
La solidité des assureurs vie français fait débat

Jusqu’ici tout va bien, mais la situation des assureurs français pourrait se dégrader rapidement. C’est en substance le message diffusé il y a quelques jours par Moody’s. «Les ratios de Solvabilité 2 des assureurs vie français ont diminué en raison de la baisse des taux d’intérêt au premier semestre 2019 et nous nous attendons à ce qu’ils annoncent une nouvelle détérioration quand ils publieront leurs comptes du troisième trimestre ou de l’année, si les taux d’intérêt ne remontent pas», écrivent les analystes de l’agence de notation. Depuis plusieurs années, la faiblesse des taux d’intérêt rendait difficile le pilotage des compagnies françaises, majoritairement investies en obligations d’Etat et d’entreprise. Mais la baisse de la rémunération des clients des fonds en euros ne suffit plus. «Cet été il y a eu un virage, quand on a compris que les taux allaient rester bas pendant longtemps, avec une OAT 10 ans (obligation de l’Etat français) à -0,3%», déclare le dirigeant d’un grand assureur.
Baisse des ratios
Déjà, sur les six premiers mois de l’année, le ratio Solvabilité 2 de Crédit Agricole Assurances, le numéro un français du secteur, a déjà fondu de 22 points de pourcentage à 166% et celui d’AG2R La Mondiale de 23 points à 125%, selon les données retraitées des mesures transitoires par Moody’s. Autres exemples, CNP Assurances a reculé de 18 points à 169% et Groupama de 15 points à 152%. Preuve que le phénomène touche toute la profession : bancassureurs, groupes de prévoyance, compagnies cotées et mutualistes. Si le phénomène devrait «attirer l’attention de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution», «nous ne prévoyons pas que beaucoup d’assureurs déclarent des ratios de Solvabilité 2 inférieurs au minimum réglementaire de 100%», indique Moody’s.
Et pourtant, le groupe Arkéa vient d’injecter en urgence 540 millions d’euros dans sa filiale d’assurance Suravenir. «Le contexte économique de taux historiquement bas couplé à la réglementation applicable aux compagnies d’assurance vie depuis janvier 2016 génèrent une forte volatilité du calcul de leurs ratios réglementaires, a réagi le groupe breton, après les révélations des Echos jeudi dernier. Cette opération est sans impact sur la rentabilité de Suravenir et pour ses clients. L'évolution défavorable des ratios prudentiels ne remet pas en cause la robustesse et la santé économique de Suravenir qui dégage une rentabilité élevée». L’augmentation de capital est supérieure au résultat 2018 du groupe mais, en 2017, la filiale d’assurance avait remonté environ 500 millions d’euros de dividendes à sa maison-mère.
Faiblesse des bancassureurs
«Suravenir paie sans doute son manque de diversification et les rendements généreux de ses fonds euros», estime un analyste financier. En outre, «les bancassureurs comme Suravenir, Sogecap (filiale de la Société Générale, ndlr) ou Cardif (BNP Paribas, ndlr) ont souvent un ratio de solvabilité assez bas. C’est normal et lié à l’allocation du capital de leur groupe qui met l’argent là où c’est nécessaire», explique le patron d’une compagnie d’assurance non captive. Enfin, «la révision de Solvabilité 2 l’an prochain va donner de l’air», déclare un bancassureur. Ce dernier s’estime moins exposé que certains concurrents, du fait de son «internationalisation, avec un taux d’UC (unités de compte, sans capital garanti pour l’assuré, ndlr) supérieur hors de France» et grâce au «poids des activités de prévoyance». Soit deux types de produits moins coûteux en fonds propres.
Divergences stratégiques
«Les assureurs français vont agir pour améliorer ou limiter le déclin de leur ratio Solvabilité 2. Ils peuvent, entre autres choses, émettre de la dette subordonnée (…) ou changer leur allocation d’actifs», estime Moody’s. En revanche, les actions radicales comme la fermeture de certains fonds euros devrait rester limitées, selon l’agence de notation. «C’est moyen au niveau de l’éthique, car l’argent appartient à nos clients, juge un dirigeant. On ne va pas arrêter de produire des contrats en euros le 1er janvier 2020. Le directeur financier et le directeur des risques seront d’accord [pour le faire] mais pas le directeur commercial, les réseaux et les clients». D’ailleurs, «les banques ne veulent pas que l’argent de leurs clients se retrouve sur les comptes courants alors que les dépôts leur coûtent de l’argent aujourd’hui», ajoute-t-il.
La plupart des acteurs préfèrent limiter les flux en relevant les frais d’entrée, à l’instar du Crédit Agricole, ou proposer des fonds garantis «bruts de frais de gestion», qui permettent de rogner le capital garanti. Tous misent sur le développement des unités de compte (UC) et la transition – progressive – vers de nouveaux supports comme l’Eurocroissance et le plan d’épargne retraite. Encore faut-il que les conditions de marché s’améliorent, pour convaincre des épargnants français traditionnellement réticents à prendre des risques.
