L’ « open banking » piétine

Royaume-Uni
Stéphanie Salti à Londres
Barclays  et HSBC.
Parmi les neuf banques qui ont participé à la fondation de l'Open Banking Implementation Entity, Barclays et HSBC.  -  rea

En matière d’open banking, le Royaume-Uni s’est imposé parmi les pays pionniers. Dès septembre 2016, les neuf principaux établissements du pays en matière de comptes courants (AIBG, Bank of Ireland, Barclays, Danske, HSBC, Lloyds Banking Group, Nationwide, RBS et Santander) ont participé au financement et à la création d’Open Banking Implementation Entity (OBIE), une entité privée, supervisée par l’autorité de la concurrence (CMA) et le régulateur financier britannique (FCA). Dix-huit mois après le lancement de l’initiative, l’heure est aux premiers bilans. Selon UK Finance, l’organisme de représentation des banques outre-Manche, ces neuf établissements engagés dans l’open banking auraient dépensé quelque 1,5 milliard de livres pour cette initiative. La perception des banques aurait cependant évolué : « Il y a deux ans, l’ ‘open banking’ était considéré par beaucoup comme un exercice de conformité uniquement soutenue par une poignée de fintech, explique Imran Gulamhuseinwala, trustee de l’OBIE. Ce n’est plus le cas. Les banques ont dépassé ce stade pour envisager l’ ‘open banking’ comme une opportunité de concurrence accrue et d’innovation. » A l’heure actuelle, 118 entreprises régulées sont autorisées à fournir des services utilisant l’open banking outre-Manche et une centaine d’autres devraient les rejoindre.

Les projets se multiplient. Nationwide a récemment sélectionné sept fintech dans le cadre d’une initiative d’un montant de 3 millions de livres destinée à développer des applications et des services pour venir en aide aux populations vulnérables. Ces dernières auraient tout à gagner des applications de l’open banking. Selon une étude publiée fin juin (« Consumer priorities for open banking »), les personnes à faibles ressources pourraient potentiellement économiser jusqu’à 287 livres par an, soit 2,5 % de leur revenu annuel. Mais l’étude signale aussi que les nombreuses propositions associées à l’open banking ne se sont pas encore matérialisées. « L’ ‘open banking’ est une initiative de plus en plus répandue, assure Sulabh Agarwal, responsable des paiements chez Accenture, mais les défis demeurent. »

Standardisation insuffisante

En avril, l’autorité de la concurrence britannique a ainsi rappelé à l’ordre cinq des neuf banques concernées pour avoir échoué à mettre en oeuvre un certain nombre de fonctionnalités associées à l’open banking, et notamment les applications mobiles : « A l’heure actuelle, toutes les banques sont très occupées à vouloir atteindre l’objectif de la DSP2 en septembre. La commercialisation est passée au second plan, poursuit Sulabh Agarwal. En parallèle, la disponibilité des APIs devient un défi d’autant plus important que les volumes augmentent. » L’existence de plusieurs normes en Europe – STET en France, the Berlin Group en Allemagne, Open banking au Royaume-Uni, etc. – ne simplifierait pas non plus la tâche des banques : « Une plus grande standardisation permettrait de faciliter les partenariats et l’innovation, explique Ireti Samuel-Ogbu, responsable des paiements et créances pour la région EMEA chez Citigroup. L’adoption serait ainsi beaucoup plus rapide. » En avril 2018, la banque américaine est devenue le tout premier établissement commercial outre-Manche à obtenir le statut de fournisseur de services d’initiation de paiement (Payment Initiation Service Provider, PISP). Introduit par DSP2, ce service permet à un acteur d’initier un virement bancaire pour le compte d’autrui, à condition d’obtenir son accord au préalable. « Cette initiative nous permet d’offrir à nos clients entreprises une autre façon de collecter de l’argent de leurs clients en temps réel », explique Ireti Samuel-Ogbu.

La généralisation de l’open banking achoppe sur un manque de popularité. Six mois après sa mise en oeuvre, un sondage YouGov signalait que seuls 28 % des adultes britanniques étaient au courant de l’initiative. Et pour les initiés, l’expérience reste encore vacillante ; en mars dernier, l’OBIE a néanmoins tenté de remédier à cette situation en lançant une troisième version des standards de l’open banking destinée à faciliter l’expérience client. « Le parcours client doit continuer à s’améliorer, insiste Ireti Samuel-Ogbu. En dépit des progrès récemment réalisés, l’ ‘open banking’ ne présente pas le niveau de fluidité d’une carte bancaire par exemple. Pour réduire ce décalage, les commerçants pourraient potentiellement offrir des incitations pour booster l’utilisation des virements à partir de comptes courants. »

De leur côté, les régulateurs britanniques soufflent le chaud et le froid. S’ils reconnaissent l’importance de l’open banking pour les clients, ils s’inquiètent aussi de ses écueils : « L’ ‘open banking’ pose des questions sur la sécurité, le partage des coûts, la structure du système, l’équité en matière de partage de données et les responsabilités juridiques », écrit la Banque d’Angleterre dans un rapport (« Future of Finance »). Un bilan des 18 premiers mois de l’open banking serait à l’étude.

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