
La justice clarifie les recours sur les résolutions bancaires européennes
Cet hiver, l’avocat général avait présenté à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) des conclusions étonnantesdans une affaire opposant Banco de Portugal et Novo Banco à une retraitée espagnole, qui a finalement obtenu gain de cause dans un arrêt du 29 avril. Cette épargnante avait souscrit en 2008 un mandat de gestion sur les actions d’une banques islandaise mise en difficulté sur les conseils de la filiale BES Espagne, avant que la maison-mère de BES, au bord de la faillite, soit divisée en 2014 entre ses actifs sains (dont ce mandat) dans une banque-relais, Novo Banco, et ses actifs «toxiques» restés chez BES. La requérante avait donc intenté en 2015 avec succès en première instance puis devant la Cour d’appel espagnole, un recours en annulation du contrat contre Novo Banco Espagne, avant que Banco de Portugal décide de retransférer rétroactivement le 29 décembre 2015 par mesure d’«assainissement» certains engagements à BES, dont ce contrat. Face à une épargnante se plaignant d’une banque (Novo Banco) qui n’était plus son contractant (BES allait aussi être liquidée par la suite), la Cour suprême d’Espagne avait demandé à la CJUE de trancher sur la possibilité de se référer à la directive 2001/24 sur la liquidation des établissements de crédit - et non à la directive 2014/59 (BRRD) - tout en respectant les principes européens sur l’Etat de droit et la sécurité juridique.
Alors que l’avocat général donnait raison à Novo Banco afin notamment d’éviter de nouveaux coûts pour le contribuable sur cette banque créée avec des ressources de l’Etat, la CJUE ne l’a pas suivi. Elle est partie du principe que la décision du 29 décembre avait modifié les précédentes avec effet rétroactif. Elle a constaté que la situation remplit les conditions prévues par la directive 2001/24 pour renvoyer à la loi de l’Etat dans lequel l’instance a fait l’objet des mesures d’assainissement, donc l’Espagne pour BES Espagne. Et que, même si l'épargnante avait maîtrisé tous les éléments du dossier au moment de son action en première instance, elle n’aurait pas été à même d’anticiper la mesure de retransmission de la responsabilité attachée au contrat de Novo Banco à BES.
«Comme un avertissement aux Etats membres sur ces résolutions complexes, l’arrêt fait prévaloir la sécurité juridique et les droits européens fondamentaux sur les directives sectorielles spécifiques. Il reconnaît la possibilité du transfert rétroactif, mais aussi qu’on ne peut pas l’opposer à quelqu’un qui a déjà engagé un recours», commente Richard Milchior, associé du cabinet Herald Avocats.
Le SRB dans son droit ?
Le cadre des résolutions bancaires suscite également des critiques côté investisseurs professionnels et banques. Depuis leur mise en place en 2015, les recours affluent contre le Conseil de résolution unique (SRB/CRU) - des créanciers sur la gestion des défaillances - et le Fonds de résolution unique (SRF/FRU) - sur les contributions demandées aux banques.
Le 23 septembre 2020, le Tribunal de l’Union européenne (UE) a rendu trois arrêts annulant les décisions du SRB sur les contributions ex-ante 2017 au SRF de Landesbank Baden-Württemberg (LBBW), d’Hypo Vorarlberg Bank et de Portigon. Mis en cause sur le manque de transparence dans le calcul de ces contributions prévu par le règlement délégué 2015/63, la Commission européenne (CE) et le SRB avaient donc formé un pourvoi devant la CJUE. Dans son argumentaire du 27 avril, l’avocat général propose à la Cour : d’annuler l’arrêt du Tribunal du 23 septembre – car ce dernier a violé le principe du débat contradictoire et les droits de la défense du SRB et commis une erreur de droit quant à la portée de l’obligation de motivation par le SRB ; mais aussi d’annuler la décision du SRB sur le calcul des contributions ex-ante 2017 de LBBW – les requérants ont également commis une erreur de droit quant à l’obligation de motivation du Tribunal - et de maintenir les effets de la décision du SRB jusqu’à l’entrée en vigueur d’un nouvel acte appelé à la remplacer, dans un délai de six mois, et «sous réserve que le SRB assure une transparence accrue sur certaines sommes de données confidentielles de tiers».
Pour rappel, les banques souhaitaient un décompte exact et détaillé des éléments de calcul des contributions. Le SRB estimait que le processus de calcul était suffisamment transparent, en invoquant la jurisprudence concernant son obligation de motivation, et expliquait ne pouvoir en divulguer plus parce que les contributions ex-ante des 3.500 établissements sont liées entre elles par le système de calcul et parce que certaines informations relatives à ces calculs sont trop confidentielles pour être détaillées aux concurrents. Concernant le calcul des contributions, l’avocat général relève certaines incohérences dans l’application de «la protection du secret des affaires» par le SRB, mais aussi la légalité du règlement délégué 2015/63 «qu’il n’apparaît pas nécessaire de modifier».
Conformément à la demande du Tribunal, le SRB avait demandé à la CE une révision du règlement sur ces questions, «mais celle-ci attendra désormais l’arrêt définitif de la Cour, dans les mois qui viennent, avant de se prononcer», estime Richard Milchior, au vu de la complexité des débats. Et peut-être aussi ses arrêts dans les affaires Hypo Vorarlberg Bank et Portigon, dont les recours en dernière instance avaient été formés plus tardivement.
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