La faible compétitivité des banques pèse sur la souveraineté de l’Europe

Le différentiel de rentabilité entre banques européennes et américaines pourrait être comblé si les Etats s’entendaient sur une vision à long terme du secteur, estime l’Institut Montaigne.
Franck Joselin
Union bancaire européenne, European Banking Union
Des avancées sur l’Union bancaire et l’Union des marchés de capitaux seraient bienvenues.  -  Crédit European Union EP

Quelque chose ne tourne pas rond dans le paysage bancaire européen. Les banques sont solides, leurs bilans sont sains et leurs résultats atteignent des records malgré la crise sanitaire. Pourtant, même après une belle performance boursière ces douze derniers mois, leur valorisation reste en berne. Cela est vrai dans l’absolu mais aussi, et surtout, par rapport aux établissements américains. Les investisseurs boudent les banques européennes car, malgré des revenus en hausse, leur rentabilité ramenée aux capitaux employés ne décolle pas. L’Institut Montaigne, dans un rapport intitulé « L’avenir du secteur bancaire européen » publié ce jeudi et co-présidé par François Pérol, managing partner et co-président du comité exécutif de Rothschild & Co, et Natacha Valla, doyenne de l'École du management et de l’innovation de Sciences Po, explore plusieurs pistes pour remédier à cette situation. Les solutions relèvent à la fois des établissements eux-mêmes et de la réglementation. Une réflexion poussée des Etats européens sur l’Union bancaire et l’Union des marchés de capitaux apparaît indispensable pour améliorer la compétitivité du secteur.

Spécialisation sur certains métiers

Le groupe de travail estime que les banques doivent poursuivre la refonte de leur modèle industriel, suivant la voie adoptée par les structures européennes les plus efficaces. « La faible rentabilité n’est pas une fatalité en Europe. Une soixantaine de banques européennes, sur environ 6.000 établissements présents sur le continent, présentent un ratio de retour sur capital (RoE) de plus de 15% », explique à L’Agefi Jean-Werner de T’Serclaes, managing director & senior partner au Boston Consulting Group et rapporteur général de ces travaux. Ces banques présentent des caractéristiques comparables aux structures américaines, beaucoup plus rentables que celles établies en Europe. « Les banques européennes rentables sont généralement spécialisées sur certains métiers. Leur bilan tourne aussi plus rapidement, et elles disposent d’un meilleur mix entre leurs commissions et leurs marges d’intérêt », continue le rapporteur.

L’Institut relève que ces orientations stratégiques demeurent difficiles à conduire sans avancée sur l’établissement de l’Union des marchés de capitaux, sur laquelle Bruxelles travaille d’ailleurs actuellement. « Des marchés de capitaux plus intégrés pourraient favoriser les rotations des bilans des banques, ce qui leur procurerait davantage de revenus. Cela constituerait aussi un avantage pour les épargnants qui auraient accès à des propositions d’investissement beaucoup plus larges », estime le rapporteur.

Un marché encore trop fragmenté

Cette Union des marchés de capitaux devrait aussi, pour le think tank, s’accompagner d’avancées sur l’Union bancaire, au point mort depuis plusieurs années. « Pour la souveraineté de l’Europe, le rapport de l’Institut Montaigne soutient qu’il est important de relancer le chantier de l’Union bancaire qui pourra favoriser les rapprochements transfrontaliers. Cela permettrait aux banques européennes de se défendre, par exemple contre les grandes banques américaines », note Jean-Werner de T’Serclaes. Le marché européen reste en effet très fragmenté, ce qui empêche les économies d’échelles. Le rapport constate, par exemple, que les trois premières banques européennes ne représentent que 10 à 15% du total des actifs bancaires européens, contre 35% aux États-Unis.

Mais une vision industrielle du secteur portée par les décideurs publics, aussi volontaire soit-elle, ne suffira pas. L’amélioration de la rentabilité des banques devra aussi passer, selon l’Institut, par la révision de leurs processus internes avec un travail sur la formation des salariés. « Il y a un chantier très important à mener dans le domaine des relations humaines dans les banques. Il y a, dans ces sociétés, entre 30 et 50% du personnel dont les compétences doivent être renforcées. Cela notamment pour faire face aux changements induits par la digitalisation », estime Jean-Werner de T’Serclaes.

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