Les standards extra-financiers se préparent dans la fièvre

Les consultations parallèles des normalisateurs européen et international annoncent une guerre des normes.
Frédérique Garrouste
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Les exigences de reporting extra-financier sont en cours de précision, tant sur le plan des principes que des modalités pratiques (voir le schéma). Les standards des rapports extra-financiers font l’objet de deux consultations actuellement, l’une par l’Efrag, groupe consultatif européen sur l’information financière, l’autre par l’ISSB, conseil international de normes extra-financières. L’idéal serait bien sûr un cadre harmonisé et les deux organismes font part de leur volonté de converger. «L’Efrag et l’ISSB travaillent sur l’unification des normes de reporting sur le climat, leur consultation s’effectuant d’ailleurs dans le même calendrier (d’avril à août, NDLR). L’Efrag indique qu’il va tenir compte des travaux de l’ISSB, donc la convergence semble probable», assure Julien Sébastien, associé d’Allen & Overy. Des points communs se dégagent effectivement. «Les deux organismes invitent par exemple à prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble des scopes 1-2 et scope 3, donc sur toute la chaîne de valeur de l’entreprise, en amont et en aval. De même, les deux projets de standards demandent aux entreprises des éléments sur leur stratégie climat avec publication de jalons intermédiaires, expose Laure Villepelet, directrice ESG (environnement, social, gouvernance) chez Tikehau Capital. L’idéal serait que les travaux de l’ISSB et l’Efrag puissent converger car nous redoutons aussi un excès d’exigences de reporting.» Certains acteurs estiment plutôt qu’une bataille des normes se prépare. «On relève avant tout une différence fondamentale dans les démarches: l’ISSB prend en compte la matérialité financière, l’impact du changement climatique pour l’actionnaire, alors que du côté européen, on regarde à la fois les risques subis par l’entreprise et les effets infligés par elle à la société, exposent Emmanuel de la Ville, fondateur, et Florian Grandcolas, directeur de l’agence EthiFinance. Il nous semble que la vision de l’ISSB reflète un choix de société tournée vers le seul profit financer dans une vision court-termiste... qui s’inspire du modèle américain et qui a montré seslimites.» Points d’achoppement La différence de vision européenne apparaît notamment dans l’estimation des enjeux pour les sujets à publier, la «matérialité»: «L’Efrag retient le principe de la ‘double matérialité’ contre la ‘matérialité financière étendue’ pour l’ISSB, expose Anne-Marie Jolys Bris, directrice exécutive chez BM&A. Le champ d’application des standards recouvre toute la chaîne de valeur de l’entreprise, en amont comme en aval, sur le champ complet de l’ESG, selon le normalisateur européen, contre seulement le périmètre de consolidation pour le conseil international.» Les projets du normalisateur européen soulèvent toutefois des critiques en Europe même, pour leur vision universaliste comme leur complexité. L’Efrag commence de fait par publier un premier jeu de 13 normes: sur les principes généraux de développement durable, l’environnement, le social et la gouvernance. «Les exigences d’informations demandées aux acteurs sont très précises, décrypte Marie-Cécile Moinier, associée chez BM&A. Ainsi, les indications à donner pour les normes environnementales doivent s’inscrire dans le cadre de l’Accord de Paris et être fondées sur des données scientifiques. Le plan climat à publier doit comporter un bilan carbone, des objectifs de réduction, l’information devant être rétrospective et prospective, à 2030 et 2050.» Même si l’Efrag prend soin de travailler en se référant aux textes déjà existants, comme la Task Force on Climate-Related Financial Disclosures (TCFD) créée par le Forum de stabilité financière, les exigences semblent élevées: côté ISSB, la consultation porte sur deux normes, l’une sur la durabilité et l’autre sur leclimat. Il n’y aura pas trop du calendrier en vue pour tenter de rapprocher les positions: «Le processus s’annonce à moyen terme, avec l’adoption vers fin 2022 et fin 2023 des normes européennes de reporting par la Commission, tandis que le calendrier pour la publication des normes ISSB n’est pas établi», indique Julien Sébastien.

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