
La BCE sermonne les banques sur le risque climatique

Les banques sont encore dans une phase d’apprentissage pour intégrer le risque climatique dans leurs tests de résistance, et cela se voit. La Banque centrale européenne (BCE) a publié, vendredi, le résultat des stress tests climatiques des banques européennes, avec des résultats mitigés, qui sonnent comme un avertissement.
Plus encore que les évaluations chiffrées, c’est le manque de qualité des données qui est mis en exergue par l’institution. Ces résultats seront examinés plus en détail par la BCE, qui fournira des orientations sur les meilleures pratiques et des recommandations à l’intention des banques d’ici à la fin de 2022. Et il est possible que le superviseur européen durcisse le ton au vu des lacunes aujourd’hui constatées. Un avis que partagent par exemple les analystes de JPMorgan : ils estiment que «la barre pour les futurs tests de résistance sera plus haute».
Les banques pas préparées
En premier lieu, la BCE estime que «les banques ne disposent pas de cadres robustes de simulation de crise des risques climatiques et manquent de données pertinentes». Sur les 104 établissements que la banque centrale a passés au crible, 60% ne disposent pas encore d’un cadre de simulation de crise des risques climatiques. De même, la plupart des banques n’incluent pas ces risques dans leurs modèles de risque de crédit, et seulement 20% considèrent le risque climatique comme une variable lors de l’octroi de prêts. «A l’heure actuelle, les banques ne respectent pas les meilleures pratiques, selon lesquelles elles devraient mettre en place des capacités de simulation de crise climatique qui comprennent plusieurs canaux de transmission des risques climatiques (par exemple, les risques de marché et de crédit) et des portefeuilles (par exemple, les entreprises et les prêts hypothécaires).» En clair, elles ne sont pas prêtes.
Concernant la dépendance du secteur bancaire aux émissions de carbone et aux risques de transition, les données révélées par la BCE sont sévères. La banque centrale constate que «près des deux tiers des revenus des banques provenant des entreprises non financières viennent d’industries à forte intensité de gaz à effet de serre». Par ailleurs, dans de nombreux cas, explique la BCE, les «émissions financées» des banques résultent d’un petit nombre de grandes contreparties, «ce qui augmente leur exposition aux risques de transition». Les banques doivent par ailleurs jouer un rôle plus actif dans cette transition, en renforçant l’engagement de leurs clients pour aller dans ce sens. «Il s’agit d’une condition préalable pour que les banques évaluent et gèrent leur exposition aux risques climatiques à l’avenir», peut-on lire dans le communiqué de la BCE.
Risque sous-estimé
Enfin, les 41 plus grands établissements de l’échantillon ont analysé leurs performances dans différents scénarios intégrant plusieurs risques climatiques physiques sur différents horizons temporels. Ces résultats confirment que les effets des scénarios varient fortement selon la localisation géographique des établissements et leur exposition sectorielle.
Pour les 41 banques examinées sur ce point, les pertes de crédit et de marché en cas de transition désordonnée à court terme et après la prise en compte des scénarios de risques physiques s’élèvent à environ 70 milliards d’euros au total. Si ce chiffre peut paraître supportable pour le secteur, il «sous-estime considérablement» le risque réel lié au climat, affirme la BCE. Car les tests ne s’appuient que sur des données disponibles parcellaires, et les banques ne saisissent que de manière «rudimentaire» les facteurs climatiques dans leurs modélisations. Elles n’intègrent pas non plus le ralentissement économique et les «effets de second tour» des scénarios. Enfin, la BCE rappelle que ce chiffre s’appuie sur un échantillon réduit de structures, et pourrait ne pas être représentatif du secteur dans son ensemble.
Les résultats de ce test de résistance alimenteront le processus de contrôle et d’évaluation prudentiels de la BCE seulement de manière qualitative. «Il n’y aura pas d’impact direct sur le capital grâce aux prévisions du pilier 2 cette année», précise l’institution. Un répit pour les banques.
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