Retraites, un test de confiance pour la signature de la France

La réforme envoie un signal important aux investisseurs, mais ses impacts directs sur les marchés seront limités.
Corentin Chappron
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Après trois ans de «quoi qu’il en coûte»,la réforme des retraites en France marque un retour à une forme d’orthodoxie budgétaire. A court terme, il ne faut cependant pas en attendre d’effets directs sur les marchés financiers. « Les orientations de la politique monétaire resteront, de loin, le principal facteur sur les marchés de taux. La réforme des retraites demeure un sujet essentiellement domestique, et dont l’impact sur ces marchés sera nul », constate Philippe Gudin, économiste chez Barclays. Et ceen dépit de la nette dégradation de la trajectoire des finances publiques depuis la crise du Covid. « La prime d’attractivité demeure sur les OAT : l’écart de taux avec le Bund reste en deçà de ce que les fondamentaux économiques suggèrent », ce qui indique un appétit toujours important pour la dette française, poursuit l’économiste. Signal «La réforme des retraites a bien sûr un enjeu fiscal important, puisque le gouvernement évoquait 500 milliards de dette supplémentaire sur 25 ans si elle n’était pas réalisée», soit 20% du PIB, rappelle Thomas Gillet, analyste France chez Scope Ratings. «Mais elle porte aussi un enjeu de crédibilité important, puisqu’elle déterminera la capacité du gouvernement à mener à bien le reste de ses réformes dans une situation économique qui se complique.» Si les impacts budgétaires de la réforme prendront une décennie au moins à se matérialiser, sa mise en place rassurera sur la maîtrise des dépenses publiques à court terme. A l’inverse, un échec dégraderait la confiance des marchés: le gouvernement s’est engagé à ramener les dépenses publiques sous les 3% du PIB en 2027. Or les projections du Conseil d’orientation des retraites montrent que les dépenses publiques se maintiendront au-delà de ce seuil si la réforme n’est pas mise en place. «La leçon liée à la chute des marchés britanniques a été davantage intégrée en Italie qu’en France, le gouvernement de Meloni ayant fait attention à son budget et son discours», constate un économiste qui souhaite garder l’anonymat. Par ailleurs, un échec de la réforme enverrait le signal d’un gouvernement français manquant de volonté alors que le reste de l’Europe est dans une situation politique et fiscale compliquée. «Des tensions pourraient se matérialiser sur les titres français si le gouvernement se retrouve acculé, voire s’étendre à d’autres actifs européens: Olaf Scholz est aussi dans une situation politique compliquée, l’état budgétaire de l’Italie est surveillé par les marchés…», souligne Samy Chaar, chef économiste de Lombard Odier. De quoi écorner également la crédibilité d’Emmanuel Macron. Le Conseil de l’Union européenne qui coordonne les politiques économiques des Etats membresappelle la France à mettre en place sa réforme, évoquant notamment des effets positifs sur son efficience, les marchés du travail et les finances publiques. Crise sociale Reste enfin la question d’une crise sociale si les opposants à la réforme déplacent les foules. Mais celle-ci devrait être d’importance pour susciter des risques matériels aux yeux des marchés. La crise des gilets jaunes n’avait ainsi pas eu d’impact sur les actions: au quatrième trimestre 2019, le CAC 40 a affiché une performance de 11,7%, contre 11,4% pour l’Eurostoxx 600. Les taux n’ont pas non plus bronché: l’écart de taux entre l’OAT et le Bund à 10 ans est resté stable, à 30 points de base (pb) au quatrième trimestre 2019. L’activité n’avait quasiment pas été affectée d’un point de vue macroéconomique, les manifestations ayant lieu le week-end; mais les grèves de 1995 et 2006, qui avaient eu un impact sur la production, n’en avaient pas eu sur les marchés. «Le risque est de rajouter des pressions sur l’économie française alors que les perspectives de la zone euro semblent meilleures que prévu, souligne Samy Chaar. Là encore, l’incertitude demeure, et les investisseurs n’ont pas fait évoluer leurs positions ou pris davantage de couvertures». Autant de facteurs qui pourront jouer sur la demande en OAT cette année, alors que la France empruntera des montants records sur les marchés dans des conditions financières bien moins favorables que les années précédentes.

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