En attendant, «les assureurs français sont bien mieux positionnés que les néerlandais et les allemands, qui ont aussi une différence de durée résiduelle (duration gap) actif-passif relativement grande, mais qui ont offert des taux garantis plus élevés [que ceux de 0,5% historiques du marché tricolore, ndlr]», relativise Moody’s.
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RDC: à Ntoyo, dans le Nord-Kivu, les survivants des massacres commis par les ADF enterrent leurs morts
Ntoyo - Lundi soir, les habitants de Ntoyo, un village de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), s’apprêtaient à assister à des funérailles quand une colonne d’hommes armés a surgi de la forêt. «Parmi eux, il y avait de très jeunes soldats», raconte à l’AFP Jean-Claude Mumbere, 16 ans, rescapé d’un des deux massacres commis par les rebelles ADF (Forces démocratiques alliées) dans la nuit de lundi à mardi, l’un à Ntoyo et l’autre dans un village distant d’une centaine de kilomètres. Le bilan de ces attaques, au moins 89 tués selon des sources locales et sécuritaires, a peu de précédent dans une région pourtant en proie à une instabilité chronique, victime depuis trente ans de multiples groupes armés et conflits. Les ADF, groupe armé né en Ouganda et qui a prêté allégeance à l’Etat islamique, est connu pour une extrême de violence à l'égard des civils. «Ils étaient nombreux et parlaient une langue que je ne comprenais pas. De loin, ils portaient des tenues qui ressemblaient à celles des militaires», se souvient le jeune homme, venu assister mercredi aux funérailles de sa soeur, l’une des victimes de ce nouveau massacre perpétré dans la province du Nord-Kivu. Plus de 170 civils ont été tués par les ADF depuis juillet dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, selon un décompte de l’AFP. Plus au sud, malgré les pourparlers de paix de ces derniers mois, des affrontements se poursuivent entre l’armée congolaise (FARDC) et affiliés, et le groupe armé antigouvernemental M23, soutenu par le Rwanda et son armée, qui s’est emparé des grandes villes de Goma et de Bukavu. A Ntoyo, Didas Kakule, 56 ans, a été réveillé en sursaut par les premiers coups de feu. Il dit avoir fui avec femmes et enfant à travers les bananeraies pour se réfugier dans la forêt voisine, avec d’autres habitants. Tapis dans l’obscurité, les survivants n’ont pu que contempler leurs maisons consumées par les flammes. «Les coups de feu ont retenti longtemps. Ma maison a été incendiée, ainsi que le véhicule qui était garé chez moi. Chez nous, heureusement, personne n’a été tué», dit Didas Kakule. Jean-Claude Mumbere, lui, a été touché par une balle pendant sa fuite. «Ce n’est qu’après m'être caché dans la forêt que j’ai réalisé que je saignais», affirme-t-il. «Inaction» Mercredi, Ntoyo, 2.500 habitants, n'était plus qu’un village fantôme, et la plupart des survivants partis se réfugier dans l’agglomération minière voisine de Manguredjipa. Une dizaine de corps étaient encore étendus sous des draps ou des bâches, battus par une forte pluie. Des volontaires ont creusé des tombes, assistés par des jeunes des environs, et planté 25 croix de bois dans la terre humide. Une partie des dépouilles avait déjà été emportée par les familles, les cercueils ficelés à la hâte sur des motos. Parmi les quelques proches de victimes venus aux funérailles, Anita Kavugho, en larmes devant la tombe de son oncle. Il est mort "à cause de l’inaction des autorités qui ne réagissent pas aux alertes», peste la jeune femmme, une fleur à la main. Des pickups de l’armée congolaise stationnent non loin, devant un véhicule calciné. Le déploiement de l’armée ougandaise (UPDF) aux côtés de l’armée congolaise dans le nord-est de la RDC depuis 2021 n’a pas permis de mettre fin aux multiples exactions des ADF, groupe formé à l’origine d’anciens rebelles ougandais. Quatre militaires congolais étaient présents à Ntoyo au moment de l’attaque. Les renforts stationnés à environ 7 km à Manguredjipa sont arrivés trop tard. «C’est leur faillite, on signale aux militaires que les assaillants sont tout près, et ils n’arrivent pas à intervenir», lâche Didas Kakule, amer. Cette énième tuerie risque d’aggraver la «fissure» entre l’armée et la population, estime Samuel Kakule, président de la société civile de Bapere. Les ADF «se dispersent en petits groupes pour attaquer nos arrières», répond le lieutenant Marc Elongo, porte-parole de l’armée congolaise dans la région, présent à Ntoyo mercredi. Quelques jours auparavant, les forces ougandaises et congolaises s'étaient emparées d’un bastion ADF dans le secteur et avaient libéré plusieurs otages du groupe, selon l’armée. Mais comme souvent, les ADF se sont dispersés dans la forêt, et ont frappé ailleurs. Une stratégie pour attirer les militaires loin de ses bases, selon des sources sécuritaires. © Agence France-Presse -
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