
La cession d’Aviva France s’annonce complexe

Un mois après l’annonce du désengagement continental d’Aviva, le projet de cession d’Aviva France a été confirmé lundi aux équipes françaises par Patrick Dixneuf, le patron des activités locales et européennes du groupe. L’assureur britannique aurait déjà mandaté JPMorgan pour l’opération, indiquent plusieurs sources de marché. La banque américaine ne fait pas de commentaires et Aviva n’a pas répondu à L’Agefi. D’autres banques conseil espèrent elles aussi prendre part à la vente du deuxième centre de profits du groupe, après le Royaume-Uni.
Pour le moment, sa valorisation ne fait pas consensus. Les analystes de JPMorgan avaient donné le «la» en août en estimant à 2,85 milliards de livres (3,15 milliards d’euros) les activités vie d’Aviva France. La totalité de la filiale pourrait valoir entre 3 et 4 milliards d’euros, soit 6 à 7 fois son bénéfice d’exploitation, selon certaines sources. Plus prudent, un banquier d’affaires évoque 2 milliards d’euros seulement. «La partie dommages a beaucoup de valeur. En revanche, l’assurance vie subira une décote», estime-t-il.
«Aviva France est un dossier compliqué car l’essentiel de l’activité, à savoir l’assurance vie, n’est plus porteuse aujourd’hui en raison du contexte de taux bas qui pèse sur le stock de fonds en euros, estime un autre bon connaisseur. L’an dernier, le groupe avait dû recapitaliser sa filiale tricolore à hauteur de 160 millions d’euros en raison de la baisse de sa solvabilité liée aux tensions sur les taux d’intérêt.
«Le repreneur potentiel devra aussi s’entendre avec l’Afer, qui a une certaine capacité de nuisance», poursuit la source. L’association d’épargnants concentre 55 milliards d’euros d’encours fin 2019, soit la majorité des actifs d’Aviva France. Son président Gérard Beckerman n’a pas hésité à brandir dans L’Agefi la menace d’un «veto» si le nom de l’acheteur ne lui convient pas. En cas de désaccord, «l’Afer aura du mal à trouver un autre assureur français prêt à accueillir son portefeuille d’assurés aux mêmes conditions qu’Aviva», relativise un autre informateur. Une allusion aux taux de rémunération supérieurs à la moyenne du marché servis par Aviva aux adhérents de l’association.
Cinven et Athora cités
Si la maison mère semble privilégier une cession en bloc, «nous n’avons pas identifié à ce stade un assureur intéressé par l’ensemble du périmètre, explique un banquier. Il y a en revanche beaucoup d’intérêt chez les fonds anglo-saxons qui ont la capacité de racheter la totalité d’Aviva France, quitte à en céder une partie ensuite». Le fonds britannique Cinven et Athora, un assureur européen créé de toutes pièces par Apollo (et directement inspiré de l’américain Athene) sont cités par plusieurs sources. Tous deux sont présents dans l’assurance dans quelques pays limitrophes, mais pas en France. Ils ne font pas de commentaires, tout comme l’assureur allemand Allianz et l’italien Generali. Egalement évoqués par certains observateurs, ces derniers possèdent déjà de solides positions dans l’Hexagone.
Aviva France pourrait aussi intéresser des acteurs locaux qui souhaitent renforcer leurs parts de marché ou leurs réseaux de distribution, à l’image de certains bancassureurs et du mutualiste Covéa, en quête de croissance externe. «Outre la branche dommages, le réseau d’agents généraux, de courtage, et la marque UFF en vie sont attractives», pointe une source.
Devant ses troupes, Patrick Dixneuf a évoqué lundi une vingtaine de marques d’intérêt. Quelle que soit l’issue, nombreux sont les salariés français à vouloir tourner la page anglaise, après des années d’errements stratégiques de leur maison mère. «Nous sommes choqués car Amanda Blanc, la nouvelle patronne du groupe, nous jette comme des malpropres, juge un représentant de l’intersyndicale. En réalité, nous sommes les victimes de l’échec de la stratégie d’Aviva ces dernières années.»
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