ailleurs, certains Etats opèrent un contrôle plus étendu du jugement dont la reconnaissance est demandée, ce qui est chronophage et source d’incertitudes pour les parties.
L’arbitrage international, qui s’en sort indemne, constitue une alternative bienvenue.
Peu de changements sont attendus en la matière. Souvent exclu des textes européens, l’arbitrage est régi par le droit national des Etats. Or ni le droit de l’arbitrage britannique, ni les droits de l’arbitrage des Etats membres ne sont influencés par le Brexit.
De plus, l’efficacité des sentences arbitrales au sein de l’UE et du Royaume-Uni est garantie par la Convention de New York de 1958 sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales. En conséquence, et contrairement aux décisions des juridictions étatiques, la reconnaissance des sentences rendues dans ces Etats se fait dans les mêmes conditions qu’avant le Brexit.
Le seul changement est secondaire, mais notable : les juridictions britanniques pourront à nouveau rendre des anti-suit injunctions, mesures interdisant le recours à un juge étatique en présence d’une convention d’arbitrage liant les parties. Cette pratique était courante avant l’accession du Royaume-Uni à l’UE, mais avait été abandonnée car contraire au droit de l’UE. Avec le Brexit, les juridictions britanniques pourront à nouveau recourir à cet outil qui participe de l’effectivité des conventions d’arbitrage.
Cette constance remarquable distingue l’arbitrage du contentieux judiciaire international et le Brexit provoquera certainement un engouement accru pour l’arbitrage. En effet, les opérateurs affectés par le Brexit devront être plus diligents et analyser les clauses de résolution des litiges insérées dans leurs contrats de manière attentive. Ils pourraient à cette occasion être enclins à réviser ces clauses au profit de l’arbitrage, notamment lorsque la compétence des juridictions britanniques était prévue.
Ce faisant, les parties devront convenir du siège de l’arbitrage : le choix de Londres ne va pas de soi, le droit applicable ne dictant pas le siège. Or, si Londres présente indéniablement des avantages, Paris jouit d’une attractivité que le Brexit ne fait que renforcer. Rien n’empêche donc les parties de convenir de l’application du droit anglais et de désigner Paris comme siège de l’arbitrage, ce choix ne pouvant qu’assurer l’efficacité de la procédure, sans altérer l’application du droit anglais au contrat.
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