
La Banque Postale trébuche au stress test des banques européennes

L’Autorité bancaire européenne (EBA) a dévoilé ce vendredi après la clôture des marchés les résultats d’une nouvelle campagne de tests de résistance («stress tests») historiques. Conduit tous les deux ans, cet exercice a été mené cette année auprès de 70 banques issues de 16 pays de l’Union européenne et de l’Espace économique européen, soit 20 établissements de plus qu’en 2021.
Le scénario adverse testé par le superviseur, le plus sévère depuis la mise en place de cet exercice dans l’après-crise financière, se traduirait par une baisse de près d’un tiers du ratio de fonds propres durs CET 1 des banques européennes. Il s’établirait en 2025 à 10,4% en moyenne, contre 15% en 2022. Cette baisse limitée démontre, selon l’EBA, la «résilience» des banques européennes en cas de chocs négatifs sévères. Cette dernière s’explique notamment par «de meilleurs profits et l’amélioration de la qualité des actifs observés début 2023» qui contribuent à amortir le choc.
Pour évaluer ce choc adverse, l’autorité a notamment testé une hausse de 183 points de base des taux longs entre fin 2022 et fin 2025, ainsi qu’un plongeon des prix de l’immobilier (21% pour le résidentiel, 29% pour le commercial) et une contraction du PIB de 6% sur la période.
Parmi l’échantillon de 70 banques, La Banque Postale est l’établissement le plus fragile en cas de choc économique majeur. En cas de scénario adverse, son ratio de fonds propres durs CET 1 ressortirait à 0,1%, contre 14,7% en 2022. Elle pourrait donc nécessiter une recapitalisation, si un tel scénario défavorable se produisait.
Le poids de l’assurance
Un résultat que le groupe explique par les normes comptables et la structure de son bilan, dans un communiqué adressé vendredi soir aux investisseurs. La Banque Postale détient en effet depuis 2022 la totalité du capital du premier assureur vie français, CNP Assurances, exposé à un choc de taux sur ses portefeuilles d’emprunts d’Etat. «Les activités d’assurance représentent environ 60 % du total bilan du groupe La Banque Postale et induisent une sensibilité supérieure de la solvabilité à certains chocs de marchés, accentuée par l’usage de la norme IFRS 4 encore en vigueur en 2022», explique la filiale de La Poste. En utilisant la norme comptable IFRS 17, appliquée aux assureurs depuis 2023, le ratio CET1 de la banque partirait d’un niveau de 18% au 1er janvier 2023, et tomberait à 6,8% en 2025 dans le scénario adverse.
«Compte tenu du modèle d’affaires de La Banque Postale dont les activités reposent principalement sur la banque de détail avec une large base de dépôts et de prêts à taux fixe, certaines des hypothèses comme la rémunération des dépôts à vue des particuliers, non appliquée en France, ont des impacts plus particulièrement significatifs», ajoute le groupe. Un avertissement qui vaut d’ailleurs pour l’ensemble des banques françaises, pénalisées aujourd’hui par le poids de l'épargne réglementée et du crédit immobilier à taux fixe dans leur bilan lorsqu’on les compare à leurs concurrentes européennes.
Les autres banques françaises démontrent néanmoins leur capacité à résister aux chocs. L’impact du scénario adverse serait plus significatif pour les groupes mutualistes, qui partent toutefois d’une base de capital plus élevée. Le Crédit Agricole perdrait 731 points de base sur son ratio CET 1, tombant à 9,9%. BPCE perdait 520 pb à 9,9%. La Confédération nationale du Crédit Mutuel perdrait 735 pb sur son ratio de capital CET 1. A 11,4%, il resterait toutefois le plus élevé des banques hexagonales.
La Société Générale, qui avait accusé du retard par rapport à ses homologues européennes lors du précédent stress test en 2021, subirait un recul de 513 pb à 8,2%. BNP Paribas verrait son ratio CET 1 reculer de 392 pb à 8,4%. A l’exception de La Banque Postale, les ratios de capital réglementaire des banques françaises resteraient donc à un niveau élevé.
Bank of America Securities Europe, qui a élu domicile à Paris après le Brexit, subirait la baisse la plus spectaculaire de son ratio CET 1 en cas de scénario adverse. Il s’établirait alors à 12,3% en 2025, un niveau confortable, contre 22% en 2022, soit une baisse de 968 pb.
Vigilance
Si un tel scénario défavorable venait à se réaliser, les banques européennes verraient s’évaporer au total 469 milliards d’euros de fonds propres, soit un cinquième de leur capital. Elles seraient, malgré tout, «suffisamment capitalisées pour continuer à soutenir l’économie même en cas de stress sévère», se félicite l’EBA dans un communiqué.
L’EBA invite toutefois à la «vigilance» en raison du «haut niveau d’incertitudes macroéconomiques». «Les superviseurs comme les banques devraient être préparés à une dégradation des conditions économiques», martèle l’Autorité.
L’EBA rappelle que ces tests de résistance ne s’accompagnent pas, contrairement aux Etats-Unis, d’une jauge de fonds propres à atteindre (« pass or fail »). La Banque centrale européenne (BCE) en tient toutefois compte lors de l’évaluation des exigences au titre du pilier 2 et des discussions sur les trajectoires de capital avec chaque établissement.
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