
Bruno Angles : «La croissance d’AG2R La Mondiale doit être rentable»

Quelles sont vos priorités pour le plan stratégique 2023-2025 ?
Nous visons trois sujets prioritaires. Dans le champ des activités assurantielles où AG2R La Mondiale est présent – en dehors de la retraite complémentaire –, nous devons assurer une maîtrise des équilibres financiers, notamment sur la prévoyance. La deuxième priorité est de changer de braquet en matière de systèmes d’information et de digital pour assurer notre excellence opérationnelle. Enfin, la satisfaction client doit être au centre de toutes nos réflexions et de toutes nos actions.
Que comptez-vous faire pour redresser la prévoyance ?
Un travail important est à mener sur la performance économique d’AG2R Prévoyance. Nous allons présenter ce 9 juin un plan de redressement qui vise à gagner 130 millions d’euros par an d’ici à 2025. Les institutions de prévoyance doivent stabiliser leurs coûts financiers dans un souci de pérennité de leurs activités. Nous travaillerons d’abord sur la tarification. La fin des clauses de désignation par accord de branche a conduit à de nouveaux coûts commerciaux pour nos équipes. Nous devons en tenir compte et revoir les chargements. Nous chercherons aussi une amélioration des résultats techniques en acceptant de résilier certains contrats. En assurance plus qu’ailleurs peut-être, la croissance doit être rentable, compte tenu de Solvabilité 2 qui impose d’intégrer les projections des profits futurs dans les calculs des fonds propres. Nous devons veiller à ne pas dégrader notre marge de solvabilité. Nous espérons également améliorer le multi-équipement. Ce levier n’a pas été assez exploité, via notamment le digital, dans le respect, bien entendu, du RGPD (Règlement général sur la protection des données, NDLR).
Comment le digital peut-il se développer dans le groupe ?
Le groupe a pris du retard dans le digital sans doute parce qu’il s’est construit par des rapprochements successifs. André Renaudin (son prédecesseur, NDLR) a mené un travail important d’intégration des entités et des équipes. Il nous faut désormais faire de même pour les systèmes d’information. La connaissance client reste aujourd’hui très éclatée, les systèmes d’information présentent un risque d’obsolescence, les partenariats et les synergies sont longs à déployer. Nous devons changer de braquet et mettre en place une organisation ouverte et mutualisée qui va bénéficier aux assurés mais aussi aux collaborateurs. C’est dans ce contexte que Pascal Martinez a rejoint le comité de direction groupe, où il est en charge des systèmes d’information et du digital. Il mènera la transformation sur plusieurs années.
Vous avez annoncé début mai une nouvelle direction. Quel est l’objectif ?
Le nouvel organigramme de la direction a pour objectif d’encourager le travail en équipe entre les métiers et les fonctions et ainsi réduire les silos. Outre Pascal Martinez, François Rubichon a également rejoint le groupe en tant que secrétaire général. Nous mettons aussi en place un comité exécutif jeunes baptisé « Comme1Comex », composé de 8 femmes et 8 hommes de moins de 40 ans. Ils travailleront sur certains sujets et auront le devoir d’être des aiguillons, notamment sur des sujets en lien avec les nouvelles technologies.
Conservez-vous des ambitions de rapprochement avec un autre acteur dans les dommages ?
Nous n’avons pas renoncé à nous ouvrir à l’assurance-dommages (IARD) malgré l’abandon du rapprochement avec Matmut. Cela serait utile en termes de multi-équipement et de gains de solvabilité grâce à la diversification des activités. L’idée de partir de zéro en IARD est écartée. Nous mettons trois options sur la table : soit un rapprochement avec un acteur comparable à Matmut, spécialiste de l’IARD, soit un accord de partenariat pour distribuer des produits dommages d’un autre acteur, soit le rachat d’une assurtech. Nous attendrons la bonne opportunité avant d’agir.
Une fintech peut-elle s’intégrer dans un grand groupe comme le vôtre ?
La question se pose pour une assurtech comme pour un assureur classique. Tout dépend de la compatibilité culturelle et des dirigeants. Nous venons d’ailleurs de finaliser nos travaux sur un référentiel d’adhésion au groupe pour toutes nos entités et d’éventuels entrants comme la mutuelle Intériale, avec laquelle les discussions en vue d’un rapprochement suivent leur cours. Le groupe a atteint une taille telle qu’il nous faut mettre au clair toutes les parties sur un ensemble de règles en matière de business plan, de stratégie, de ressources humaines, de finance, de gestion du cash et des actifs, des risques, des systèmes d’information, de marketing et de communication.
Quels sont vos points d’attention sur l’évolution des marchés et les prochaines grandes réformes ?
L’environnement économique est fortement marqué par l’incertitude et la géopolitique. Nous devons étudier désormais plusieurs scénarios de conjoncture dans notre processus interne d’évaluation des risques (Orsa). Le redressement des taux d’intérêt s’annonce comme une bonne nouvelle au global, même si nous préférons compter sur notre plan de transformation.
Nous serons aussi attentifs à la prochaine réforme des retraites. L’augmentation de l’âge légal de départ à la retraite avait eu pour effet de bord de créer une charge supplémentaire, non anticipée, pour les institutions de prévoyance chargées de payer davantage de pensions d’invalidité. Cette question semble avoir été mieux prise en compte par le gouvernement. Enfin, une possible réforme de la dépendance nous concernera. Au-delà de la réflexion sur son financement, nous veillerons à porter le sujet de la formation et des ressources humaines dans ce secteur.
Propos recueillis par Alexandre Garabedian et Thibaud Vadjoux
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