Intesa, le pôle d’attraction de la banque italienne

Le groupe a développé un modèle de banque universelle qui prend sa place au centre d’un marché italien très fractionné.
Franck Joselin
Le siège  d’Intesa Sanpaolo  à Turin.
Le siège d’Intesa Sanpaolo à Turin.  - 

Souvent, ces dernières années, les discours des banques européennes se ressemblent. Rares sont les présentations d’institutions financières de premier plan qui ne s’essaient pas aux refrains répétés par les fintechs : simplification, agilité ou spécialisation. Dans cet écosystème qui semble s’alléger, certains acteurs se positionnent toutefois en centre de gravité. Et attirent à eux leurs concurrents. C’est le cas d’Intesa Sanpaolo en Italie. Plutôt que de miser sur un métier très spécifique, la banque a décidé de jouer la carte de la structure universelle, présente sur tous les métiers. En 2020, elle a pris le pas sur ses concurrentes, en déclenchant une offre de rachat sur sa compatriote UBI Banca. Preuve de son pouvoir, Intesa Sanpaolo n’en a fait qu’une bouchée, malgré une première opposition de principe des actionnaires d’UBI.

Actuellement, la capitalisation boursière d’Intesa s’élève à environ 43 milliards d’euros, contre moins de 30 milliards pour UniCredit, et ce malgré son rebond spectaculaire en Bourse : 73 % cette année, contre 16 % seulement pour Intesa Sanpaolo. Pendant la même période, l’indice des banques européennes a progressé de 30 %. Mais peu importe la performance boursière de 2021, de nombreux analystes restent à l’achat sur Intesa Sanpaolo. C’est notamment le cas des équipes d’UBS, ou encore de celles de Goldman Sachs.

Concentration

La force d’Intesa Sanpaolo est, tout en évitant les écueils pendant les crises à répétition, d’avoir su s’appuyer sur son réseau pour développer l’assurance, la gestion privée et la gestion d’actifs. « Intesa Sanpaolo n’a rien eu à faire. Il lui a suffi de récupérer ses concurrents en difficulté », ironise un ancien directeur de la banque. L’italienne est présente dans tous les métiers – la banque de détail, la banque d’investissement avec IMI, la banque privée avec Fideuram, la gestion d’actifs avec Eurizon, mais aussi l’assurance – et elle est même positionnée à l’étranger, principalement en Europe centrale et de l’Est.

Dans beaucoup de ces métiers, Intesa Sanpaolo se situe dans les premières places. Son rapprochement avec UBI en fait le premier réseau transalpin, avec 4.500 agences et 13,5 millions de clients. Sa banque privée est aussi la première d’Italie, avec environ 330 milliards d’actifs sous gestion. Elle revendique sur ce créneau la deuxième place dans l’Union européenne, derrière BNP Paribas Private Banking (410 milliards d’euros). Eurizon, de son côté, est aussi la première société de gestion en Italie, avec 425 milliards d’euros sous gestion, voire 550 milliards en incluant sa coentreprise chinoise Penghua Fund Management (dont elle détient 49 %). Enfin, Intesa Sanpaolo est le premier distributeur d’assurance-vie en Italie, totalisant plus de 20 % de parts de marché, devant Generali et Poste Vita (l’assurance-vie distribuée par la poste italienne).

Outre ce développement local, Intesa Sanpaolo montre depuis plusieurs mois des ambitions plus internationales. Elle a par exemple acquis la banque suisse Reyl fin 2020. Quelques mois plus tard, c’est au Luxembourg que son nom est apparu, lors du rachat par l’italienne de la branche locale de Quilvest. Ensuite, la banque est montée en puissance dans la fintech Mooney, en créant une coentreprise avec Enel avec des visées internationales. Mais un bon connaisseur du groupe est formel : « Intesa Sanpaolo ne veut pas se développer davantage hors de ses frontières et de ses marchés cœur. La banque veut consolider sa place en Italie. » Avec l’intégration d’UBI, la banque est déjà bien occupée dans la péninsule. Elle ne s’est d’ailleurs pas positionnée pour reprendre Monte dei Paschi di Siena (MPS) dont l’Etat cherche en vain à se débarrasser depuis plusieurs mois. Quitte à la laisser à sa rivale UniCredit qui, finalement, n’a pas souhaité s’engager dans une restructuration de titans de la banque toscane. Et ce malgré une recapitalisation promise de l’Etat.

Sens de l’histoire

L’histoire d’Intesa Sanpaolo s’est construite sur des rapprochements. Et, même si c’est peut-être la plus emblématique du groupe, la fusion de la banque milanaise Intesa et de la turinoise Sanpaolo en 2007 n’est qu’une étape parmi d’autres. Pour ne remonter qu’à la fin des années 1990, Banca Intesa était déjà née de la fusion, en 1998, de Cariplo et de Banco Ambrosiano Veneto. Puis du rapprochement du groupe ainsi créé avec Banca Commerciale Italiana (BCI) finalisé en 2001. De son côté, Sanpaolo n’a pas davantage échappé au mouvement. La banque était issue de la réunion de l’Istituto Bancario San Paolo di Torino (nommé Sanpaolo) et de la banque d’investissement IMI (qui comprenait déjà Fideuram, devenue ensuite la banque privée du groupe) en 1998. En 2017, Intesa Sanpaolo avait repris deux banques vénitiennes en difficulté, Banca Popolare di Vicenza et Veneto Banca. Même la structure récemment rachetée, UBI Banca, est issue d’un maelström de rapprochements. Le plus important, qui a donné naissance au groupe tel qu’il était avant d’être repris par Intesa Sanpaolo, a eu lieu en 2007, avec la fusion de BPU Banca et de Banca Lombarda e Piemontese.

Le refus d’Intesa Sanpaolo de participer au sauvetage de MPS ne signifie pas qu’elle en a fini avec son rôle de point d’ancrage de structures diverses. Sa capacité à consolider le secteur bancaire très fragmenté en Italie (avec plus de 450 établissements de crédit répertoriés) fait partie de son ADN. Et le chantier reste vaste.

p10.gif

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles du même thème

Contenu de nos partenaires

A lire sur ...