Fumée blanche à Bruxelles pour les normes de l’information extra-financière

Clément Solal, à Bruxelles

L’accord était attendu depuis plusieurs semaines, mais tardait à se concrétiser. La Présidence française du Conseil de l’UE et les négociateurs du Parlement européen ont conclu mercredi en fin de soirée un compromis final sur la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). L’accord acte la création de nouvelles normes strictes et harmonisées au niveau de l’UE sur le reporting extra-financier des entreprises. Pilier de la stratégie de l’UE en matière de finance durable, le texte introduit pour la première fois une exigence générale d’audit à l'échelle européenne pour garantir la fiabilité des données environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) qui devront être publiées chaque année par les entreprises à compter de l’exercice 2024. Mais de quelles entreprises parle-t-on ? La question du champ d’application de la directive a longtemps constitué le principal point d’achoppement. Contre l’avis du Parlement, le Conseil souhaitait inclure les PME cotées, en sus des «grandes entreprises» comptant plus de 250 employés et réalisant un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros, et ainsi étendre le champ à près de 50.000 sociétés autravers de l’UE. En fin de compte, la directive se limitera à certaines PME cotées (environ 2.000), auxquelles sera accordé un délai supplémentaire de trois ans, jusqu’en 2028, pour se conformer à des normes de déclarations «allégées». Tensions sur l’audit et les filiales Quid des entreprises extra-européennes actives dans l’UE, que le Parlement souhaitait ciblerafin de préserver une concurrence équitable ? Les négociateurs ont ici convenu de limiter le texte aux entreprises détenant une filiale ou une succursale dans l’UE, et y réalisant plus de 150 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ces entreprises bénéficieront en outre du même délai supplémentaire de trois ans et de déclarations réduites. Autre sujet de tensions, les parlementaires, et leur rapporteur, le Français Pascal Durand(Renew), insistaient pour faire appliquer l’obligation de reporting aux filiales (européennes), et non au niveau des groupes, comme c’est pourtant le cas pour le reporting financier. Verdict : les nouvelles déclarations extra-financières seront bien publiées dans un rapport consolidé, par la maison mère. Mais avec l’obligation d’y indiquer si les « risques » ou les « impacts » présentés par les pratiques d’une filiale en particulier divergent « sensiblement », par exemple pour les émissions de CO2. Pascal Durand a enfin dû rendre les armes sur sa proposition controversée d’une interdiction du cumul des fonctions d’auditeur des comptes financiers et de rapporteur extra-financier. Défendue au nom de de la lutte contre les conflits d’intérêts et de l’ouverture du marché à d’autres prestataires, l’idée suscitait l’inquiétude des commissaires aux comptes. «Nous avons tout de même décidé de développer l’accréditation et la certification d’opérateurs extra-financiers - pas uniquement les cabinets du ‘Big Four’ donc - à travers un système de passeport à l’intérieur de l’UE, pour ouvrir le marché de l’audit et du contrôle», a néanmoins fait valoir l’eurodéputé français. «Plans d’action climat» L’adoption du texte a été très largement saluée par les représentants des différentes institutions de l’UE, dont Pascal Canfin, le président de la commission Environnement du Parlement européen. Le Français a insisté sur la portée climatique de l’accord. « Nous bouclons une phase essentielle de la construction d’un cadre de transparence et de lutte contre le greenwashing au niveau européen. Les entreprises devront publier annuellement leur plan de transition climatique, y compris leurs plans financiers et les investissements associés, afin d’expliquer comment leur modèle économique et leur stratégie sont compatibles avec l’accord de Paris et avec l’objectif de neutralité climatique d’ici 2050 (…) », a-t-il résumé. Ces «plans de transition climat» devront en outre inclure des informations relatives aux émissions de gaz à effet de serre « sur l’ensemble de la chaîne de valeur » (…) et divulguer - « quand c’est pertinent » - le degré d’exposition de l’entreprise aux énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz).La responsabilité de la conception des futures normes a été confiée à l’Efrag (European Financial Reporting Advisory Group), sous le contrôle de la Commission européenne. L’organisme a soumis un premier paquet de 13 standards à une consultation publique mi-mai.

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